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Aurélien Joly : "accompagner les startups technologiques en Asie"

aurélien joly unlock APACaurélien joly unlock APAC
Aurélien (à gauche) est fier d'illustrer la réputation de Hong Kong comme "pont entre l'est et l'ouest"
Écrit par Mathis Nicod
Publié le 6 février 2023, mis à jour le 7 février 2023

Bonnet à l'intérieur et boite de Yeezy en arrière-plan, Aurélien est le patron de start up qu'on imagine, à la fois cool et professionnel. Après plus de 15 ans d'expérience dans la vente en Asie, Aurélien a créé Unlock APAC en 2020, une agence commerciale intermédiaire entre des start-up tech occidentales et des distributeurs en Asie Pacifique. Spécialisée dans les objets connectés à destination du grand public, elle traite aujourd'hui avec une dizaine de marques, toujours à la recherche de la perle rare. Découverte d'un entrepreneur ambitieux.

Itinéraire d'un Chti à Hong Kong

Bonjour Aurélien. Qui es-tu, d’où viens-tu ? 

Je m'appelle Aurélien Joly, je viens du Nord de la France, de Calais précisément. Un Ch'timi dans l’âme ! Cela fait 17 ans que je suis en Asie dont 13 ans à Hong Kong. J'ai un master en commerce international. Je suis arrivé pendant mes études pour un échange à Polytechnic University. Quand tu viens de Calais, c'est un choc en arrivant à Hong Kong. Tout est grand et disproportionné, même si on s’y adapte rapidement. En voyant les gratte-ciels, je me disais qu’un jour, je travaillerais dans une grosse boite au sommet de ces tours. Et en fait pas du tout, j'ai dévié, du fait des opportunités que j’ai rencontrées. Je bosse principalement avec des start-up aujourd’hui.

Hong Kong a aussi été synonyme de premier emploi pour toi, peux-tu nous en dire plus ? 

J’ai trouvé un stage ici dans ma dernière année de master, dans une boite qui vendait des fournitures d’extérieur (mobilier, barbecue). Ce n’était pas forcément le secteur dans lequel je voulais continuer. Or, le dirigeant a fondé Native Union avec un associé français qui partageait son bureau,​​​​​​ et ils ont créé un produit, le Pop ! Phone, qui a cartonné. 
C’était un combiné téléphonique relié avec les smartphones par un mini jack. Pour prendre les appels, surtout dans les bureaux, c’est mieux via un combiné. La perspective a bien changé maintenant. On a eu de la chance parce que des célébrités comme Lenny Kravitz ou Daniel Craig ont adopté le produit et en ont fait la pub indirectement, parce que les projecteurs sont constamment sur eux, même dans la rue. 

 

Pop!phone native union lenny kravitz
Lenny Kravitz avec le Pop!Phone dans les rues de New York

 

On a vendu 3 millions d’unités dans le monde. L’entreprise a décollé d’un seul coup. Les co-fondateurs m’ont dit "Arrête tout ce que tu fais, on a besoin de ton aide au niveau commercial sur Native Union ». 

Je me suis donné à fond et ils m’ont offert un job à la sortie de mon master. Tout s’est bien combiné et je suis resté quatre ans et demi. Au final, j’ai pu voyager à travers le monde et j’ai eu la chance de faire de nombreux salons de design, consumer electronics et fashion. 

 

Arrête tout ce que tu fais, on a besoin de ton aide au niveau commercial sur Native Union

Favoriser l'accès des marques au marché asiatique

Comment un produit comme ça arrive à finir dans les mains de Daniel Craig ?

Je ne saurais pas t’expliquer le cheminement, mais nous n’avons pas forcé ce destin, c’est sûr. La stratégie de la marque a toujours été d'être implantée dans les magasins premium de chaque pays. A Paris c’était Colette, Harrods au Royaume Uni, Bloomingdale’s aux Etats Unis, donc le fait d'élever la marque au plus haut niveau retail a aussi permis d’attirer l’attention des stars. 

Qu’as-tu appris avec eux pour lancer ta propre entreprise ?

J’ai construit en très peu de temps un réseau solide, dans plusieurs pays, ce qui est assez rare. Je me suis dit « si Native Union a réussi à ce point, il doit bien y avoir d’autres marques qui ont besoin de connexions ». Quand on est une petite marque, le premier moyen de trouver des opportunités est de faire des salons. Mais ça coûte cher, on rencontre beaucoup de gens qui se vendent très bien sans forcément être compétents. J’ai appris à sélectionner les bons distributeurs chez Native Union, parce qu’on a fait quelques mauvais partenariats. Normalement, créer sa boite arrive en fin de carrière. Mais j’ai de l’ambition, et il y a peu d’agences commerciales comme la nôtre en Asie. J’ai créé une première boite en 2014. J'ai géré seul quatre à cinq marques durant un an et demi, en leur ouvrant mon réseau et je les représentait sur la zone Asie. J’ai ensuite rejoint une autre entreprise et j’ai repris à fond en 2020, en changeant de nom, pour arriver à Unlock APAC. 

La maîtrise des réseaux de distribution est essentielle

C’est quoi le chemin entre un produit qui sort de l’usine et le moment où il est en magasin ?

Dans notre cas, la chaine respecte le schéma suivant :  consommateur final – retailer (magasins ou plateforme de vente en ligne) – distributeur local – une agence commerciale comme nous – la marque 

Il y a plusieurs façons d’arriver à référencer le produit dans les rayons ou sur un site pour une marque : 

Elle peut avoir la connexion directe avec les magasins physiques ou en ligne qui achètent et importent les produits par eux-mêmes. Elle peut aussi, avec les mêmes connexions, exporter ses produits vers le retailer.  C’est le « business en direct ». Cela demande beaucoup de temps et de ressources. 
Les gros retailers qui ont 100 ou 200 magasins préfèrent travailler avec des distributeurs locaux, qui achètent les produits en masse, les stockent et les revendent à plusieurs retailer, en physique et en ligne.

Nous jouons le rôle d’intermédiaire entre la marque qui sort le produit et ces distributeurs locaux.

Il y deux sortes de distributeurs : les box moover, qui fonctionnent à faible marge et s’occupent juste de la logistique entre le produit fini et le magasin, et les value added distributor, qui intègrent le marketing et l’image de marque dans leur activité. Ils vont travailler sur le packaging, les visuels, le tout dans la langue locale. On travaille plutôt des value added distributors.

30 marques implantées dans la zone en 13 ans

Avec tous ces intermédiaires, il faut que ça reste rentable …  

Oui, c’est un gros challenge parce qu’il y a une pression au-dessus et au-dessous. Il y la pression des usines, quand elles n’appartiennent pas directement à la marque, des prix des matériaux qui augmentent. Et il y a une pression des retailers, qui veulent toujours plus de marge et de support marketing. Les distributeurs prennent de petites marges et nous aussi.

Aujourd’hui c’est encore possible, mais d’ici 10 ou 20 ans, la distribution va évoluer et il y aura beaucoup plus de business en direct. 

Comment arrives-tu à convaincre une marque en disant « je suis français mais je peux vous aider à entrer sur un marché étranger » alors qu’il y a des agences commerciales locales, sûrement mieux implantées, qui parlent la langue locale ?

Deux réponses possibles à cette question. 

Le fait est qu’une entreprise européenne ou américaine va avoir automatiquement beaucoup plus confiance pour traiter avec un européen basé en Asie plutôt qu'avec un local. C’est une réalité. 

Cela ne va pas sans les références que j’ai à proposer, avec 13 ans d’expérience, plus de 30 marques implantées dans la zone. Quand on cherche à signer avec une nouvelle marque, on la met en relation avec une marque qu’on a déjà aidée et avec laquelle il y a de bons résultats, c’est le meilleur moyen pour parler de nous. C’est une garantie supplémentaire. 

Le fait est qu’une entreprise européenne ou américaine va avoir automatiquement beaucoup plus confiance pour traiter avec un Européen basé en Asie plutôt qu'avec un local. C’est une réalité. 

"Les marché des objets connectés est énorme"

Concrètement, dans quel domaine vous choisissez les marques et peux-tu nous donner quelques exemples ? 

Notre corps d’activité est le consumer electronic, les objets connectés à destination du grand public. C’est un business énorme. Plus de 180 000 personnes étaient au salon CES à Las Vegas en janvier 2023, où je suis allé [plus gros salon du secteur]. On n’a pas un type de produit en particulier, on cherche l’innovation, le design et on suit les tendances. 
Le work from home était la tendance ces dernière années, Covid oblige. Les objets connectés éducatifs pour les enfants aussi, parce que les parents cherchent à rendre utiles les technologies en plus de divertir. C’est ce qu’on appelle l’education tech ou EdTech, technologie éducative en français, avec des produits physiques connectés à une application la plupart du temps.
On travaille aussi avec les Apple accessories parce qu’Apple a créé un large marché d’accessoires : coques, câbles, objets connectés. 

Quelles sont les produits qui ont le mieux marché et dont tu es le plus fier ?

J’ai eu deux succès dans ma carrière, le Pop ! Phone chez Native Union et un deuxième, en 2015, alors que mon entreprise personnelle était tout juste créée. Sphero, est venue vers moi parce qu’ils avaient un produit à commercialiser, en partenariat avec Disney. Tout était confidentiel, et le produit était la version « jouet connecté » d’un des personnages du dernier Star Wars, BB-8

 

BB-8 sphero robot
BB-8, le droïde de Star Wars XII à partir de 2015. Le jouet télécommandé était contrôlé par une application et commercialisé par Sphero. YouTube Capture, Tech Steeve

 

Le chiffre d’affaires de Sphero est passé de $20M à plus de $100M, en six mois, avec un seul produit. Le fan system autour de Star Wars était énorme, tout comme le marketing poussé par Disney, d’autant plus qu’aucun opus n'était sorti les dix dernières années précédentes et que ce produit était la star du show. 

J’ai construit tout le réseau de distribution sur l’Asie avec des marchés comme le Japon ou l’Australie où les résultats ont été excellents. C’était la vente la plus facile de ma carrière, mais ce n’était même pas de la vente vu la demande :  il fallait surtout travailler sur la production, les stocks et la logistique. C’est rare d’avoir ce genre d’opportunité dans une carrière. 
Après ça, Sphero m’a recruté, en me débauchant de ma propre entreprise que j’ai mise en pause. Je suis resté quatre ans, j’ai découvert l’education tech, rencontré des mentors, … 

"On cherche toujours la perle rare"

En se tournant vers le futur, c’est quoi la prochaine perle rare dans le secteur du consumer electronic ? 

On cherche toujours la perle rare ! Ça se joue beaucoup à l’expérience, parce que certains produits sont de bonnes innovations mais le design ou le branding n’est pas toujours optimal. Il faut trouver le bon moment pour lancer certains produits surtout dans le consumer electronic. Parfois c’est trop tôt et les consommateurs ne sont pas prêts à changer leurs habitudes.

Par exemple, Siri d’Apple était vendu comme quelque chose de révolutionnaire, la technologie est énorme mais peu de gens l’utilisent aujourd'hui. Le changement d’habitudes pour l’être humain est compliqué. 

Je suppose que c’est un secteur très changeant en termes de nouveautés et de marques qui explosent mais y a-t-il un moyen d’anticiper la prochaine tendance ? 

Oui, l’industrie est vraiment versatile. 
Si j’avais une pièce à miser, même si c’est pour l’instant trop tôt, ce serait sur le Metaverse. Comment cela va s’implanter, comment on amène les consommateurs dans ce monde virtuel, sont des questions encore en suspens. Le Metaverse connecte dans un monde virtuel mais déconnecte dans le monde réel. Il y a une éducation énorme des consommateurs à faire. 
C’est quelque chose à suivre, beaucoup d’argent est investi, mais cela va prendre pas mal de temps. 

Si j’avais une pièce à miser, même si c’est pour l’instant trop tôt, c’est le Metaverse. Le Metaverse connecte dans un monde virtuel mais déconnecte dans le monde réel. Il y a une éducation énorme des consommateurs à faire. 

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