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Boris Faure : « La dignité est possible en politique »

Boris Faure PS, FFE PS, M'jid El Guerrab, agression Français de l'étrangerBoris Faure PS, FFE PS, M'jid El Guerrab, agression Français de l'étranger
Écrit par Marie-Pierre Parlange
Publié le 4 décembre 2017, mis à jour le 18 juin 2019

Frappé à coups de casque par le député des Français de l’étranger M’jid El Guerrab, Boris Faure s'est retrouvé en soins intensifs le 30 août dernier. Marqué par cette agression, le premier secrétaire de la Fédération des Français de l’étranger au Parti socialiste a initié un travail de réflexion sur la violence politique.  

 

Boris Faure est un rescapé de la politique. Littéralement. Souvenez-vous, le  30 août dernier, on apprenait que M’jid El Guerrab lui avait asséné deux violents coups de casque de moto devant un café parisien. Opéré en urgence, Boris Faure a été sauvé par les neurochirurgiens. Après deux mois de convalescence, le premier secrétaire de la Fédération des Français de l’étranger au Parti socialiste va mieux et reprend ses activités.

M’jid El Guerrab, député de la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb, Afrique de l’ouest) a démissionné de La République en Marche mais pas de ses fonctions. Il a été mis en examen pour violences aggravées. Boris Faure a  par ailleurs porté plainte pour diffamation publique et dénonciation calomnieuse contre M’jid El Guerrab. Celui-ci a en effet affirmé que l’agression avait fait suite à une injure raciste. « Non content de m’avoir fracassé le crâne, je vis comme une deuxième agression le fait que M’jid El Guerrab ait tenté de porter atteinte à mon honneur, explique Boris Faure. Je vis à l’étranger, je vis dans un cosmopolitisme de fait. Je n’accepte pas cette injure. Je ne suis pas dans un esprit de polémique vis-à-vis de lui mais j’attends que la justice soit faite totalement. »  La période d’instruction se poursuit et une confrontation devrait être organisée prochainement.


L’affaire a suscité l’émoi dans le monde politique, mais pas seulement. « J’ai reçu des centaines de messages, de gens authentiquement choqués qui ne me connaissaient pas. » Boris Faure regrette que La République en Marche ait laissé M’jid El Guerrab démissionner, bien que de nombreuses personnalités, dont les autres députés des Français de l’étranger aient condamné le geste du député. Aurait-il attendu un signe venant du plus haut de l’exécutif ? « Il y a peut-être eu une défaillance d’humanité quelque part, sourit-il. Ce n’est pas difficile de faire passer un petit mot de soutien. Mais ce qui choque, c’est qu’il soit encore député, ça, les gens ne peuvent pas le comprendre. »  


Retour au combat politique

Etre au cœur d’un fait divers a fait réfléchir Boris Faure sur le sens de son engagement politique, auquel il ne renonce pas pour autant : « Si les dégoutés s’en vont, il ne restera que les dégoutants ! Les dérives de certains ne peuvent que me renforcer dans mon idéal. J’ai aujourd’hui envie d’être porteur d’un message de dignité.»

 

Est-ce compatible avec le militantisme ? « Je pense qu’il y a une prime à la dignité. Garder le respect de l’opinion de l’autre est un combat de tous les jours, mais au bout du chemin il y a une reconnaissance. Regardez par exemple Lionel Jospin, Pierre Mendès-France ou même Jaurès. Ils n’ont jamais été pris en défaut de dérapage. Leur intégrité est reconnue. Ce sont des figures fondatrices, une inspiration. D’ailleurs, au quotidien, dans mes fonctions de conseiller consulaire, je vois comment on travaille tous ensemble pour trouver un consensus républicain. »

 

Une violence physique exceptionnelle en politique


Cette affaire conduit Boris Faure à s’interroger sur la violence en politique. « Sous la Ve République, une telle violence est très exceptionnelle, constate-t-il. Sous la IIIe République, les tentatives d’assassinat - par les anarchistes par exemple - n’étaient pas rares. De Gaulle a été victime de 5 attentats mais dans le contexte particulier de la guerre d’Algérie. Maxime Brunerie, qui visait Jacques Chirac sur les Champs Elysées, a été reconnu comme déséquilibré. Aujourd’hui, il est impossible de justifier idéologiquement la violence, et d’ailleurs, aucun parti ne le fait. Elle a été totalement marginalisée, ce qui prouve que nous sommes dans un Etat de droit solide. Mais le paradoxe, c’est que la violence verbale explose ». (Boris Faure précise qu’il met volontairement de côté la violence terroriste et sexuelle ndlr).  « J’y vois un lien avec l’effacement de coupure entre la vie publique et la vie privée. Quand les caméras rentrent dans la chambre à coucher, on désacralise la fonction. La vedettisation de la politique entraine automatiquement un déferlement de commentaires. »

 

Se référant aux ouvrages de Norbert Elias, Boris Faure évoque Louis XIV qui mettait en scène sa vie privée. « Les maitresses du Roi faisaient l’objet de débat, mais en instituant un lourd rituel, comme les cérémonies du lever, le monarque choisissait ce qu’il donnait à voir. Parallèlement, il domestiquait les mœurs. Le pouvoir, pour être respecté, ne doit pas être dans l’ultra proximité permanente. A ce titre, le livre de Valérie Trierweiler n’était pas loin d’être obscène
 

Le président Macron a-t-il tiré des leçons des errements de ses prédécesseurs ? « Il a remis de la pompe dans sa fonction, et a maitrisé le récit de son histoire amoureuse. C’est intéressant de constater que l’acte fondateur de sa vie d’adulte est une transgression, c’est ce qui en fait un personnage politique singulier. Il est transgressif et en même temps, il a rétabli une autorité verticale classique. Pourtant il est difficile de s’en tenir à cette ligne directrice, et le chef de l’Etat n’est pas exempt de dérapages verbaux ! »
 


Réseaux sociaux et diffamation ordinaire

Les réseaux sociaux ont permis une banalisation des injures, sous couvert d’anonymat regrette Boris Faure. Mais elle est aussi un langage politique qui interroge. « L’insulte a bonne presse. Il n’y a qu’à voir les échanges entre Manuel Valls et Jean-Luc Mélenchon. Le cycle insulte / contre-offensive / commentaires est sans fin. Ce spectacle contribue à la crise de la représentation des politiques ». Et le premier secrétaire d’évoquer Périclès mettant en garde contre les humiliations « douloureuses » qui portent atteinte à la démocratie. « Ces duels médiatiques se déroulent à l’infini et ont plutôt moins de panache que le dernier duel à l’épée entre Gaston Deferre et le gaulliste René Ribière, qui eut lieu il y a 50 ans », semble presque regretter Boris Faure.

Faut-il pour autant réglementer internet ?  « Les GAFA* s’en remettent à une autorégulation pour traiter les injures. Ils se sont engagés à ce que le traitement des signalements soit réglé en 24 heures. C’est un sujet sensible sur lequel se penche la Commission européenne », explique-t-il. « Il faut à la fois respecter la liberté d’expression et garantir le respect de la dignité sur les supports numériques. C’est d’autant plus important qu’internet est devenu incontournable pour les politiques qui s’expriment par tweets ou qui rendent compte sur Facebook de leurs interventions. Encore plus pour les Français de l'étranger pour lesquels les réunions d'information en ligne sont particulièrement utiles ».

 

* acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon

Marie Pierre Parlange
Publié le 4 décembre 2017, mis à jour le 18 juin 2019