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Le Quai d’Orsay vous révèle ses secrets

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 15 octobre 2017, mis à jour le 18 octobre 2017

Si vous vous êtes déjà demandé ce que contenaient les mystérieux télégrammes diplomatiques ou si la récente affaire Wikileaks a aiguisé votre curiosité, ce livre est fait pour vous. Écrit sous la direction scientifique de Maurice Vaïsse, historien des relations internationales, et Hervé Magro, directeur des archives diplomatiques, l’ouvrage «Dans les archives secrètes du Quai d’Orsay. L’engagement de la France dans le monde » retrace à travers les analyses du quai d’Orsay les grands bouleversements dans le monde, de 1945 à 2001.

 

« Que serait la projection vers l’avenir sans la capacité de se souvenir ? » C’est par une véritable ode aux archives diplomatiques que Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, débute sa présentation. Les archivistes, « ces travailleurs de l’ombre », poursuit-il, « incarnent la mémoire et l’avenir de notre diplomatie ». Une diplomatie française de la seconde moitié du vingtième siècle passée au peigne fin par une cinquantaine de diplomates, historiens, conservateurs, journalistes, pour un résultat final assez esthétique et pédagogique.

 

Dans les coulisses de la diplomatie française

Pour Isabelle Nathan, responsable des publics au centre des archives diplomatiques, « l’idée était de créer un beau livre illustré et accessible, pour que soient mis en valeur des documents parfois un peu austères, qui font uniquement l’objet de publications universitaires ». En effet, sauf à passer ses journées à la bibliothèque des archives diplomatiques de la Courneuve, le citoyen français lambda n’a pas souvent l’occasion de s’immiscer dans les communications entre diplomates. Et quelles communications ! Des millions de télégrammes diplomatiques, notes, dépêches, comptes-rendus d’entretien qui font l’histoire de notre Quai d’Orsay. « Au travers des correspondances », nous dit Madame Nathan, « les diplomates révèlent toujours un peu d’eux-mêmes, au-delà des informations factuelles ». Il suffit pour s’en assurer de jeter un oeil au portrait que dressent plusieurs diplomates français de Saddam Hussein, en 1974. « Direct et chaleureux, ouvert dans le dialogue, fier et lucide, le sourire de Kennedy, le bagout de Fidel Castro, le punch de Tito ». Lorsqu’il s’agit de qualifier le dictateur irakien, la prudence et la réserve, armes essentielles du diplomate, se font soudainement la malle. A la même période, lors d’une visite officielle en Corée du Nord, l’Ambassadeur français en Chine ne tarit pas d’éloges sur le pays et son « confort qui n’a rien à envier à notre civilisation ».

 

De l’après-guerre au nouveau monde, le lecteur se délecte d’anecdotes, analyses et réactions à chaud. En 1962, un « fait divers » relaté par l’ambassadeur de France aux Etats Unis, le cambriolage dans les bureaux du parti démocrate américain à New-York, deviendra le watergate et poussera le président Nixon à la démission. La même année, un diplomate alerte Washington sur des convois contenant des pièces d’artillerie, circulant soudainement à Cuba. Cinq ans plus tard, un télégramme envoyé au Quai depuis la Bolivie suspecte la mort du Che.

Telegramme diplomatique extrait

Dans un compte rendu d’entretien de 1975, on découvre le témoignage poignant de Sor-Buon, Général de l’armée cambodgienne vaincue. Après avoir parcouru à pieds 600 kilomètres pendant 39 jours pour se mettre à l’abri à la frontière thaïlandaise, ce dernier relate les atrocités commises par les Khmers rouges nouvellement au pouvoir. Une fois n’est pas coutume, le monde n’apprendra avec horreur que bien plus tard le génocide qui est en train de faire rage.

 

A côté des documents diplomatiques officiels, on trouve également quelques perles citoyennes. C’est le cas de cette carte postale d’un Canadien envoyé au Consul de France à Toronto, suite au discours du Général de Gaulle et à sa très célèbre réplique « vive le Québec libre ! ». On peut y lire « est- ce que quelqu’un a dit à ce fouteur de merde pourquoi l’hippopotame a une aussi grande gueule ? Est-ce que cet homme sénile a une cervelle de moineau ou est communiste, ou les deux, ou veut-il notre uranium ? Vive le Canada uni ! A bas De Gaulle ! ».

 

Des secrets encore bien gardés

L’observation de certains discours politiques, ouvrages ou manuels d’enseignement montre que l’Histoire est parfois réécrite, de manière plus ou moins consciente, pour proposer une vision valorisante –et donc fédératrice- du passé. Cette histoire de la France que Jean-Yves le Drian veut « au service de la paix et du développement » et « transparente auprès des citoyens » n’a pourtant pas toujours été très glorieuse. On peut donc regretter que ni la longue guerre Indochine, ni le génocide Rwandais au sujet duquel la responsabilité de la France a souvent été invoquée, n’apparaissent dans les morceaux choisis. « Désireux de faire rayonner la diplomatie par toutes les voies qui s’offrent à elle », les contributeurs de l’ouvrage ont du décider de faire l’impasse sur quelques sujets…

Justine Hugues

 

Dans les archives secrètes du Quai d'Orsay. L'engagement de la France dans le monde. Sous la direction de Maurice Vaïsse et Hervé Magro. Editions l'Iconoclaste. 400 pages. 39 euros.  

 

Jaquette secrets Quai d'Orsay

 

Justine Hugues
Publié le 15 octobre 2017, mis à jour le 18 octobre 2017