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AARON - "On a vécu quelque chose d’intense à Istanbul"

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Écrit par Lepetitjournal Istanbul
Publié le 8 décembre 2016, mis à jour le 8 février 2018

Simon Buret et Oliver Coursier forment le duo pop-électro AaRON, révélé par le film Je vais bien, ne t’en fais pas, en 2006, avec leur chanson U-Turn (Lili) reprise en bande-originale. En concert à Ankara mercredi, ils étaient à Istanbul hier pour clore le festival XXF, organisé par l’Institut français. Lepetitjournal.com d’Istanbul les a rencontrés à quelques heures de leur prestation.

(photo Silass)

Lepetitjournal.com d’Istanbul : Vous remontez sur scène à Istanbul pour la deuxième fois avec cet album puisque vous êtes déjà venu le présenter en 2015. Est-ce que cela vous tenait particulièrement à cœur de revenir en Turquie et quel accueil vous réserve le public ici ?

Olivier Coursier (à gauche sur la photo): Oui, ça nous tenait vraiment à cœur car l’année dernière, c’était notre premier concert avec cet album. C’était un moment très fort pour nous puisque c’était la première fois qu’on jouait nos nouveaux morceaux et c’était la première fois qu’on venait ici. On a vécu quelque chose d’assez intense. Là, on est presque à la fin de la tournée et il fallait qu’on revienne absolument. C’est génial de voir que notre musique est perçue différemment selon les pays et les endroits où on joue.

Simon Buret : Ça faisait quelques années qu’on savait qu’il y avait un appel du pied de ce pays pour qu’on y joue, donc on était assez frustré de ne jamais y être allés avant. Le premier concert qu’on a fait à Istanbul nous a complètement retourné la tête, c’était fantastique parce qu’on ne savait pas du tout à quoi s’attendre, c’était le premier avec notre nouvel album. Ça nous a donné une bonne impulsion pour tout le reste de la tournée. Ankara, mercredi soir, c’était étrange car on fantasmait le nom de cette ville sans savoir ce qu’on allait y vivre. La culture est totalement différente de la nôtre donc c’est aussi étrange d’appréhender ce qu’il va se passer. On a été assez bouleversé par la ville elle-même, par le concert et la réception du public. On a discuté avec des gens qui venaient de Téhéran. Les gens d’Iran et de Turquie ont un rapport à la musique liée aux mélodies et aux textes. L’écoute est particulière, il y a vrai besoin de résonance avec les textes. C'est quelque chose qui me plaît beaucoup. C’est intense de voir que nos chansons prennent une place dans la vie de gens que l’on ne connaît pas, avec une langue différente… C’est totalement fou quand on y pense ! On a reçu un accueil à la hauteur de notre espérance, voire plus.  

Avez-vous profité de vos passages pour découvrir un peu la ville ?

Simon Buret : Oui, on est resté quelques jours à Istanbul plusieurs fois, donc on a eu le temps de découvrir un peu. Moi j’ai toujours trouvé qu’Istanbul avait un vrai lien avec le New York des années 1980 et 1990. Il y a une explosion de création et de vie partout. La première fois qu’on est venu, on était avec notre pote qui habite ici, l’acteur Fırat Çelik, qui connaît Istanbul comme sa poche et qui nous a emmenés dans plein de coins secrets que l’on n’aurait pas pu découvrir nous-mêmes. On a eu accès à un Istanbul un peu fantasmé. C’est une ville assez secrète, avec plein d’endroits que tu peux découvrir en haut d’un bâtiment ou derrière une porte !

Olivier Coursier : Il y a un gros mélange de cultures, c’est très dense et du coup c’est intéressant. Il y a plein d’endroits vraiment différents, certains où tu pourrais te croire en Angleterre, complètement ailleurs…

Avez-vous une anecdote en Turquie à nous raconter ?

Olivier Coursier : Je ne sais pas si on peut les raconter… On a vécu assez intensément la vie après le concert à Istanbul, la nuit était très longue et le jour d’après aussi !

Simon Buret : Il y en a plein mais en soi, le fait de partir en Turquie jouer les morceaux que l’on a enregistrés en studio, c’est déjà toujours un peu étrange ! On est privilégiés car les gens qui aiment notre travail viennent nous voir, c’est déjà un partage super. On a la sensation qu’il y a une riche vie culturelle ici. On est resté que deux jours à Ankara donc je ne veux pas m’en faire porte-parole, mais pour Istanbul en tout cas, on a l’impression que notre public a vraiment l’habitude d’écouter de la musique, on a eu des discussions assez fortes autour de tout ça et ça fait du bien. Istanbul a longtemps été une ville de tolérance comme Berlin. Dans la tête des Européens, Istanbul c’était cool, et dernièrement ça a un peu vrillé donc c’est important aussi pour nous de s’empêcher de rentrer dans ce moule-là et d’y venir quand même. Je suis content de voir de mes propres yeux qu’il se passe plein de choses et que les gens vivent leur vie.

Comment s’est passée votre tournée depuis votre dernier passage à Istanbul ? Avez-vous eu l’occasion de jouer sur d’autres scènes internationales ?

Olivier Coursier : Oui, on a joué un peu partout, au Canada, en Italie récemment… Et ce n’est pas fini, il nous reste encore une dizaine de dates pour cette tournée.

Simon Buret : C’est avec cet album qu'on a le plus voyagé. On a un peu été dans le monde entier et ça nous plaît. C’est fou de pouvoir vivre de notre musique, de vivre bien et de faire tout ça, c’est encore plus dingue. On ne pensait pas -même si on l’espérait sûrement puisqu’on l’a fait- que les choses grandiraient avec chaque album. On a eu la chance de commencer avec un succès radical et ça aurait pu être très enfermant, or sur les deuxième et troisième albums, on s’est rendu compte du lien avec le public et c’est très excitant. Je dis souvent que c’est maintenant que je profite le plus des choses.

En Turquie, vous interpréterez notamment les chansons de votre dernier album "We cut the night", pourquoi avoir choisi ce nom ?

Simon Buret : C’est Olivier qui a eu l’idée de choisir le titre de cette chanson pour le nom de l’album. "We cut the night" est une métaphore de la nuit éclairée. C’est la symbolique du monde intérieur de chacun. On est tous une série de petites planètes, un enchainement d’espoir et de désespoir, qu’on le veuille ou non. On s’entrechoque toute la journée sans se voir et je trouve qu’avec la musique, comme avec toute forme d’art, on a l’idée de couper sa nuit, d’oser s’ouvrir en créant quelque chose puis en le sortant de son monde pour le présenter à l’autre. La musique relie les solitudes. Ce titre, c’est aussi l’idée que l’on coupe le silence, que l’on arrête de se taire. On aime bien se taire quand on n’a rien à dire. Là, c’était une façon de reprendre la parole.

Comment se fait le passage de vos musiques enregistrées en studio à leur interprétation en concert ?  

Olivier Coursier : C’est un gros travail, qui nous prend beaucoup de temps parce qu’on est assez pointilleux sur ce que l’on fait en studio. Là, particulièrement, on avait envie de reproduire beaucoup de sons qui étaient déjà assez compliqués à créer en studio. On a beaucoup répété, d’autant plus qu’on est deux à la création mais qu’on est quatre sur scène actuellement. On remodèle les morceaux. Il faut que ça fonctionne en piano et voix quoi qu’il arrive, c’est notre squelette de base. Ensuite, on s’amuse avec les arrangements, on l’enveloppe. On peut réinterpréter un morceau au piano alors qu’il est joué à la guitare à la base, avec d’autres types de sons. Il y a aussi des passages que l’on a envie de pousser un peu plus parce qu’on sait qu’en direct ça peut donner une autre dimension, donc on allonge certains morceaux par exemple.

Simon Buret : On fait aussi un gros travail de lumière qui nous aide à emporter les gens avec nous et à pousser les traits des morceaux, à les entourer, à les envelopper.

Vous vous êtes rencontrés en 2004, c’est votre troisième album. Comment faites-vous pour trouver l’inspiration ?

Simon Buret : On se laisse le temps, on ne se met pas tant de pression que ça même si on sait qu’on ne peut pas rester vingt ans sans faire de nouvel album ! Le fait d’être deux nous protège. Quand tu es seul, c’est assez compliqué de se dire qu’il faut rebondir. C’est aussi un terrain, c'est-à-dire que si tu es créatif, tu as besoin de faire des choses. On a eu de la chance de connaître le succès à nos débuts mais je n’ai jamais avancé en essayant de tenir une place ou un cap, ça me fait peur même. Si tu pars du principe que tu partages juste ton travail, tu te mets dans une position d’artiste : tu as besoin de faire quelque chose, tu le fais, puis tu le présentes. Tout ce qui nous inspire, au-delà de la musique, est visuel. On s’inspire de la vie, du quotidien. On évolue comme tout le monde et il se trouve que nous, on le retranscrit en musique. On prend un recul permanent sur ce qui nous arrive dans notre vie pour en faire autre chose. C’est comme ça qu’on se renouvelle aussi. Ce troisième album est le premier que l’on a fait en studio, avant on enregistrait dans l’appartement d’Olivier. Le fait d’avoir un temps dédié uniquement à la musique a été très bénéfique.

Olivier Coursier : Ce sont des sons, des paroles, qui d’un seul coup nous excitent, nous donnent des idées, nous font avancer. Si quelque chose ne nous plaît pas, on ne le fait pas. Il y a quelque chose de très honnête dans la création. On n’a fait que trois albums et on a encore plein de choses à découvrir et à faire évoluer.

C’est la chanson U-Turn (Lili), bande originale du film de Philippe Lioret Je vais bien ne t’en fais pas, en 2006, qui vous a fait connaître d’une partie de votre public. Quels souvenirs gardez-vous de cette musique et vous ressemble-t-elle toujours autant dix ans après ?

Simon Buret : Oui, c’est ça qui me fait plaisir. Si on n'avait fait que cette chanson, ça aurait été différent mais elle faisait partie de notre premier album, c’est un moment de vie. On a eu la chance de commencer avec un succès. Finalement, je crois qu’aujourd’hui tout le monde a ça, il y a toujours un moment où ça bascule et nous, on a eu la chance de commencer par ça. Le but était d’essayer de le faire perdurer et c’est beaucoup plus compliqué de tenir quelque chose que l’accident quand ça arrive et que tu contrôles rien. Vu ce qui s’est passé sur notre deuxième et troisième album, c’est un clin d’œil à tout le monde et à nous-mêmes. On la réorchestre toujours, on n’est pas figé sur un moment de vie. Si on n’avait senti le poids qu’il fallait la jouer, on aurait arrêté. Tous les morceaux des derniers albums que l’on joue encore aujourd’hui, on les réorchestre pour qu’ils ressemblent à ce qu’on est et pour ne pas être esclaves de quelque chose.

Olivier Coursier : On la joue toujours, tout simplement car elle nous plaît et on la fait toujours correspondre à ce qu’on est aujourd’hui.

Dans ce film, Simon, vous jouiez aussi un rôle et vous avez été ensuite plusieurs fois à l’affiche au cinéma. Est-ce que c’est une expérience que vous souhaitez renouveler ?

Simon Buret : Je suis plus exigeant sur mes envies mais oui bien sûr, j’adore ça.

L’aspect visuel est très important dans votre travail artistique à tous les deux, sur vos pochettes d’album ou dans vos clips, comment intervenez-vous sur cet aspect-là ?

Olivier Coursier : On intervient sur beaucoup de choses. La musique est juste une porte d’entrée, très importante certes. On intervient sur nos clips, et pour la pochette, on avait une idée assez précise. On s’intéresse aussi à la photo et au dessin. Illustrer sa musique est très important.

Simon Buret : On tire un fil qui est en fait une sensation, on essaie d’abord de l’arrêter en en faisant une chanson et ensuite, plein de choses s’articulent autour de ça. L’inspiration vient souvent de paysages que l’on traverse, de photos que l’on voit. L’artiste Bill Viola, et sa façon de projeter son monde intérieur dans ses vidéos, nous a notamment beaucoup marqué. Le photographe Gregory Crewdson et le cinéaste Jim Jarmusch nous ont aussi inspirés. Cela créée en nous une lumière, un rebond, que l’on a envie de transformer en musique.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Simon Buret : Le projet immédiat est de terminer la tournée. Ensuite, on a toujours eu cet énorme kiff d’avoir une page blanche devant nous et le plaisir de retrouver un emploi du temps vide, qui n’est pas calé sur deux ans. C’est agréable aussi de ne pas savoir ce qui va se passer, même si concrètement j’ai ma petite idée…

A l’avenir, quelle scène vous fait particulièrement rêver ?

Olivier Coursier : J’aimerais bien jouer à Coachella, dans le désert.

Simon Buret : Moi je voudrais jouer au Koko, à Londres. Et j’adorerais jouer au théâtre antique d’Epidaure en Grèce, il faut bien rêver un peu !

Le mot de la fin, en turc peut-être ?

Oliver Coursier : Simon, à toi de jouer !

Simon Buret : Teşekkür ederim ! (merci beaucoup)

 

Propos recueillis par Solène Permanne (http://lepetitjournal.com/istanbul) vendredi 9 décembre 2016

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Publié le 8 décembre 2016, mis à jour le 8 février 2018

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