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Marina de Discovery Bay: "des familles risquent de tout perdre"

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A Discovery Bay, 210 familles ont vu soudainement leur avenir plonger dans le brouillard. @DR
Écrit par Stéphanie Stiernon
Publié le 20 septembre 2018, mis à jour le 21 septembre 2018

Les 200 bateaux-maisons du Marina Club de Discovery Bay doivent quitter les lieux à la fin de l’année selon l’instruction reçue le 31 août dernier. Pourront-ils revenir ? Combien de temps dureront les travaux de rénovation ?  Ou sont-ils supposés parquer leur bateau à partir du 1er janvier ?

Le compte à rebours a commencé pour ces 210 familles. Leur principale volonté aujourd’hui est d’avoir des réponses à leur question pour envisager leur avenir. Le Petit Journal est allé à la rencontre d’une famille française, propriétaire d’un bateau qui nous raconte le cauchemar qu’ils traversent depuis fin août. Julie, enseignante et Henry, pilote, un couple français arrivés à Hong Kong avec leurs 3 enfants, Aglaé 12 ans, Merlin 9 ans et Ysée 6 ans ont acheté leur bateau il y a deux ans. 

Lepetitjournal.com : Pourquoi avoir choisi de vivre sur un bateau? 
 

Julie: Au départ pour un aspect financier. Nous préférons investir dans un bien plutôt que de payer un loyer. Pour une famille de 5, à surface équivalente, nous n’avions pas les moyens d’acheter un appartement. De plus la taxe à l’achat sur les appartements est de 30% pour les acheteurs qui ne sont pas résidents permanents et de 15% seulement sur les bateaux. Ensuite, nous avons été séduits par le cadre, la vue et la vie communautaire au sein de la marina. 

 

Quand avez-vous réalisé que le vent tournait? 

Il y a 18 mois. Nous savions que les débentures (NDLR: le droit à l’emplacement dans la marina) arrivaient à échéance en décembre 2018 et pensions qu’elles seraient renouvelées tacitement pour dix ans comme par le passé. Mais quand le management de la marina a gelé le transfert de débenture rendant impossible toutes ventes ou locations des bateaux, nous les avons questionnés pour comprendre les enjeux de la situation. Ce fut le silence radio à nos appels, nos lettres et nos demandes de rendez-vous. Nous n’avons toujours aucune réponse et le silence devient assourdissant.
 
 

Quels types d’actions avez-vous intentées jusqu’ici? 

Au lendemain de l’annonce, les résidents de la marina ont formé un comité pour représenter les 210 familles. Des volontaires ont également mis en place des sous-groupes de travail par thèmes (finance, légal, contingence, média et bien-être) pour mener au mieux les discussions avec les différents intervenants et supporter ceux qui en ont besoin. 
Nous avons également organisé une marche blanche à Discovery Bay qui a réuni plus de 2000 personnes, ce fut un soutien moral extraordinaire pour tous les résidents du club.  

 

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Une marche blanche a été organisée en soutien des 210 familles.

 

 

Quelle est la véritable dimension de perte financière dans cette histoire?

La perte financière sera réelle pour chacun, plus ou moins importante selon les cas. Il y a des familles qui ont fini de rembourser leur crédit mais qui ont mis toutes leurs économies dans le bateau. Nous avons acheté le nôtre il y a deux ans et nous avons encore un crédit de 3 millions HKD à rembourser.  Certains ont des crédits de plus de 8 millions HKD. Aujourd’hui, notre bateau ne vaut plus rien et notre débenture sera reprise à sa valeur faciale de 100 000 HKD. Nous n’avons pas les moyens de continuer à rembourser notre emprunt et payer un loyer pour nous reloger. J’ai arrêté de travailler il y a un an pour m’occuper de mes enfants n’ayant pas de helper. Je vais devoir retrouver un boulot. Certains résidents ont une clause dans leur contrat de travail qui stipule que s’ils se mettent en faillite personnelle, ils sont licenciés. Il y a des familles qui risquent de tout perdre. 

 

Est-ce légal de vivre sur un bateau? 

La loi stipule que ce n’est pas légal de vivre sur un bateau 365 jours par an mais ne précise pas un nombre de jours maximum pour y résider. De plus, le gouvernement et les propriétaires ont toujours encouragé ce mode d’habitation. Pour preuve, chaque bateau reçoit une facture mensuelle de la Marina intitulé "Liveable aboard premium fee". 

 

"Aucune idée de ce qui va nous arriver"

 

Quelles sont les options concrètes existantes? 

Aucune solution n’a été proposée par le management. Toutes les activités de la marina cesseront au 31 décembre et les bateaux doivent avoir quitté le port. Les autres marinas n’ont pas de places disponibles et jeter l’ancre en mer pour des bateaux de cette taille est inenvisageable d’un niveau sécuritaire. Il y a un abri pour les typhons disponible à Hei Ling Chau mais aucune infrastructure pour amarrer.  Sans parler de l’intervention nécessaire d’un capitaine pour sortir les bateaux et les emmener ailleurs, mais où? Concrètement, nous n’avons aucune idée de ce qui va nous arriver. Nos enfants perçoivent notre inquiétude grandissante et ne comprennent pas comment on peut leur retirer leur maison du jour au lendemain. 

 

Etes-vous soutenus? 

Les résidents ont reçu le soutien moral de leurs employeurs, des écoles et des autres résidents de Discovery Bay. Les onze familles françaises ont approché le Consulat de France pour leur exposer la situation. Après plusieurs tentatives pour être entendus, nous avons finalement reçu une invitation à rencontrer le Consul plus de deux semaines après l’annonce. Communiquer dans sa langue en situation de crise est souvent plus facile. Des membres de l’ambassade d’Allemagne viennent depuis Pékin pour rencontrer leurs compatriotes. 

 

Comment avez-vous vécu le Typhon à la Marina? 

Nous n’avons reçu aucune instruction du management quant aux normes de sécurité à respecter mais la plupart des femmes et enfants ont quitté les bateaux la veille du Typhon. Une fois encore, nous avons pu nous rendre compte de l’extrême solidarité communautaire au sein des résidents qui ont fait preuve d’une entraide incroyable. Alors que les gardes n’ont pas bougé un doigt, certains ont risqué leur vie pour évacuer des gens ou sauver des bateaux. Les dégâts sont uniquement matériels.   

 

Information pratique: Les membres du Marina Club ont lancé une pétition en ligne (accessible ici) qui a recueilli déjà 9,600 signatures pour suspendre l'éviction et pouvoir entamer de vrais pourparlers.

 

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