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NGA TSIN WAI - Après leur expulsion, les habitants du dernier village médiéval de Hong Kong peinent à partir

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 14 février 2016, mis à jour le 15 février 2016

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Le 25 janvier, après presque une décennie de négociations, les derniers habitants de Nga Tsin Wai ont quitté le l'ancien ilot fortifié de Kowloon. En lieu et place du dernier village médiéval de l'ex-colonie britannique, le gouvernement prévoit de construire un grand complexe résidentiel. Un plan contesté, qui s'ajoute à la longue liste des projets immobiliers qui grignotent progressivement le patrimoine historique de la ville.

Le dernier village médiéval de Hong Kong

A dix minutes à pied de la station de MTR Lok Fu, Nga Tsin Wai est un tout petit carré d'une cinquantaine de maisons et de commerces, au milieu d'innombrables tours de logements sociaux. Les hautes murailles qui défendaient jadis le village fondé au milieu du XIVème siècle contre les brigands et les pirates qui pullulaient alors dans la région ont  depuis longtemps disparu.

Aujourd'hui, des grillages en métal surmontés de barbelés et des gardes entourent Nga Tsin Wai, empêchant toute visite de ses trois rues principales et de son temple taoïste dédié à Tin Hau, la déesse de la mer protectrice des pêcheurs. Le 25 janvier dernier, sur ordre des autorités, le village a été évacué pour être rasé. Derrière les barrières, les bulldozers n'ont pas encore fait leur ?uvre. Les maisons, pour la plupart à un étage, sont certes frêles et décaties. Pourtant l'affection profonde que portaient ses habitants à ce petit ilot se fait encore sentir. Des dessins reproduisant les bâtiments du village sont placardés sur les façades, comme les derniers témoignages d'une vie qui appartient désormais au passé.

Autour des barbelés, d'anciens habitants occupent encore les allées, des personnes âgées pour la plupart, vendant des bouts de tissus, des vieux CDs, des collants sans taille, et des lai see packets. Les enveloppes rouges distribuées gratuitement par les banques, sont ici vendues pour 1 dollar.

Des indemnisations insuffisantes pour les anciens villageois

Depuis le lancement en 2007 du projet de rénovation de l' ?Urban Renewal Authority (URA)', la majeure partie des habitants avait déjà quitté Nga Tsin Wai, mais certains s'accrochaient encore au lieu de leur enfance et à un mode de vie basé sur l'entraide. La menace d'amendes pouvant aller jusqu'à 500 000 HKD et des peines de six mois d'emprisonnement aura eu raison des derniers récalcitrants.

N., la cinquantaine, est coiffeuse. Il y a trois mois, elle a reçu un avis d'expulsion et a du abandonner le salon et la maison où elle vivait depuis vingt ans. Le c?ur lourd mais vaillant, elle fait encore jouer ses ciseaux dans les cheveux de ses habitués qui se succèdent à vive allure dans l'un des salons de rue improvisés à l'extérieur du village. Elle peut, dit-elle, rester là encore un mois mais elle devra ensuite partir. Où ça ? Elle n'en sait rien encore. En attendant, elle distribue à ses clients son numéro de téléphone pour qu'ils puissent venir la voir, quand elle aura retrouvé un endroit où s'installer.

Les autorités ont certes distribué aux commerçants de Ngai Tsin Wai des indemnisations, mais leur montant exact reste aujourd'hui encore inconnu, même si certains chiffres sont avancés. On parle de sommes allant de 200 000 à 300 000 HKD par négoce et pour certains de propositions de logement temporaire. Mais les commerçants expulsés se plaignent d'indemnisations insuffisantes. Bien qu'on leur ait offert la possibilité d'occuper un local commercial dans le nouveau complexe, une fois le projet achevé, pour un loyer à moindre coût - 600HKD par mois les trois premières années (réévalué à 3000HKD la quatrième et à 6000HKD la cinquième), il n'y que peu de chances qu'ils soient à même d'en payer un au bout de cinq ans un loyer au prix du marché.

L'étiolement du patrimoine

La destruction de Nga Tsin Wai vient réduire un patrimoine historique déjà bien malmené à Hong Kong. La plupart du temps, au profit de projets immobiliers très lucratifs, comme ce fut, par exemple, le cas pour le Jardin du Baume du Tigre, détruit en 2004 pour ériger le complexe résidentiel ?The Legend' à Jardine's Lookout ou pour les villages agricoles des Nouveaux territoires actuellement menacés par un projet gouvernemental de plusieurs milliards de dollars qui prévoit la construction de nouveaux lotissements. D'autres atteintes aux symboles de Hong Kong ont des racines plus politiques, comme l'a récemment illustré la polémique entourant l'éviction des emblématiques boites aux lettres de la poste hongkongaise, encore marquées du sceau de la Couronne britannique. Enfin, les nouvelles normes d'hygiène viennent menacer les commerces et marchands de rue. Les restaurants à ciel ouvert, appelés ?dai pai dong' sont ainsi incités à se replier dans les marchés couverts. Quant à l'iconique marché de Graham Street à Central, il est lui aussi condamné à disparaitre.

A ces diverses transformations de leur mode de vie, certains Hongkongais opposent leurs mécontentements. Déjà en 1966, le projet de destruction de la « Star Ferry  Pier » avait été à l'origine de très importantes émeutes, et aujourd'hui encore, à l'image de la récente Fishball Revolution, la préservation du patrimoine cristallise les tensions.

Johana Burloux (www.lepetitjournal.com/hongkong) lundi 15 février 2016

Crédits photos Johana Burloux

 

Sources : Hong Kong Free Press 1, Hong Kong Free Press 2, The Standard,AFP

Lire également: IMMOBILIER - Les promoteurs menacent les derniers villages de Hong Kong

 

 

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Publié le 14 février 2016, mis à jour le 15 février 2016

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