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L’EXPAT' DU MOIS - El Medhi Fouad : quand Marrakech s’invite à Istanbul

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 18 mai 2016, mis à jour le 19 mai 2016

Souvent par amour ou par choix professionnel, de nombreux expatrié(e)s prennent la décision de tout quitter pour rejoindre leur moitié et tenter l'expérience d'une vie nouvelle. Mais qu'en est-il lorsqu'une famille entière décide de vivre au rythme des bruits et saveurs d'Istanbul ? Lepetitjournal.com d'Istanbul est allé à la rencontre d'El Mehdi et sa famille, venus relever le pari d'ouvrir un restaurant unique en Turquie et faire découvrir aux Turcs les saveurs de la gastronomie marocaine.

C'est sur la rive asiatique, dans le quartier de Moda, qu'un restaurant pas tout à fait comme les autres a fait son apparition en 2015. A l'origine de cet établissement, une famille fraîchement installée à Istanbul depuis deux ans et demi : celle d'El Mehdi Fouad. Ce francophone de 37 ans, d'origine marocaine, a souhaité relever le défi de faire découvrir l'art culinaire marocain en ouvrant son restaurant Marake? Mum à Istanbul, il y a un an.

Ayant passé la majeure partie de sa vie au Maroc, à Casablanca, El Mehdi n'avait jamais pensé un jour ouvrir un restaurant marocain, encore moins en Turquie. Diplômé d'un baccalauréat en sciences expérimentales en 1997, l'étudiant poursuit son cursus au sein d'une école américaine à Rabat, où il se spécialise en marketing. Après quelques années pendant lesquelles il découvre la vie professionnelle dans différentes sociétés privées, El Mehdi décide de rejoindre Paris pour y compléter sa formation. Le jeune homme s'envole vers la capitale française pour y poursuivre des études au sein d'un master en marketing, mais les intempéries de la vie le rappellent vite dans son pays d'origine. Le jeune homme y reste quelque temps avant de repartir en 2013 vers un nouveau pays, la Turquie.

Loin d'imaginer ce qui l'attend, le jeune père de famille s'installe avec ses deux enfants et son épouse à Istanbul qui, d'abord craintive, accepte rapidement. ?Après quatorze ans de mariage, il n'y avait pas de raisons pour qu'on ne tente pas l'aventure ensemble, d'autant plus que les enfants étaient très contents?.

Une expérience vers l'inconnu

La première fois qu'El Mehdi a posé ses bagages sur le sol turc, c'était il y a trois ans,  avec au départ, aucun projet précis en tête. ?Je n'avais pas planifié mon départ en Turquie. C'est le hasard qui m'y a amené, lorsque l'on m'a offert un poste dans une société en 2013. J'y suis d'abord allé seul, avant que ma famille ne me rejoigne au bout de trois mois?. Alors que son expérience professionnelle touche à sa fin, El Mehdi se retrouve devant un dilemme. ?Je me suis dit: soit je rentre au Maroc, soit je reste en Turquie. J'ai vite pris la décision de rester àIstanbul, et de saisir l'opportunité qui mtait offerte?.

Malgré la proximité géographique et culturelle qui unit les deux pays, El Mehdi et sa famille ne connaissent que peu de choses sur la Turquie. ?L'image de la Turquie est très positive au Maroc, grâce à l'influence des séries qui sont très appréciées du public marocain, mais je n'avais personnellement aucune idée de ce qui nous attendait. Je n'avais eu que des retours très positifs d'amis me vantant l'image d'une Turquie multiculturelle, pleine de vie et d'histoire?.

Du çay au thé à la menthe

Alors qu'il arpente les ruelles d'Istanbul et visite les différents restaurants et cafés de la ville, El Mehdi fait une découverte surprenante, qui sera le fil directeur de ses projets en Turquie. ?Quand j'ai vu l'intérieur des restaurant et bars de la ville, j'ai remarqué qu'il y avait un manque de bougies, j'ai trouvé que ça manquait un peu de chaleur. Alors je me suis dis : pourquoi pas importer des bougies artisanales et en faire quelque chose ? C'est ce que j'ai fait pendant quelque temps, mais j'ai vite voulu tenter autre chose.?

C'est alors que naît dans l'esprit de sa femme, cuisinière hors pair, l'idée d'ouvrir un restaurant marocain. ?Partout dans le monde, on trouve un restaurant marocain. Je crois que la Turquie doit être le seul pays où il n'y en a pas. Je me suis donc lancé avec ma femme, dans cette aventure?. Le potentiel du pays, qui compte une forte présence de la communauté maghrébine, principalement francophone, lui confirme la pertinence de ce projet. ?J'ai rencontré beaucoup dtrangers, maghrébins mais aussi d'autres nationalités, qui m'ont fait part du manque de la nourriture marocaine?. Le nouveau propriétaire élabore alors un menu où les plats marocains sont à l'honneur, du tajine au b?uf au couscous traditionnel.

Seul restaurant marocain à Istanbul, El Mehdi est aujourd'hui fier d'être ?l'ambassadeur? de la nourriture marocaine en Turquie. ?Si j'en ai l'opportunité, je souhaiterais agrandir le restaurant ou bien ouvrir un restaurant sur la rive européenne, espère-t-il.Si mon but premier était de répondre à un manque concernant la gastronomie marocaine, mon nouveau but est d'initier le plus de Turcs à ces saveurs du Maroc?.

Un ?melting-pot?au sein d'Istanbul

Car en effet, une grande partie de la clientèle du restaurant est aujourd'hui étrangère. ?Les étrangers représentent 70% de ma clientèle, avec une majoritéd'anglophones, venant d'Australie mais aussi des Etats-Unis. Les Français et francophones sont aussi très nombreux, suivi des Turcs qui depuis peu fréquentent le restaurant ?. Car il est parfois difficile d'attirer un public turc, très amoureux et fier de sa culture culinaire. ?Une partie des Turcs est très ouverte et avide de découvrir d'autres plats venus d'ailleurs, et troquer le Iskender kebap pour un tajine au b?uf. Mais une autre partie est encore sur la réserve?.

Le propriétaire se plaît à raconter le bonheur que lui procure de servir les plats marocains autour d'une table cosmopolite. ?Un jour, un groupe de gens composé de Slovaques, Français, Turcs et Américains, est venu pour dîner. Ca m'a énormément ému de voir autant de nationalités différentes?. El Mehdi affirme d'ailleurs avoir cerné les préférences culinaires selon les nationalités.?Les Français préfèrent le couscous, quand les Américains, Australiens et Turcs réclament davantage le tajine au b?uf?.

Au-delà de cette aventure, ce francophone rappelle ce qui l'a charmé à Istanbul, et ce qui lui plaît au travers son métier. ?Ce qui me fascine à Istanbul c'est toute cette mixité, cette différence qui transparait dans mon quotidien et mon travail. Quand je vois toutes les nationalités que je reçois, je me dis que j'aurais bien aimé voyager dans tous ces pays, mais au travers de ces gens, j'ai l'impression d'avoir voyagé avec eux.?

Plus aventurier qu'expatrié

Installé depuis presque trois ans à Istanbul, la barrière de la langue pose encore à ce jeune restaurateur quelques difficultés dans la vie quotidienne. ?J'ai pris des cours particuliers pendant quelques mois, mais je crois que la difficulté de la langue a pris le dessus. Ce que je pourrais faire en quelques minutes à la banque par exemple me prend beaucoup plus de temps.? Pour autant, El Mehdi espère maitriser suffisamment le turc d'ici un an pour pouvoir communiquer davantage avec ses clients. ?Lorsque des clients turcs arrivent au restaurant, nos échanges restent limités. Heureusement que l'anglais est la pour pallier mes lacunes en turc, que j'espère combler d'ici peu?.

Lorsqu'on lui demande s'il se sent expatrié, ce jeune propriétaire donne une réponse pour le moins originale. ?Pour moi, un expatrié, c'est quelqu'un qui va travailler dans un pays étranger, souvent dans une société de son pays d'origine, et pour une période souvent déterminée. Mais les gens qui vont dans un autre pays pour tenter l'aventure, sans réels projets, ni date de retour, je dirais que ce sont des aventuriers?.

Ce francophone marocain est aujourd'hui plus que satisfait de la vie qu'il mène, notamment grâce à sa famille qui a accepté de partager l'aventure. ?C'est très différent lorsqu'on s'installe en famille. On ne sent pas réellement la différence et le changement. Quand on rentre à la maison, on a cette même chaleur, ce même cadre que l'on avait avant de venir s'installer dans un nouveau pays.?Se remémorant ses débuts dans cette ville foisonnante, El Mehdi rappelle ce qui le retient en Turquie. ?A mon arrivée, je prenais tous les métros pour découvrir des recoins inconnus que je voulais découvrir. Et d'un quartier à un autre, j'avais l'impression de voyager dans un pays différent, tant l'environnement mais aussi les gens différaient d'un quartier à l'autre. C'est ce qui m'a plu, me plaît et me retient aujourd'hui dans cette ville, sans éprouver la moindre envie de la quitter?.

Myriam Laadhari (www.lepetitjournal.com/istanbul) jeudi 19 mai 2016

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