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UN FRANÇAIS RESSUSCITE L’ANCIENNE CAPITALE – Antoine Helbert : “Byzance n’est pas morte !”

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 24 février 2014, mis à jour le 24 février 2014

Antoine Helbert est un peintre, sculpteur et illustrateur strasbourgeois. Passionné par Byzance et l'Empire ottoman depuis l'enfance, il a entrepris de reconstruire cette ancienne capitale dans des illustrations plus vraies que nature, en laissant cours à l'occasion à son imagination d'artiste. Lepetitjournal.com d'Istanbul l'a interrogé sur sa passion et son projet.

Lepetitjournal.com d'Istanbul : Comment vous est venue cette passion pour Byzance?

Antoine Helbert : Depuis ma plus tendre enfance, Byzance fait partie intégrante de ma vie. Un jour, ma mère m'a offert une encyclopédie d'histoire générale et là se trouvait un chapitre consacré à la civilisation byzantine, que j'ai découverte ainsi. Je n'en avais jamais entendu parler jusqu'alors !

La curiosité m'a envahi à ce moment-là, il fallait que j'en sache plus sur cette civilisation mystérieuse. Je dis ?mystérieuse? parce qu'en Occident, Byzance passe trop souvent à la trappe des manuels d'histoire, hélas ! Et on peut l'expliquer de différentes manières : premièrement, par le Schisme de 1054 qui opposa l'Orient et l'Occident et scinda définitivement les deux Eglises catholique et orthodoxe. Deuxièmement par la décision du Pape Léon III, qui reconnut et couronna Charlemagne Empereur d'Occident alors que Byzance était la digne héritière de l'Empire Romain ; par la prise de Constantinople par les Croisés en 1204,  ainsi que par l'aide réclamée par les Byzantins lors de l'ultime siège de 1453, aide qui n'est jamais arrivée. Ces événements ont fini par achever l'accroissement du fossé qui nous séparait déjà. Je pense que les avis divergent sur la question? ceci explique cela !

Donc, enfant, je pensais que l'Empire romain avait disparu pour laisser place à la barbarie et l'obscurantisme comme on nous l'enseignait, alors qu'il n'en était rien ! Il s'était tout simplement réfugié sur les bords du Bosphore et continuait de briller de mille feux du côté oriental de ses positions, toujours garant de la culture grecque hellénistique, alors qu'en Occident tout ou presque avait disparu ! Lorsqu'on est enfant, de surcroît curieux et avide d'histoire, on veut en savoir plus, forcément ! Donc on recrée un univers absent des bibliothèques et librairies d'Occident. C'est ainsi que j'ai recréé cet univers byzantin.

Comment avez-vous recréé cette ville ? Quelles recherches avez-vous faites ?

Tout a commencé après un premier voyage à Istanbul  ce moment tant attendu, rêvé mille fois ! Vous imaginez bien mon excitation quand je découvris la muraille terrestre de Constantinople de nuit à trois heures du matin, à travers la fenêtre d'un taxi qui faisait la navette de l'aéroport à l'hôtel. Les mots n'existent pas pour décrire une telle émotion. Même émotion quand j'ai découvert Sainte-Sophie et tous les autres monuments présents et disparus qui ont fait cette ville aux trois noms. Je dirais, si je peux, ?magique?. Je me suis enivré de ce parfum oriental que porte Istanbul durant tout ce séjour car Constantinople vit toujours à travers Istanbul et vice versa ! 

À travers mes parcours pédestres dans la ville, les vieux textes byzantins m'accompagnaient au fil des croisements de mes chemins, comme un écho qui me disait que Constantinople était toujours présente, ses habitants surtout, la forme moins, mais le geste était le même, inchangé depuis des siècles. Byzance n'était pas morte !

J'ai mitraillé la ville avec mon appareil photo, sachant que rien ne devait m'échapper et sachant surtout que dès mon retour à Strasbourg, je débuterais un long travail, le travail d'une vie puisque j'y travaille toujours et encore sans relâche !

Pour recréer Byzance, j'ai utilisé des textes anciens byzantins et ceux de voyageurs d'autres époques plus proches de nous. Ces mêmes textes ont contribué au développement d'un imaginaire propre même si j'ai agrémenté ce travail des dernières fouilles et thèses archéologiques, je tiens à préserver une vue personnelle et artistique sur Byzance, ce qui fait ma singularité je pense. Je dis cela dans le sens où mon travail peut être décrié par les puristes byzantologues, mais mon approche reste celle d'un illustrateur-peintre-architecte du 19ème siècle, tout comme mes prédécesseurs qui arpentaient les sept collines de Rome il y a  plus d'un siècle. Tout comme eux je joue avec mon imagination : là où s'arrête la réalité je sors mes pinceaux et crayons !

Comment avez-vous procédé ensuite à sa reconstitution ?

Je vis au 21ème siècle. Même si mon approche est la même qu'un artiste du 19ème je n'en reste pas moins quelqu'un de notre temps qui utilise des logiciels à la pointe ! Le net fournit également des infos, parfois confuses mais non moins utiles. Surtout, la bibliothèque de Strasbourg est richement fournie sur le sujet.

Votre travail a été publié récemment dans la presse turque. Pourquoi pensez-vous qu'il a suscité un tel intérêt ?

C'est assez étrange. Je ne me l'explique pas vraiment. Alors que cela fait déjà trois ans que j'ai ouvert ce site, tout tombe ces derniers temps. Il a suffi que le quotidien turc Hürriyet lance le sujet et publie une trentaine d'illustrations me concernant pour que cela enflamme les passions. L'artiste Tayfun Öner a réalisé un magnifique travail de vues époustouflantes en 3D des monuments byzantins d'Istanbul. J'ai eu quelques échanges avec lui sur ce sujet. Il m'a dit exactement les mêmes choses concernant cet engouement. Je vous invite d'ailleurs à voir son site, Byzantium 1200

Personnellement, je pense que ces derniers temps les sous-sols d'Istanbul sont très sollicités. Trois sites archéologiques, et pas des moindres, ont été mis à jour et étudiés : le grand palais des Empereurs, le port de Théodose, le Tekfur Saray et j'en oublie peut-être d'autres ! Je dirais que depuis 12 à 15 ans, les Turcs s'intéressent de plus en plus au patrimoine byzantin. Chaque fois que je séjourne à Istanbul, je constate un nombre croissant d'améliorations, sur et autour des sites, surtout au niveau des restaurations et de leur mise en valeur.

Que comptez-vous faire de ce travail ? Le continuer ? L'exposer ?

Pour l'instant, je le garde en gestation, il n'est pas encore tout à fait mature pour le présenter au grand public. Je ne sais pas quand viendra le moment opportun ! Un livre prendra probablement forme, suivi d'une exposition car une partie est réalisée sur châssis entoilés à la peinture à l'huile, comme les portraits d'empereurs et d'impératrices.

Que pensez-vous de l'Istanbul moderne ?

J'adore, tout simplement : c'est l'Orient mythique tel que l'on se l'imaginait, c'est l'une des villes qui a le plus bougé ces dernières années et on le remarque à chaque fois que l'on y retourne. Istanbul croît vers la modernité et combine si bien son passé et son présent, le contemporain jouxte l'ancien sans problème. Elle a ce côté sauvage que l'on n'explique pas, et dans le bon sens du terme !

Pour moi, il n'y a jamais eu de véritable rupture. Istanbul est Constantinople et vice versa. Le sultan Mehmet II a seulement fait revivre cette capitale mythique en lui redonnant ses lettres de noblesse, qu'elle avait perdues depuis la mise à sac occidentale, la parant de mille feux afin d'éblouir à nouveau le monde entier.

Quel est votre monument préféré ?

Je les aime tous mais évidemment et sans surprise, c'est Sainte-Sophie, pour sa noblesse et sa grandeur. C'est une très vieille dame, alors respect ! Et Saint-Sauveur in Chora pour l'intimité de ses mosaïques, qui sont les plus belles du monde! Bien sûr aussi le Grand Bazar, qui me rappelle tellement la grande artère commerçante de Constantinople. Et je n'oublie pas la mosquée Bleue, petite s?ur de Sainte-Sophie. Merci au grand architecte Sedefkâr Mehmet A?a d'avoir perpétué l'?uvre d'Isidore de Milet, l'architecte de Sainte-Sophie.

Une dernière remarque ?

Que Byzance, Constantinople, Istanbul continuent de nous émerveiller !

Propos recueillis par Julie Meynier (http://lepetitjournal.com/istanbul) mardi 25 février 2014

Pour en voir et en savoir plus, visitez le site de l'artiste.

lepetitjournal.com istanbul
Publié le 24 février 2014, mis à jour le 24 février 2014

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