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OPINION - Haiti, l’État marron

Écrit par Lepetitjournal Haiti
Publié le 20 mars 2016, mis à jour le 20 mars 2016


Les défaillances de l'État marron haïtien ne viennent pas d'extra-terrestres mais bien des Haïtiens, qui ont programmé leur conscience depuis 1804 à partir de cette informatique non maitrisée de la gestion de soi et des autres. La barque nationale coule avec des matelots incompétents qui, de plus, ne sont même pas à la barre. Le système autocratique installé par Dessalines lui-même a d'ailleurs contribué à son assassinat. Nous sommes tous, vous et moi, responsables de nos malheurs. On ne peut pas imputer aux seules puissances colonialistes la tendance irrésistible de nos dirigeants à se déclarer à vie et à monopoliser tous les pouvoirs. Les fraudes électorales de 1806 en témoignent, créant la première guerre civile haïtienne. Rares sont nos dirigeants qui ne sont pas ambitieux et pratiquent l'autolimitation de soi.

De génération en génération, nous gérons un héritage d'intrigues et de refus de toute transparence dans les affaires publiques. Nos fausses croyances nous conduisent à subir l'État qui découle des forces de l'habitude rendant normal l'exécrable. « Le pays est né la tête en bas » disait Edmond Paul, « né sans tête » selon Dantès Bellegarde. Rares sont les dirigeants qui ont été à la hauteur de leurs fonctions. La paralysie des esprits frise la démence et entrave tout libre arbitre. L'histoire d'Haïti, dit Jacques Roumain à Nicolas Guillén en 1937, est celle d'une « éponge gorgée de sang ». Déchirements, affrontements souvent sanglants jalonnent notre parcours national. En s'enfermant dans un mur d'indifférence, nos dirigeants, depuis Boyer en 1825, ont livré les finances nationales à la France.

Cet instigateur de notre décadence est suivi par Salnave qui offre aux Américains le Môle St. Nicolas en 1865 en échange de leur appui en vue de la prise du pouvoir. Le relais est pris par Salomon qui reconduit son offre et anime le feu allumé par Boyer en donnant la Banque nationale aux Français tout en liquidant la bourgeoisie commerçante haïtienne en 1883-1884. Et depuis lors, aucun gouvernement ne peut éteindre le brasier. La baïonnette n'est plus l'arme secrète des généraux qui considèrent que les lettrés sapent leur autorité. Refusant de calmer le jeu devenu dangereux, ils s'en prennent à l'intelligence anticipatrice.

La cassure arrive avec la défaite d'Anténor Firmin en 1902 et la fusillade des intellectuels, dont Massillon Coicou en 1908. Nos dirigeants sont partout et nulle part. Sans prise réelle sur les hommes et le cours des choses. La farce des emprunts de 1825, 1874-1875, 1896 et 1910 a mis le pays en lambeaux avec une dette dont les produits ne sont pas utilisés à bon escient.

Par Leslie Péan

Soumis le 16 mars 2016

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Publié le 20 mars 2016, mis à jour le 20 mars 2016

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