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CHRETIENS D'EGYPTE– Une minorité en danger

Écrit par Lepetitjournal Le Caire
Publié le 12 octobre 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

Des milliers de personnes ont assisté lundi soir aux funérailles des 17 manifestants coptes tués la veille lors d'une manifestation au Caire. Depuis la chute du régime Moubarak en Egypte, la communauté copte a été la cible de nombreux attentats. Aujourd'hui, ils crient leur désespoir

 

Des Egyptiens coptes et musulmans manifestent sur la place Tahrir au Caire le 6 février 2011. (Photo AFP)

Vingt-cinq personnes sont décédées, dont 17 manifestants, et plus de 300 ont été blessées dimanche au Caire, en marge d'une manifestation copte, qui protestait contre l'incendie d'une église dans le gouvernorat d'Assouan, le 30 septembre dernier. Lors des funérailles organisées lundi, des témoins ont indiqué avoir vu des véhicules de transport de troupes foncer sur les manifestants.

L'armée, "la main cachée" ?
Le Premier ministre du gouvernement provisoire, Essam Charaf, qui a prêté serment devant le chef du Conseil suprême des forces armées, le maréchal Hussein Tantaouia en février dernier, a effectué une déclaration troublante à la suite de ces évènements meurtriers. Selon lui, il s'agit d'"complot pour éloigner l'Egypte des élections". Il explique qu'"il y a des mains cachées derrière ces évènements". Et les Coptes, qui représentent environ 10% des 80 millions d'Egyptiens, n'hésitent pas à accuser l'armée d'être à l'origine de ces violences. Devant l'hôpital copte, dans le centre du Caire, où se trouvent les dépouilles de 17 manifestants tués, des centaines de personnes ont crié lundi leur ressentiment et leur frustration. "A bas le pouvoir militaire! A bas le maréchal! Le peuple veut l'exécution du maréchal!", scandaient les manifestants, en allusion au maréchal Hussein Tantaoui, qui dirige dans les faits le pays depuis la chute du président Hosni Moubarak en février.

Des rôles difficiles à déterminer
Difficile de définir précisément les rôles de chaque partie, dimanche, lors de la manifestation copte qui a dégénéré. "L'armée dit que nous étions armés, c'est complètement faux ! Trois groupes nous ont attaqués hier : la police, les militaires et les baltageyya (voyous, ndlr)", affirme Nour Abdallah Morgane, 32 ans. "Tout ça a été planifié par l'armée et la police", accuse-t-il. "J'ai vu les véhicules de l'armée foncer à toute vitesse sur les manifestants. J'ai vu les gens se faire écraser, et quand certains en réchappaient, c'est la police anti-émeutes qui est venue les chercher et les passer à tabac", assure Samuel Souleimane, 28 ans. 17 des 25 victimes au moins auraient ainsi été entraînées sous les roues des véhicules militaires. Des blessures par balles étaient aussi visibles sur certains corps. Mais selon les autorités, les protestataires ont lancé des pierres sur les forces de l'ordre et, citant des témoins, les manifestants coptes étaient armés. La chaîne publique cite notamment des soldats blessés, qui assurent qu'ils ne disposent pas de balles réelles.

Les Coptes pris pour cible
Depuis la chute d'Hosni Moubarak, des mouvements salafistes ont refait surface, conduisant à des violences confessionnelles. Et la communauté copte est principalement visée. Ces derniers évoquent des discriminations et un manque de protection des autorités. "Les bouleversements en cours amènent chacun à se repositionner, entraînent pas mal de surenchère, ce qui ne peut qu'aboutir à des débordements, en particulier dans la perspective d'une réforme de la constitution qui doit clarifier la place de l'Islam dans les institutions", explique Sophie Pommier, enseignante à Sciences po Paris. "Construire une église aujourd'hui en Egypte reste très compliqué et la réforme concernant les lieux de culte n'avance pas", s'inquiète Shahinaz Abdel Salam, blogueuse égyptienne. Selon elle, "le Conseil militaire ne fait rien pour désamorcer la situation. Il veut changer le régime mais garder les mêmes têtes, ce qui revient à nous voler notre révolution. Au fond, il joue la même carte que Moubarak en brandissant la menace du chaos."

Des tensions religieuses pour mieux contrôler le pouvoir
Le Premier ministre Essam Charaf a appelé chrétiens et musulmans "à la retenue" et à ne pas céder aux "appels à la sédition". "Ce qui se passe, ce ne sont pas des affrontements entre musulmans et chrétiens, ce sont des tentatives de provoquer le chaos et la sédition", a-t-il dit sur sa page Facebook officielle. "Musulman, chrétien, une seule main", scandaient d'ailleurs des manifestants musulmans proches de l'hôpital copte, dans la soirée de lundi. Les Etats-Unis et l'Europe ont dénoncé les violences, ce qui a renforcé les doutes envers l'armée, soupçonnée par certains de vouloir conserver le pouvoir, avec l'objectif affiché de lutte contre les violences confessionnelles. De son côté, le Conseil suprême des forces armées a réfuté ces accusations et a demandé une enquête au gouvernement. Pour l'instant, aucune annonce n'a été faite concernant un éventuel report des élections législatives, prévues le 28 novembre prochain.

J.B (www.lepetitjournal.com) mercredi 12 octobre 2011

Voir aussi :

Le Parisien - Egypte: des milliers de personnes aux funérailles de manifestants tués
La Croix - Les coptes dénoncent la violence des salafistes

Publié le 12 octobre 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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