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HONG KONG STORY – Vendeurs de thé de pères en fils

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 17 février 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

 

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Les Yeung ont la passion du thé en héritage. Patrick Yeung, 69 ans, dirige un magasin de thé traditionnel dans le quartier de Sheung Wan. C'est son père qui avait lancé l'affaire dans les années 50. Aujourd'hui, son fils s'apprête à lui succéder.

« C'est moi sur la photo ! » Patrick Yeung se désigne sur une photographie accrochée au mur derrière la caisse. Sur l'image en noir et blanc, on aperçoit un jeune-homme servant du thé dans une échoppe. « J'avais seize ans. » A l'époque, l'adolescent rejoignait son père après l'école pour lui prêter main-forte. Après de longues études sur le thé, le Hongkongais peut enfin se consacrer à l'entreprise familiale. Aujourd'hui, c'est son propre fils qui l'aide à tenir le magasin à Sheung Wan. Chez les Yeung, le thé est une histoire de famille alliée au respect des traditions.

Dans la boutique, le temps semble figé dans une époque révolue. De grosses boites noires barrées d'inscriptions rouges prennent la rouille sur des étagères. Une antique balance à poids trône près des bacs remplis de feuilles aux couleurs sombres.

Avec une infinie patience, Patrick Yeung renseigne le néophyte indécis devant toutes les variétés ; noir, blanc, vert, jaune, oolong et fleuri. Quelques explications de sa part et c'est un monde qui se dessine. On apprend ainsi que le thé servi dans les restaurants à Hong Kong s'appelle le puerh, une variété récoltée dans le Yunnan, une province chinoise. « Si vous ne précisez pas le thé que vous désirez, on vous sert du puerh systématiquement. Il sera de mauvaise qualité mais les Hongkongais l'apprécient parce qu'il aide à la digestion et brûle les graisses. »

Patrick Yeung servant du thé dans son magasin de Mercer street

Mais les aficionados voient au-delà des vertus médicinales. Certains le collectionnent et sillonnent l'Asie pour trouver le meilleur millésime, car comme une bonne bouteille de vin, le puerh se bonifie avec l'âge. Certaines feuilles dans sa boutique ont plus de trente ans. Patrick Yeung ne cesse de le répéter : « Le puerh est célèbre !».  Par conséquent, les prix peuvent atteindre des sommets.

Du doigt, il montre une galette de puerh emballée dans du papier blanc. « Elle a vingt ans. On la vend 1000 HKD et c'est raisonnable. Parfois, les prix n'ont aucun sens. Un paquet de puerh de 60 ans peut se vendre un million de yuan. C'est insensé. »

Etonnant qu'une hausse des prix ennuie un commerçant,mais Patrick Yeung semble sincèrement  agacé. Le marché a évolué depuis ses débuts où jeune-homme, il traversait la frontière pour tester la qualité de quelques grammes de puerh ou de oolong directement chez le producteur.

Maintenant, il goûte dans l'arrière-boutique des échantillons envoyés depuis certaines provinces chinoises. « 99% de nos thés proviennent de Chine. Le 1% restant vient de Taiwan. Il est rare donc il se vend cher. »

Encore une fois, les prix l'énervent. Comme ceux affichés sur le dos des théières en terre cuite disposées dans la vitrine. « Elles se vendent dix à vingt fois plus chères qu'il y a vingt ans. » Comme le puerh, ces petites théières sont victimes de leur succès.

Il faut dire qu'après avoir dégusté le thé avec monsieur Yeung, on comprend, si on avait négligé cet élément auparavant, l'importance du récipient.

« La matière de la théière a une influence sur la qualité du thé lors de la dégustation. La terre cuite donnera un meilleur résultat que la porcelaine. Quant à la taille du contenant, elle dépend de la variété des feuilles. Par exemple, pour faire un oolong, on utilise les plus petites théières et pour faire un puerh, on utilise celles de taille moyenne. »

Patrick Yeung nous prépare un « oolong de qualité ». Avec précision et doigté, il verse l'eau bouillante dans une théière remplie de feuilles de thé. « Cela ne doit pas infuser plus de 10 secondes. »  Le tout est transvasé dans de petites tasses blanches. Le vieil homme pousse la sienne sur le bord du plateau. « Je ne peux pas boire. » Sa gorge est douloureuse à cause d'une mauvaise toux alors son fils accourt pour s'abreuver à sa place. On ne laisse pas un invité prendre seul le thé.

La tasse se vide en deux gorgées. « On n'a pas besoin d'en boire beaucoup. Le oolong se savoure, se déguste. On apprécie le goût, l'arôme. C'est comme le vin. Vous n'allez pas boire une bouteille entière lors d'une dégustation ? » Non. Le oolong s'apprécie mais le puerh se boit. « Vous pouvez en boire toute la journée. Le puerh étanche la soif. »

Une Hongkongaise âgée vient acheter sa provision de thé pour le mois que le commerçant emballe dans un papier jaune. « Les personnes de ma génération vieillissent avec le thé contrairement aux nouvelles générations. Il y a quelques années, les jeunes se sont détournées du thé pour boire autre chose, comme de l'eau gazeuse ou des sodas, par exemple. Mais aujourd'hui, ça change à nouveau et tout le monde se remet à en boire pour rester en bonne santé. » Ce qui est de bon augure pour les affaires familiales. Le visage de Patrick Yeung se fend d'un grand sourire à l'évocation de l'avenir de l'entreprise. Son fils ainé est désigné pour prendre la relève. Fukien Tea Company va donc perdurer dans le souvenir du grand-père émigré chinois passionné de thé.

Fukien Tea Company - 6, Mercer Street, Sheung Wan, HK © Serge Chehab

Géraldine Ruiz (www.lepetitjournal.com/hongkong) jeudi 18 février 2016

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Publié le 17 février 2016, mis à jour le 6 janvier 2018

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