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HÉLÈNE CONWAY-MOURET - "Il est important de parler positivement des Français de l’étranger"

Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 3 novembre 2016, mis à jour le 4 novembre 2016

 

Infatigable porte-parole des Français de l'étranger, dont elle a été la ministre deux ans et qu'elle représente au Sénat, Hélène Conway-Mouret plaide pour faire connaître la mobilité dans sa réalité, loin des clichés. C'était l'objet du colloque organisé au Palais du Luxembourg il y a un an (« Les Français à l'étranger, un atout pour la France »). C'est aussi l'ambition du livre électronique et du site qui rapportent l'intégralité des échanges qui ont eu lieu ce jour-là.


lepetitjournal.com : Vous êtes attachée à promouvoir la mobilité internationale, pourquoi ?

Hélène Conway-Mouret : Je ne fais pas la promotion de la mobilité, je souhaite seulement rétablir la vérité sur la réalité de celle-ci et briser les clichés du passé souvent faux et plutôt désagréables pour ceux qui en font le choix. En 2014, j'avais fait réaliser un premier sondage par l'Ipsos pour déterminer quelle perception les Français avaient de l'expatriation.  Celle-ci était très positive, environ 90% des personnes interrogées estimaient que c'était une bonne chose de partir. Pourtant, les Français rencontrés lors de mes déplacements à l'étranger me disaient souvent avoir le sentiment d'être décalés avec leur entourage et stigmatisés par les médias.

Les motivations aux départ sont personnelles, et il y en a autant que de personnes expatriées. Mais elles sont -il faut bien le reconnaître- majoritairement professionnelles. On part parce que l'on a des opportunités dans le travail. J'estime que c'est une excellente chose. Je souhaite regarder le présent et préparer l'avenir. C'est pour cela que j'ai organisé le colloque « Les Français à l'étranger, un atout pour la France », il y a un an au Sénat.


Ce colloque organisé par la sénatrice Hélène Conway-Mouret avait pour ambition de comprendre les enjeux de la mobilité et de donner la parole à celles et ceux qui sont trop loin pour être entendus. Il s'est articulé autour de trois tables rondes traitant, respectivement, des réalités de l'expatriation et des débats qui animent les cercles politiques et économiques français ; de la mobilité internationale des jeunes ; des enjeux économiques de la mobilité et de l'internationalisation de nos entreprises.

On retrouvera sur le livre électronique (à télécharger ici) les nombreux intervenants qui ont fait vivre le débat, ainsi que les discours de Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères, et de Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français à l'Étranger.  

Je voulais donner la parole à ces Français que l'on n'entend pas parce qu'ils sont trop loin. J'ai le devoir, de par mes fonctions, de représenter cette communauté et de la faire connaitre de nos compatriotes restés en France. C'est pour cela qu'il est important de partager les échanges qui y ont eu lieu, comme les réactions qu'ils ont suscité sur un site dédié et dans un livre électronique.

Quelle est la réalité de la mobilité aujourd'hui ?

Il me semble qu'elle est mieux perçue. Dans un deuxième sondage, réalisé en 2015, où, pour la première fois, les Français de l'étranger étaient sondés sur leurs liens avec la France (voir l'article SONDAGE ? Les expatriés aiment-ils encore la France ? ) qu'a-t-on constaté ? Les expatriés sont des actifs qui pour une majorité travaillent dans des entreprises locales. Le nombre de ceux qui partent avec des contrats est en forte baisse. L'expatriation change pour quatre raisons :

-          Les entreprises françaises sont moins nombreuses à envoyer des cadres à l'étranger, pour des raisons notamment financières.
-          On trouve plus de personnes qualifiées localement
-          La mobilité se démocratise : entre les transports low cost et internet, qui permet de se connecter à l'autre bout du monde, les départs sont facilités. Les voyages étaient chers il y a 30 ans. Les gens peuvent aujourd'hui partir à l'aventure sans préparation (ce qui peut d'ailleurs poser problème).
-          Erasmus et Schengen ont permis l'éclosion d'une génération qui n'a pas peur de partir. Elle a connu le dépaysement et n'a pas peur du départ.

Ceux qui croient qu'il ne faut pas partir ont tort. Aujourd'hui l'approche du monde est différente. Ceux qui partent n'ont pas toujours le projet de rester et reviennent avec des compétences supérieures qu'ils aimeraient mettre au service de leur pays. Ils sont capables de tirer la France vers le haut avec leurs innovations, leur créativité. Il faut bien comprendre qu'en France on n'est pas en avance sur tout ! C'est important d'aller voir ailleurs, dans ce monde qui change très vite et rester en phase avec lui. Les humains ont toujours eu la volonté de conquérir de nouveaux espaces. C'est la réflexion que je me faisais récemment en Ethiopie lorsque je suis allée voir Lucy. Enfermer les humains derrière des frontières ou des murs n'est pas possible.

Chez les jeunes, partir serait donc un passage obligé ?

La mobilité pour la jeunesse est une opportunité.C'est ma conviction profonde. J'étais ravie de lancer en janvier 2014 à Bordeaux le programme Erasmus + qui permet aux étudiants de filières techniques et technologiques de partir étudier en Europe. C'est donner l'occasion à tous de sortir de son environnement et partir à la conquête du monde.

Où partent les Français ?
Les destinations prisées changent en fonction des modes et de la conjoncture. Il y a quelques années, tout le monde voulait aller en Chine, dont la croissance faisait rêver. Aujourd'hui c'est beaucoup moins le cas. Jusqu'à 2008, l'Irlande était un eldorado. On est passé de 3.000 à 9 000 inscrits en 5 ans. Et puis il y a eu la crise. Beaucoup sont rentrés d'Espagne depuis deux ans et en même temps les arrivées sont nombreuses à Barcelone. C'est maintenant le Canada, les Etats-Unis, mais aussi la Corée du Sud ou Taïwan qui attirent les Français. Il faut noter le nombre croissant de nos ressortissants inscrits au registre consulaire en Afrique du nord et sud-saharienne. Ce sont des départs en famille, bien souvent de binationaux nés en France qui souhaitent transmettre leur autre culture à leurs enfants et y redémarrer une nouvelle vie. Ils gardent le lien avec la France en s'inscrivant au registre. D'ailleurs le débat sur la déchéance de nationalité a été terrible pour les Français de l'étranger, où la proportion de binationaux est proche de 40%. 

L'image de la mobilité est-elle pas en train de changer dans les médias ?
Oui, le ton a changé me semble-t-il. J'ai organisé lors du colloque une table ronde sur le thème de  « La mobilité et les médias » avec des journalistes. Depuis quelques mois, la tonalité des articles est différente. On parle de la préparation au départ, des lycées, d'aspects pratiques. C'est de l'information sans charge émotionnelle. Il y a moins de postures politiciennes qu'en 2012. On comprend enfin qu'on peut être fier de ces Français, qu'il ne faut pas les punir. En cela, l'action du ministère des Affaires étrangères ou de médias comme lepetitjournal.com ont participé à ce changement. Les Trophées des Français de l'étranger par exemple le montrent. Ce ne sont pas des "people" qui sont honorés mais des personnes qui ont réalisé leurs rêves et fait de belles choses qui peuvent servir d'exemple ou de modèle à suivre.

Votre action s'est aussi concentrée sur la simplification des retours, qui inquiètent de très nombreux expatriés. Où en est-on aujourd'hui ?
Nous avons des retours très positifs sur le site Retour en France (un service d'aide en ligne personnalisé afin d'informer au mieux les Français de l'Etranger sur les démarches administratives à entreprendre, ndlr) L'angoisse du retour disparaît quand on sait exactement ce que l'on doit faire. Je reste mobilisée pour pousser les autres propositions, très pratiques, qui peuvent être mises en ?uvre très rapidement pour simplifier les démarches.

On sait que les Français de l'étranger participent relativement peu aux scrutins électoraux, comment faire pour les mobiliser ?
La participation à la Présidentielle est en général assez bonne. En 2017 il y aura 800 bureaux de votes supplémentaires. Un travail de mise à jour des listes électorales consulaires est en cours. Il est maintenant facile de s'inscrire en ligne et d'actualiser ses données personnelles. Pour ce qui est des Législatives, les citoyens auront vu leur député à l'?uvre à l'étranger pendant cinq ans. On peut espérer que la participation sera en hausse. Les Français de l'étranger ont des droits mais aussi des devoirs, dont celui de voter. Ils auront un vrai choix de société et leurs votes détermineront l'avenir. Ce qui ce passe avec la montée du nationalisme et des partis d'extrême droite en France et ailleurs me préoccupe. Les Français de l'étranger doivent participer à la défense des valeurs républicaines.

Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange (www.lepetitjournal.com) jeudi 3 novembre 2016

Lire aussi : Le Blog d'Hélène Conway-Mouret
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Publié le 3 novembre 2016, mis à jour le 4 novembre 2016