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MA-HUAN A MAN-LA-CHIA - La première description de Melaka par un touriste chinois

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 23 octobre 2016, mis à jour le 23 octobre 2016

 

Le tourisme n'est pas nouveau à Melaka. Les touristes peuvent être des observateurs attentifs et leur description fourmiller de renseignements utiles. L'un des premiers visiteurs à Melaka s'appelait Ma-Huan.

Nous savons très peu de choses sur lui. Ma-Huan est né au sud de Shanghai. Son nom de plume était ?Bucheron de la Montagne?. Il s'est converti à l'Islam, et il a appris l'arabe. Il est devenu interprète et il va accompagner le célèbre amiral Cheng Ho dans trois de ses sept expéditions dans l'océan Indien. Il a visité Melaka au cours du quatrième (1413-15) et du septième (1430-33) voyages. Si l'on considère qu'un touriste, est quelqu'un qui quitte sa résidence, pour faire un tour et rentrer chez lui, Ma-Huan qualifie.

Ma-Huan écrit son livre ?L'aperçu général des rivages de l'Océan? (1) au début des années 1430. C'est sans doute la première description de Melaka que nous possédons.

Melaka est à l'époque de Ma-Huan politiquement de peu d'importance, mais son rôle de premier plan comme entrepôt commercial international va croître rapidement. C'est là que pour la première fois le commerce de la première grande route commerciale entre la Chine, l'Indonésie et l'Inde va se concentrer, en un point central et selon un plan précis.

D'abord, Ma-Huan nous présente le contexte historique. Melaka est née sous contrôle de la Thaïlande. En développant une relation étroite avec la Chine à partir de 1405, Melaka va être en mesure de devenir un royaume indépendant dès 1409, à l'abri du parapluie diplomatique chinois. 

Puis, il présente le site. D'un côté, le palais au sommet d'une colline face à l'estuaire d'une rivière est une caractéristique commune aux premiers royaumes malais sous influence hindouiste. ?Un court d'eau assez important passe devant le palais royal avant de se jeter dans la mer (c'est aujourd'hui la rivière de Melaka) sur laquelle le roi a construit un pont, couvert d'une vingtaine de boutiques où l'on vend toutes sortes de produits?. Le pont est autant le lien entre les deux rives, qu'une place de marché. De l'autre côté de la rivière, vivent les gens du peuple et les marchands, les étrangers aussi. Jusqu'à la fin du XXe siècle les choses ont peu changé, les pouvoirs politiques se succèdent sur la rive gauche et les activités économiques se concentrent sur la rive droite.

Enfin Ma-Huan décrit les gens et leurs activités. Le prince fondateur s'est déjà converti à l'Islam. Il dépeint les Malais, leurs vêtements, leur habitat traditionnel, construit en bois sur pilotis ; ils se livrent à la pêche et à la construction de bateaux. Il insiste sur les produits pour lesquels Melaka est connue, comme les plantes médicinales, les bois durs, la résine de dammar et l'étain. Ma-Huan nous informe que l'étain est utilisé comme monnaie. Il mentionne également les plantes et les animaux qu'il n'a jamais vus auparavant. ?Les rivages de la mer sont habités de tortues et de dragons capables de blesser les hommes. Ce dragon a trois ou quatre pieds de haut, il a quatre pattes et un corps qui est complètement couvert d'écailles. Il a une rangée d'épines le long du dos, une tête de dragon et les dents bien adaptées pour saisir sa proie. Il dévorera tout homme qu'il a la chance de rencontrer?. Bien sûr, Ma-Huan décrit le crocodile d'estuaire ou Crocodilus porosus, qui habite l'estuaire des rivières et les mangroves d'Asie équatoriale, aperçu la dernière fois dans la rivière Melaka dans les années 1990.

Il est intéressant de noter que Ma-Huan trouve le temps de s'aventurer sur le terrain de l'ethnologue. Il est peut-être le premier à évoquer la croyance des Malais dans les hantu (ou fantômes).

?Lorsque ce lieu est visité par les navires marchands chinois, les habitants érigent une barrière pour la perception des droits. Il y a quatre portes dans le mur de la ville, chacune équipée de tours de guet avec tambour d'alarme. La nuit, des hommes avec des clochettes patrouillent l'enceinte. A l'intérieur des murs on a construit un second petit enclos entouré de palissades qui abrite les entrepôts pour le stockage du numéraire et des provisions. Sur le chemin du retour, la flotte impériale s'arrête en ce lieu, à la fois pour réparer les navires et aussi pour charger les produits locaux. C'est ici qu'on attend le vent favorable du sud, et au milieu du cinquième mois on met à la voile pour le voyage de retour?. Malacca met des entrepôts protégés à la disposition des marchands étrangers. En mai les vents du sud deviennent fréquents dans la partie centrale du détroit de Malacca. La mousson du sud-ouest souffle de juin à septembre.

La qualité de la description tient au fait que notre auteur insiste sur ce qui est nouveau pour lui et ce qui le surprend, mais sans jamais porter de jugement. C'est le compte-rendu d'un voyageur curieux, curiosité trop souvent absente dans les blogs des touristes d'aujourd'hui.

Ma-Huan a parfaitement compris les raisons du succès de Melaka. Le parapluie diplomatique chinois, la conversion à l'Islam, la mise à disposition des commerçants d'installations adéquates, la situation sur un passage maritime incontournable et là où les vents de mousson s'inversent. Un seul ingrédient manque. Ma-Huan ne mentionne pas un puissant allié du sultan de Melaka, l'Orang Laut (Homme de la mer). C'est lui qui assure la sécurité des détroits pour la plus grande fortune de Melaka. 

(1) MA-HUAN, ?The Overall Survey of the Ocean Shores? (1433), translated from the Chinese text edited by Feng Ch'eng-Chuan by John Vivian Gottlieb Mills, Cambridge, University Press for the Hakluyt Society, 1970

  

Serge Jardin (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) lundi 24 octobre 2016

Retrouvez Serge Jardin à travers son ouvrage le plus récent, Malacca Style, ou la série d'articles Passeurs d'Histoire

Crédit photo : wikipedia.org

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Publié le 23 octobre 2016, mis à jour le 23 octobre 2016

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