Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

ECONOMIE - La crise fait tâche d’huile (de palme) en Malaisie

Écrit par Lepetitjournal Kuala Lumpur
Publié le 17 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

Lancée en grande pompe sur les marchés boursiers, l'huile de palme connaît une chute vertigineuse. La Malaisie vient de décider de revoir ses taxes à l'exportation afin d'enrayer la mauvaise spirale. Le petit journal vous aide à y voir plus clair.

 

Un mauvais concours de circonstances

Le marché de l'huile de palme est au plus bas. Deux facteurs expliquent cette baisse : une offre trop importante et une demande pas assez conséquente.

Tout d'abord, la production de l'huile de soja, la grande concurrente de l'huile de palme, se porte mieux qu'attendu et agit aujourd'hui comme un effet boomerang. En effet, en août dernier la production d'huile de soja avait chuté entraînant un report de nombreux investisseurs vers l'huile de palme. Coup de chance pour la palme malaisienne qui rentrait alors sur les marchés. Or depuis le mois de septembre, la récolte de soja est repartie plus vite que prévu à la hausse. De plus, pour ne rien arranger, l'Indonésie et la Malaisie arrivent dans leurs mois de production les plus intenses et risquent de se retrouver avec plusieurs millions de tonnes d'huile de palme non écoulées. Selon le Conseil malaisien de l'huile de palme, les stocks du pays s'élèvent déjà au niveau record de 2,48 millions de tonnes. Pour mémoire, les stocks de ces deux pays concentrent près de 90% de la production mondiale.

L'autre facteur est la demande. D'une part ,la crise économique qui touche l'Europe se fait sentir pour cette région dont les exportateurs attendaient une demande plus forte, notamment pour les biocarburants. D'autre part, les marchés chinois et indiens, où il était prévu une consommation à la hausse, ont stagné. En outre, le marché étatsunien reste relativement atone en attendant les résultats des élections opposant Obama à Romney. Enfin, les stocks des pays importateurs sont déjà remplis.

Traduits en termes de chiffres, ces deux facteurs de l'offre et de la demande combinés ont fait chuter les cours de l'huile de palme de 30% en quelques mois. Ainsi alors que la tonne d'huile de palme s'échangeait à 1.000 dollars avant l'été, elle est passée sous la barre des 800 dollars, chiffre jamais atteint depuis 2008. Le début du mois d'octobre n'est pas meilleur puisque les marchés vont réagir à cet ensemble de données et la chute risque de continuer.

Comment alors gérer cette mauvaise passe ?

La Malaisie baisse ses taux
Devant ce marché en berne mais aussi devant la grogne des producteurs malaisiens, la Malaisie décide d'aligner ses taxes sur celles de l'Indonésie. Tout d'abord la taxe sur l'exportation, aujourd'hui à 23% devrait baisser pour atteindre un taux estimé entre 4,5% et 8,5%. De plus, le quota d'exportation sans taxes, aujourd'hui fixé à cinq millions de tonnes par an, sera purement et simplement supprimé à compter du 1er janvier prochain.

Par ailleurs, Bernard Dompok, Ministre malaisien des Plantations, cité par l'agence Reuters, estimait que  "l'utilisation et la consommation locale devaient être encouragées". Il s'agirait notamment de favoriser l'utilisation de l'huile de palme comme biocarburant.

Si en cette fin d'année, l'huile de palme semble dans une certaine impasse, les perspectives à long terme paraissent meilleures. Ainsi Thomas Mielke, directeur du centre de recherche Oil World basé à Hambourg, explique :  "Nous estimons que le marché mondial aura besoin de 78 millions de tonnes d'huile de palme en 2020 contre 52 millions en 2012". Ces perspectives laissent une marge de man?uvre à la Malaisie et aux producteurs d'huile de palme. Pourtant, il existe une donnée purement marketing à prendre en compte : l'image de l'huile de palme n'a pas la cote.

Un défaut d'image ?
Les exportateurs d'huile de palme doivent faire face à deux critiques.

Tout d'abord une critique écologique, via notamment Greenpeace, qui dénonce le fait que la production d'huile de palme favorise la déforestation. La France est d'ailleurs un des pays les plus critiques, ce qui a poussé les deux gouvernements à lancer un groupe de travail franco-malaisien concernant l'huile de palme. A l'issue de la rencontre entre Stéphane le Foll, Ministre de l'Agriculture et Bernard Dompok fin septembre, le Ministre malaisien a déclaré: "Notre volonté aujourd'hui n'est pas d'étendre les surfaces destinées à la production d'huile de palme, nous souhaitons simplement améliorer la productivité sur les zones de productions existantes. Le rendement réalisé chez les ?gros producteurs? est compris entre 6 et 8 t/ha. Chez les ?petits producteurs? (exploitations de moins de 20 ha), le rendement est généralement inférieur à 4 t/ha. Il faut donc que nous améliorions la productivité sur ces petites exploitations. Nous voulons pousser les rendements jusqu'à 12 t/ha dans les prochaines années".

L'autre critique est davantage liée au domaine de la santé. En effet, l'huile de palme, à travers l'acide gras "palmitique", est athérogène, c'est-à-dire qu'il favorise les dépôts graisseux à l'intérieur des vaisseaux sanguins. Un avis de l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) expliquait en mars 2010 : ?Les acides gras saturés sont consommés en excès par la population française (16 % des apports énergétiques en moyenne alors que l'apport nutritionnel conseillé est inférieur à 12%). Ils sont notamment constitués d'acides laurique myristique et palmitique qui, en excès, sont athérogènes?.

L'huile de palme n'est donc pas la seule incriminée et comme pour l'alcool, il s'agit surtout d'une question de modération. Le gouvernement malaisien semble néanmoins préoccupé et argue du fait que si aujourd'hui les principaux dérivés de l'huile de palme sont les produits alimentaires (80 %), ils sont sous-utilisés pour les biocarburants (2 %). Bernard Dompok, le ministre malaisien en déduit : "Pour l'instant, nos produits sont majoritairement utilisés en alimentaire, mais c'est une opportunité à saisir, nous sommes en Europe pour cela".

Pour conclure, les perspectives à long terme semblent être bonnes pour le marché de l'huile de palme malgré la mauvaise passe actuelle. Il faudra néanmoins à la Malaisie compter sur la dimension écologique et sanitaire pour rassurer les consommateurs.

Renaud Voisin (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) Jeudi 18 Octobre 2012

logofbkl
Publié le 17 octobre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012

Sujets du moment

Flash infos