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INSTITUT DU BOSPHORE – Quel avenir pour l’Union européenne et la Turquie ?

Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 13 novembre 2012, mis à jour le 9 février 2018

 

Istanbul accueillait les 8 et 9 novembre le quatrième séminaire de l’Institut du Bosphore, cercle de réflexion franco-turc formé en 2009 à l’initiative de la Tüsiad. Une centaine de personnalités des deux pays ont réfléchi sur le thème “Europe en crise : impact, défis et opportunités pour la France et la Turquie”. Compte-rendu de la troisième et dernière session, consacrée à l’Union européenne

Europe en crise... Crise de la zone Euro, crise politique, de gouvernance, crise qui accapare l’énergie et l’esprit des dirigeants de l’UE. Nous traversons une mauvaise passe (...) et une phase négative du point de vue de l’adhésion de la Turquie”, constate Elisabeth Guigou, députée française, présidente de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

Caricature tirée de l'exposition "Une longue route sinueuse" (photo AA)

La candidature d’Ankara en est strictement au même point que lors du précédent séminaire de l’Institut du Bosphore, en septembre 2011: treize chapitres de négociations ont été ouverts, un seul est provisoirement clos (Science et recherche) sur un total de 35. Dix-huit chapitres sont bloqués, dont cinq par Chypre et cinq par la France.

Un rythme d’escargot pour un pays qui négocie son adhésion depuis sept ans mais cherche à rejoindre l’Union – à l’époque, la CEE – depuis 1959. Sondage après sondage, l’euroscepticisme gagne du terrain. “Les enquêtes les plus fiables révèlent qu’un peu plus de la moitié de la population turque soutient encore l’adhésion, alors qu’ils étaient 70% en 2004”, observe Hakan Yılmaz, directeur du Forum politique de l’université Boğaziçi. Problème : “Ceux qui disent ‘non' ont beaucoup augmenté et ce sont eux qu’on entend le plus.”

Les Turcs sont aussi de moins en moins enclins à soutenir des réformes au nom de l’adhésion, et de plus en plus nombreux à considérer l’Europe de manière négative. “Il y a comme une progression de l’amour-propre, de la confiance en soi dans la société turque, ce qui représente un vrai capital social mais doit aussi être suivi avec attention… La Turquie est un peu comme un adolescent qui prendrait confiance en lui”, compare Hakan Yılmaz.

La thèse du désamour ou du désintérêt
Selon ce chercheur, le “romantisme” des premiers temps aurait cédé la place, même chez les Turcs convaincus, à un “oui” calculé. “On entend même dire à Bruxelles que ce sont le gouvernement, le Parlement et les médias turcs qui veulent l’adhésion mais que la population n’en veut pas”, rapporte Mario David, député européen et vice-président du Parti populaire européen (PPE). “Il faut prouver que le public veut aussi (l’adhésion) en organisant un référendum” en Turquie, propose-t-il.

Faruk Loğoğlu, député turc et vice-président du Parti républicain du peuple (CHP, opposition), accuse plutôt le gouvernement de n’être “pas intéressé par la poursuite de négociations sérieuses (…) Nous devons retourner aux bases de la démocratie : la séparation des pouvoirs, la liberté de la presse, de pensée, de communication en Turquie”, plaide ce diplomate de carrière.

Le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan vient d’être rappelé à l’ordre par le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et par la Commission européenne pour ses atteintes répétées à la liberté de la presse. “A cause de préjugés anciens, beaucoup d’Européens sont rétifs à accueillir un pays à majorité musulmane (...) mais on observe aussi un effet de miroir en Turquie, un certain recul que pointe du doigt le rapport de la Commission”, analyse Elisabeth Guigou.

“La Turquie a sa place” dans l’Europe de demain
Le constat posé, comment avancer ? “Nous avons besoin d’un nouveau management des négociations, d’un nouveau cadre”, insiste Volkan Vural, membre du conseil d’administration de la Tüsiad et du comité exécutif de l’Institut du Bosphore. “Je pense que la Turquie devrait pouvoir ouvrir ses ports et ses aéroports aux Chypriotes-Grecs (motif de blocage de huit chapitres par le Conseil européen, NDLR) et qu’en échange, Chypre devrait lever son veto sur cinq chapitres de négociations… tout comme devrait le faire la France”, avance-t-il.

Une position qui rejoint celle de la chercheuse Elvire Fabry (Notre Europe), pour qui la Turquie s'impose comme un acteur régional naturel dans le voisinage de l’Union”. “Il y a urgence à créer de nouveaux terrains de coopération entre l’Union européenne et la Turquie (...) L’Europe doit se préoccuper de son influence sur la scène internationale et doit mobiliser davantage ses instruments d'action extérieure. Si on sortait du face-à-face UE-Turquie pour regarder ensemble dans la même direction?” interroge la chercheuse, qui cite d’autres domaines de coopération comme la sécurité, l’immigration illégale ou encore l’énergie.

Elisabeth Guigou plaide également pour une Europe “différenciée” – un adjectif très prononcé pendant ce séminaire, à défaut d’être précisément défini – dans laquelle la Turquie aurait une place à part entière. “La Turquie peut jouer un rôle de lien, de stabilisation, de pont vers la Méditerranée et les pays du Sud”, argumente la députée, qui espère voir la Turquie intégrer l’UE “au plus tard en 2023”, pour le centenaire de la République.

Anne Andlauer (http://www.lepetitjournal.com/istanbul.html) mardi 13 novembre 2012

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Publié le 13 novembre 2012, mis à jour le 9 février 2018

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