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Monsieur Olivier Gauvin, nouveau Consul général de France à Istanbul

Olivier Gauvin consul IstanbulOlivier Gauvin consul Istanbul
Écrit par Laure Sabatier
Publié le 30 novembre 2020, mis à jour le 2 février 2021

Diplômé de l’ENA, ancien porte-parole adjoint du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, passé par l’Ambassade de France de Washington et celle de Téhéran, Olivier Gauvin est arrivé en Turquie le 1er septembre 2020, pour exercer la fonction de Consul général de France à Istanbul. Lepetitjournal.com d’Istanbul l’a rencontré pour un premier entretien général, après une interview initiale consacrée à Izmir début novembre.

Être Consul général à Istanbul, c’est former un trait d’union : entre le service public français et nos compatriotes expatriés, entre deux cultures intimement liées, dans une circonscription de grande diversité à cheval sur deux continents

Lepetitjournal.com d’Istanbul : Après des postes à l'étranger, en Iran et aux États-Unis, vous arrivez en Turquie. Quel est votre lien avec ce pays, et plus particulièrement avec Istanbul ?

Olivier Gauvin : La Turquie fait partie de mon horizon intellectuel et géopolitique depuis de nombreuses années. En tant que diplomate d’abord, mais du fait de mon histoire personnelle avant tout. J’ai eu l’occasion de me rendre de nombreuses fois à Istanbul dans le passé, et je suis ravi d’être finalement en poste dans cette ville absolument fascinante, au cœur d’une circonscription passionnante qui couvre l’Ouest de la Turquie. 

Je retrouve une ville à la fois très changée et modernisée, mais toujours aussi dynamique, bouillonnante, riche d’histoire et captivante de diversité. Istanbul, ville trait d’union, où la France est présente depuis plus de cinq siècles maintenant, présente de nombreux enjeux tournés vers l’avenir, celui de l’innovation par exemple et du développement urbain durable, qui nourrissent mon enthousiasme à y évoluer. 

Un dialogue de proximité, des rencontres avec les compatriotes de la circonscription

Dans le contexte très particulier que nous vivons, entre crise sanitaire, crise économique et diplomatique, quelle impulsion, quelle direction souhaitez-vous donner à votre mission ?

J’envisage ma mission ici autour de trois piliers principaux : la communauté française, le rayonnement de la France et la relation entre nos deux pays.

Cela passe d’abord par un service de proximité et de qualité que je souhaite renforcer. Mon rôle est de m’assurer que toutes les Françaises et tous les Français ont accès aux services consulaires ; cela passe par un dialogue de proximité, des rencontres avec les compatriotes de la circonscription. Malgré les difficultés auxquelles nous faisons face, j’ai déjà eu le plaisir de rencontrer des acteurs du monde associatif, des ressortissants de Bursa et d’Istanbul, ainsi que nos compatriotes d’Izmir aux côtés desquels je me suis rendu à la suite du séisme. Je souhaite poursuivre ces échanges, j’ai notamment prévu de me rendre à Edirne prochainement.

La consolidation de la présence française et son rayonnement dans la circonscription me tiennent également beaucoup à cœur. La communauté française regroupe des profils et des expériences très variés dans de multiples secteurs d’activités. Je souhaite que notre consulat joue un rôle moteur, avec toutes les associations, pour les mettre en relation et soutenir le dynamisme de cette communauté. Cette mission passe aussi par la culture, l’économie, l’éducation, le commerce, autant de secteurs dans lesquels le consulat s’implique aux côtés et en appui des autres services de l’Etat. Je pense par exemple aux deux Instituts français de la circonscription qui se sont remarquablement adaptés au Covid pour assurer la continuité d’un contenu culturel de qualité. La venue de l’artiste Saype en est un exemple éclatant.

Nos actions sont résolument tournées vers la Turquie et le dialogue entre nos deux cultures, nos deux sociétés, nos deux pays. Nous sommes près de 8 500 ressortissants dans la circonscription d’Istanbul, et nous avons la chance de compter parmi nous des personnes très actives dans la construction et l’entretien de ce lien entre la France et la Turquie. De nombreux Franco-Turcs d’abord, qui sont de véritables ponts vivants, et puis tous ceux qui s’investissent au quotidien dans l’économie, la culture ou dans l’éducation en dialogue avec des partenaires français et turcs. Je pense notamment à l’établissement intégré Galatasaray, qui s’étend des classes primaires aux études supérieures : c’est un emblème vivant et concret de notre coopération éducative. Il y a chaque année des milliers de jeunes qui sortent de lycées turcs francophones, à Istanbul comme à Izmir. C’est un atout exceptionnel pour nos deux pays. Chaque semaine, je rencontre également des interlocuteurs turcs variés, qu’il s’agisse bien sûr des autorités officielles et locales, mais aussi d’entrepreneurs, d’artistes, etc.

Je tiens à évoquer ici le rôle essentiel de nos consuls honoraires, à Izmir, Bursa et Edirne [1]. Ils sont présents dans toute la circonscription et représentent des relais précieux avec la communauté et les autorités locales.

Les conseillers consulaires ont également une importance primordiale en tant que représentants élus des Français en Turquie ; ils sont des interlocuteurs privilégiés du consulat général d’Istanbul. J’en profite d’ailleurs pour rappeler la tenue des élections consulaires en mai 2021, auxquelles je ne peux qu’encourager nos compatriotes à se joindre. Le nombre de conseillers à élire sera en progression, quatre au lieu de trois actuellement, en reflet de l’augmentation de la communauté française en Turquie.

Tout cela concourt non seulement à approfondir les liens que nos deux peuples ont tissés à travers les siècles dans de multiples domaines, mais aussi à les renouveler dans un monde en pleine mutation. Nos deux cultures sont riches et nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres.

Jamais un tel bouleversement des modes de travail n’avait été imposé

Revenons justement sur la crise de la Covid-19. Quel a été son impact sur le travail consulaire ? Comment le service s’est-il adapté et vers quoi s’achemine-t-il pour cette deuxième vague ?

Tout d’abord, il faut rappeler que cette situation est complètement inédite. Jamais un tel bouleversement des modes de travail n’avait été imposé.

Lors de la première vague, plusieurs mois avant mon arrivée, la priorité pour le consulat était l’assistance et le rapatriement des Français de passage. Aujourd’hui, l’enjeu est avant tout l’adaptation et la continuité du service consulaire aux exigences de la crise sanitaire.

Certaines de nos activités ont été fortement touchées. Le service des visas par exemple a vu son activité baisser drastiquement, puisque nous ne délivrons plus que très peu de visas : seulement quelques catégories d’exception sont aujourd’hui concernées. D’autres services ont dû réduire leurs activités en raison des contraintes relatives à l’accueil du public.

Nous nous concentrons donc sur les missions les plus essentielles, à l’instar des démarches les plus importantes pour nos compatriotes, du suivi de la situation sanitaire et sécuritaire et de son évolution, de l’information de la communauté.  

En interne aussi nous nous adaptons : comme partout nous avons mis en place des mesures de distanciation, de restriction de l’accueil du public et de la présence des agents, ainsi qu’une plus grande dématérialisation des procédures. C’est notamment grâce à cette dématérialisation que nous assurons au maximum un service public continu et de qualité.

Quelque part cela vient accélérer la mouvance de fond de modernisation de l’administration française. L’inscription au registre des Français établis hors de France se fait par exemple en ligne depuis quelques années déjà, et un projet de longue haleine devrait voir le jour en 2021 : l’initiation de la demande de visa en ligne. Cette modernisation doit bien entendu s’accompagner d’un support à l’utilisation des outils numériques pour ceux qui y auraient un accès moins aisé. La modernisation intelligente vise à faciliter les procédures administratives tout en maintenant un lien humain de proximité avec nos ressortissants. Être proches, être efficaces : ce sont des priorités de notre action consulaire.

Je recommande vivement à tous les Français de s’inscrire sur le registre du consulat

Votre responsabilité vis-à-vis des Français se décline aussi sur le plan sécuritaire, qui a fait l’objet de quelques remous ces derniers temps. Qu’avez-vous à dire aux compatriotes de la circonscription ?

La vigilance maximale est recommandée aux Français partout dans le monde, le risque d’attentat étant élevé, comme nous l’a montré l’actualité récente. Il convient en particulier de se tenir à l’écart de tout rassemblement. Les Français de la circonscription sont régulièrement informés de nos recommandations en matière de sécurité ou tout autre sujet, sanitaire par exemple, qu’ils peuvent retrouver sur notre site ou celui du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Il ne s’agit pas de faire peur mais d’informer afin que chacun prenne les précautions qui s’imposent et adopte les bons comportements.

Pour suivre au mieux l’évolution de la situation sécuritaire, le consulat général a des échanges réguliers et travaille en bonne entente avec les autorités locales dont l’appui nous est précieux. Par ailleurs, les chefs d’îlots nous permettent d’avoir un contact de proximité dans chaque zone où la communauté française est présente.

Je recommande donc vivement à tous les Français de s’inscrire sur le registre du consulat s’ils sont établis en Turquie, ou sur le fil d’Ariane pour ceux de passage, afin d’être informés et connus de nos services. Nous sommes bien entendu à leur écoute s’ils souhaitent nous signaler des sujets liés à la sécurité.

De la start-up au grand groupe, les activités des entreprises françaises sont très variées

Istanbul compte encore beaucoup de Français, avec des arrivées en augmentation depuis ces dernières années, motivées pour une grande part par des opportunités économiques et commerciales. Comment se portent les entreprises françaises en Turquie et dans quelles dynamiques s’inscrivent-elles ?

La Turquie et la France entretiennent une relation commerciale et économique très dense, environ 15 milliards d'euros d’échange par an, et Istanbul en est le poumon.

La qualité de cette relation tient autant au dynamisme des Français installés ici qu’aux fondamentaux solides que garantit la Turquie en termes d’infrastructure, de capital humain, d’éducation ou de technologie.

450 entreprises françaises sont implantées en Turquie, dont beaucoup dans la circonscription d’Istanbul. D’autres veulent venir s’y installer ou y opérer. L’Ambassadeur, moi-même, le service économique régional (SER) ou Business France sommes en contact avec elles et les accompagnons. C’est passionnant de les suivre parce qu’elles présentent une très grande diversité structurelle et sectorielle : de la startup au grand groupe, les activités vont de la gastronomie au transport en passant par l’industrie, le jeu vidéo ou encore la mode. Nos compatriotes s’inscrivent aussi de plus en plus dans des dynamiques urbaines et participent activement à penser et créer la ville de demain au regard des priorités environnementales, ce qui correspond aussi aux attentes de villes comme Istanbul ou Izmir.

Le dialogue entre les entreprises françaises et les partenaires locaux est d’une grande qualité, et je me réjouis de pouvoir régulièrement rencontrer des acteurs importants de l’économie turque, à l’instar de la TÜSIAD, la MÜSIAD ou le DEIK. La chambre de commerce française en Turquie fait également un travail formidable grâce à une connaissance fine du tissu économique local.

Je suis Fazıl Say avec un grand enthousiasme depuis de nombreuses années

Vous vous dites lié intellectuellement à la Turquie depuis de nombreuses années, quelles références culturelles vous sont chères ?

En amateur de piano, je pense instinctivement à Fazıl Say que je suis avec un grand enthousiasme depuis de nombreuses années. J’admire autant son travail d’interprète que de compositeur et j’apprécie tout particulièrement sa capacité à mélanger et à sublimer les genres. Son adaptation des Montagnes d’Izmir dans le style de Brahms par exemple… c’est splendide ! Je pense aussi à certains peintres de l’école turque de Paris, notamment Nejad Devrim ; une œuvre exposée à Paris il y a quelques années m’avait marqué : "Au bord du Rhin".

Ces exemples illustrent bien cette idée de trait d’union qu’est pour moi la Turquie, et me ramènent à ce qui me parle à Istanbul : une atmosphère particulière, des habitants accueillants et dynamiques, des couleurs, des odeurs, des cuisines dont je me sens proche.

Chaque quartier est une atmosphère

Quel est votre endroit préféré à Istanbul ?

J’ai encore beaucoup de choses à découvrir mais je garde un souvenir très fort de la première balade que j’ai faite en arrivant : je me suis rendu au café Pierre Loti, que j’avais connu il y a vingt ans et que j’affectionne autant pour la charge historique du lieu que pour la beauté du trajet en bateau qui y mène.

Chaque quartier est une atmosphère, et si j’ai été fasciné par Eminönü et ses environs dans ma jeunesse, j’ai découvert de nombreux quartiers depuis mon arrivée, à l’instar de celui de Bebek ou de Balat, qui m’ont vraiment charmé. Izmir n’est pas en reste, j’ai beaucoup apprécié Ceşme, Urla et ses vignobles environnants.

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Lepetitjournal.com d'Istanbul souhaite à Monsieur Olivier Gauvin beaucoup de succès pour sa mission à Istanbul.

Propos recueillis par Albane Akyüz et Laure Sabatier.

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[1] Nous sommes d’ailleurs à la recherche d’un consul honoraire à Bodrum, à bon entendeur !

 

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