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JACQUES DELMARRE - “J’ai aussi un projet plus fou qui serait de rentrer en France en remontant par le Vietnam“

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 19 octobre 2016, mis à jour le 7 janvier 2018

 

Chtimi d'origine, mais Niçois depuis plus de 40 ans, Jacques Delmarre est professeur de technologie, d'informatique et de secourisme au Lycée Français de Kuala Lumpur Henri Fauconnier. Il est aussi moniteur de plongée, d'escalade, professeur de guitare, et depuis bientôt 20 ans, pilote d'avion ! Arrivé en Malaisie en 2008, cela fait trois ans qu'il travaille sur la construction d'un aéronef en kit de type ULM qu'il a tout récemment terminé. Amateur de sports de plein air, pour Jacques Delmarre, le maître mot reste ?l'humilité face à mère nature?.

Lepetitjournal.com Kuala Lumpur : Quelle a été votre principale motivation dans ce projet?

Jacques Delmarre : Voler bien sûr ! J'adore voler, c'est ma passion. J'aime beaucoup la 3ème dimension, le 3ème élément. On remarque qu'un être humain se déplace rarement dans cette 3ème dimension et il faut vraiment être amateur de ces sports dits ?à environnement spécifique? pour accéder à cet axe des Z que j'aime bien. C'est vrai qu'à part en montagne, sous l'eau et dans l'air, on n'accède pas vraiment à ce déplacement vertical; on se déplace le plus souvent à plat sur un plan, même si ce plan monte et descend parfois.
L'avion et l'aviation m'ont toujours attiré, après tout mon père était pilote de chasse, ma fille est actuellement élève ingénieure à l'école de l'air de Salon-de-Provence et souhaite aussi suivre son exemple, mon frère a un avion? c'est un peu un virus de famille ! Alors, comme je n'ai pas les moyens de me payer un véritable avion et que je suis bricoleur, je me suis dit pourquoi ne pas construire un ULM en kit !

Qu'avez-vous ressenti après votre premier vol ?

Dans la mesure où ce premier vol s 'est soldé par un crash, dû à des conditions météorologiques peu favorables (rafales de vent de travers), le moins que l'on puisse dire est que la déception a été assez forte : L'ULM est en piteux état. Mais je prends ceci comme une nouvelle leçon d'apprentissage de l'humilité face à la nature. En tant que moniteur de plongée je sais bien que quand la mer n'est pas bonne, il ne faut pas plonger ; le vol, c'est pareil ! Il faut apprendre à être humble et se dire que ce jour-là, il ne fallait pas décoller!
C'est bien de savoir prendre des risques, mais face à la nature, c'est surtout bien de savoir qui est le patron. La randonnée en montagne et la plongée sous-marine nous apprennent l'humilité face aux éléments. Je trouve qu'il y a beaucoup de similitudes entre la plongée et le vol : descendre en plongée est facultatif, par contre remonter, c'est toujours impératif ; en aéronautique c'est pareil, les décollages sont facultatifs mais tous les atterrissages sont toujours obligatoires.

Comment avez-vous financé votre projet ?

Il a été autofinancé à 100% et j'ai évidemment beaucoup économisé ! C'est ce qui m'a permis de consacrer ce budget d'environ 10.000 dollars que j'ai économisé durant de longues années. J'avais aussi dépensé 1.000 ringgits sur un moteur Toyota récupéré dans une casse, mais hélas, il s'est avéré incompatible et j'ai donc dû acheter un second moteur. Au final, quelques sacrifices ont été nécessaires pour l'achèvement de ce projet, et ont entraîné quelques restrictions budgétaires, en particulier pour les vacances, mais on n'a rien sans rien. Un vieux dicton du bar de l'escadrille nous dit que ?Si dieu avait voulu que l'homme vole, il lui aurait donné ...plus d'argent !!!?
L'avantage d'avoir bâti ce projet à partir de pièces détachées c'est aussi que j'ai pu étaler les dépenses selon les économies disponibles avant chaque achat. 

Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées?

La plus grande difficulté est que j'étais vraiment seul au monde ! La construction aurait pu être bien plus facile en France dans le cadre d'un aéro-club par exemple, mais ici en Malaisie, ce n'est pas le cas. Je dois avouer que cette solitude face aux problèmes rencontrés a été un peu pénible. Face aux multiples problèmes, il n'y avait personne à qui demander conseil, et j'ai dû passer des heures sur des forums aéronautiques. Mais malgré les conseils avisés de certains internautes pilotes (que j'en profite pour remercier chaudement ici) rien ne remplace le partage d'une expérience réelle ; d'autant plus que le vendeur du kit n'était pas spécialement réactif. Sans mode d'emploi, ni aucune notice, j'ai dû adapter le moteur sur la cellule tout seul, concevoir et fabriquer des pièces en aluminium, certaines d'un centimètre d'épaisseur ! 

Trois ans ont été nécessaires pour construire cet avion, avez-vous respecté votre deadline ?

En fait je n'ai rien respecté ni anticipé! Une fois le kit acheté, j'ai essayé de le terminer le plus vite possible, c'est tout ! Mais bien sûr j'ai aussi mon travail d'enseignant. Entre de nombreux engagements et activités, sans parler de la vie de famille, tout ceci a rendu le temps dédié à ce projet relativement long. Le fait d'être seul à prendre les décisions a aussi beaucoup pesé sur cette durée. Il me fallait à chaque fois mûrement peser le pour et le contre, laisser mûrir la solution, souvent s'apercevoir d'une impossibilité manifeste, ou au contraire d'une solution évidente qui m'avait échappée. La recherche du second moteur elle, a nécessité un an, et retardé le projet d'autant.

Quels sont vos projets pour l'avenir ?

Dans un premier temps il me faut commencer par le réparer et terminer les réglages indispensables pour le faire voler correctement! J'aimerais ensuite y installer des flotteurs pour le transformer en hydravion amphibie, pour ensuite me poser aussi bien sur terre que sur des rivières, lacs, et bien sûr en mer, pour pouvoir accéder aux nombreuses îles environnantes (Tioman, Perhentian, etc).
J'ai aussi un projet plus fou qui serait de rentrer en France en remontant par le Vietnam, la Chine, le Japon, les Aléoutiennes, l'Alaska, la Californie, le Golfe du Mexique, la côte Est des USA, le Labrador, le Groenland,  l'Islande et enfin l'Angleterre ! C'est un trajet de 30.000 kilomètres et en faisant 1.000 kilomètres par jour, je suis à la maison en un mois !!!!  Mais bon, j'ai quand même bien conscience des difficultés rencontrées et du caractère utopique de ce projet, cela relève plus du délire que du rêve. Mais l'hydravion est l'engin idéal pour ce type de périple, on peut faire des sauts de puce d'île en île. Après tout, elles ont toutes un port pour faire le plein; de port en port, de 500 kilomètres en 500 kilomètres, on peut faire le tour du monde ?en cabotage?.

Pour finir, étant professeur de technologie et pilote d'avion, quelle est votre opinion sur les cours de technologie dans l'éducation française et l'industrie aéronautique française ? 

Concernant la technologie, je pense qu'il est intéressant pour les élèves d'avoir accès à ce type d'enseignement en France, je ne sais même pas si cette matière existe ailleurs que chez nous.  Les anciens se souviendront avec nostalgie des Travaux Manuels ou de l'Education Manuelle et Technique, mais malheureusement les cours de technologie en France abandonnent de plus en plus la partie manuelle de cet enseignement. Ce n'est honnêtement pas la faute des professeurs mais bien de la taille des classes, impossible d'avoir 35 élèves avec leurs scies, perceuses et autres fers à souder dans une classe ! J'ai donc une chance incroyable au sein du LFKL Henri Fauconnier d'avoir seulement des groupes d'une quinzaine d'élèves. C'est bien cet effectif réduit qui rend ces manipulations possibles. Et c'est cet environnement favorable qui permet aux élèves d'être autonome et de travailler sur leurs projets en binômes.

Quant à l'industrie aéronautique, la France a su se donner les moyens d'avoir son Airbus national (voire international, merci à l'Europe). Entre Airbus, Eurocopter ou Dassault entre autres, nous sommes vraiment à la pointe de cette technologie. Ce n'est pas pour rien que les Rafale s'affirment doucement parmi les meilleurs avions de chasse du monde, l'A380 est une indiscutable réussite technologique et Eurocopter fabrique aussi les meilleurs hélicoptères du monde !

Fort de ce constat, j'aimerais faire passer un peu de cette culture aéronautique à la jeune génération et suis en train d'envisager la création d'un club aéronautique au lycée, club qui pourrait, le cas échéant, se transformer en ?section aéronautique? ? A suivre ...

 

Alexis Poinard (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) jeudi 20 octobre 2016

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Publié le 19 octobre 2016, mis à jour le 7 janvier 2018

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