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Diplomatie culturelle : y a-t-il un pilote dans le réseau ? 

diplomatie culturelle et d'influence Frédéric Petitdiplomatie culturelle et d'influence Frédéric Petit
Écrit par Justine Hugues
Publié le 18 novembre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

Notre diplomatie culturelle et d’influence est-elle efficace ? Pas tout à fait, aux dires de Frédéric Petit, député MoDem des Français de l’étranger, qui vient de présenter ses conclusions à ce sujet. 

 

Petit frédéric
Lycées français, Alliances Françaises, Institut Français, Campus France, Ambassades… Frédéric Petit, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, et député de la 7ème circonscription des Français établis hors de France, vient d’achever une longue tournée des popotes. Son objectif ? Se prononcer sur les crédits alloués à notre diplomatie culturelle et d’influence, dans le cadre du Projet de Loi de Finance 2019. « J’ai passé des heures à discuter avec des conseillers consulaires, des syndicats, je suis allé dans les 29 lycées de ma circonscription, ainsi qu’en zone de crise comme en Israël, j’ai croisé des données entre l’AEFE et le CNED… » expose-t-il. La méthode de terrain, que le député se plait à appeler « anti fake-news », a nourri chez lui de profondes convictions pour une présence active de la France dans le monde. 

 

« L’Etat a encore une méconnaissance de la façon dont on gère une action publique avec des partenaires non publics  »

 

Finissons-en du bidouillage et des guerres de crédits entre opérateurs, menons cette révolution copernicienne nécessaire pour travailler en partenariat : tel est l’esprit de la diplomatie d’influence nouvelle génération souhaitée par Frédéric Petit. « Pas parce que c’est moins cher, mais parce que c’est comme cela que le monde marche aujourd’hui. Or, l’Etat a encore une méconnaissance de la façon dont on gère une action publique avec des partenaires non publics », justifie le député. Seule une véritable remise en question du rôle du service public permettra, selon lui, de changer de paradigme. « On est dans un réseau où il faut impulser, plus que gérer, et l’AEFE en est un excellent exemple », affirme-t-il. « Là où l’Etat doit avoir une force redoutable dans l’enseignement français à l’étranger, c’est l’homologation. On ne doit plus continuer à travailler comme si les 494 établissements étaient en gestion directe mais entre partenaires indépendants, chacun avec son identité, en mobilisant toutes les forces que sont la France, les Français et les francophiles », poursuit-il. 

 

Interrogé sur le rapprochement entre Alliances Françaises et Instituts Français, le député rappelle, sans plus de précision, que les établissements auront « rapidement une tête de réseau commune ». « Les gens oublient qu’une alliance française c’est d’abord des francophiles du coin qui s’organisent dans le droit local et qu’un Institut est cofinancé à plus de 50% par des partenaires privés » expose-t-il. Là encore, le député défend le système des homologations et un appui au réseau en matière de stratégie, de formation. « Soit l’Institut Français devient une grande agence européenne de la culture française, soit il devient une tête de réseau, mais dans ce cas, il devra fournir davantage d’accompagnement aux antennes que de simples subventions ou expositions à faire tourner ». 

 

 

« Le pilotage des réseaux me semble un peu absent »

 

Dans le rapport qu’il a présenté à l’Assemblée, le député identifie le pilotage des réseaux culturels et d’influence comme l’une des trois priorités. « Il y a des exemples où le pilotage de cette diplomatie est défectueux et où nous faisons faire par un réseau ou un opérateur des choses contraires à ce que nous annonçons de l’autre coté », souligne-t-il. « Il y a bien des coordinations interministérielles mais ce sont des usines à gaz ; les crédits sont parfois disséminés un peu partout. On a des situations folles où on supprime des postes de l’AEFE dans des pays où on fait de l’aide au développement », illustre-t-il.  Le remède ? Des stratégies différenciées selon les régions et des acteurs qui communiquent davantage. « On ne peut pas avoir la même stratégie en Europe qu’en Argentine ou dans le Sahel. Nous ne nous battons pas avec la pénurie donc nous avons les moyens d’avoir un pilotage cohérent dans toutes nos actions ». 

 

Pour Frédéric Petit, les profils, plus que les carrières, devraient être au cœur de la gestion des ressources humaines de nos réseaux diplomatiques. «  Un ambassadeur n’est pas forcément le profil idéal pour gérer 6000 enseignants. A côté des diplomates généralistes, il faut que l’on puisse recruter des techniciens sur des postes spécifiques. Si on se lance dans un projet de diplomatie écologique de 5 ans, le responsable doit être là pour 5 ans et pas remplacé par un autre collaborateur, sous prétexte qu’il a fini sa mission ailleurs dans le réseau », propose-t-il. 

 

 

Pour un audiovisuel public « sans frontière »

 

La fusion des audiovisuels publics intérieur et extérieur est l’un des chevaux de bataille du député. « Je ne comprends pas pourquoi on a une chaîne publique comme France 24 avec une ligne éditoriale très forte, en quatre langues qu’on ne peut pas voir à la télévision française. C’est vrai que ce serait complètement inutile en France d’avoir une chaine en arabe » ironise-t-il, tout en pointant les motifs commerciaux – et non techniques - de cette absence de diffusion par voie hertzienne. Pour notre interlocuteur, France Médias Monde devrait être inclus dans la grande réforme de l’audiovisuel public en préparation, afin que la diplomatie d’influence dans son ensemble puisse s’adosser à un audiovisuel public « sans frontière ».

 

Le gouvernement semble réceptif, mais le chemin tortueux. « Faire évoluer l’administration, c’est long et compliqué », conclut Frédéric Petit. 

 

Justine Hugues
Publié le 18 novembre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020