« Un fiasco inévitable ». Tels sont les mots utilisés dans le rapport présentant les conclusions de l’enquête menée sur les scènes de violence qui se sont déroulées aux abords du Stade de France lors de la finale de la Ligue des Champions le 28 mai dernier. De là à fragiliser la légitimité de la France à organiser les Jeux Olympiques 2024 et la Coupe du Monde de rugby 2023 ?
Le Sénat a présenté, au cours d’une conférence de presse le 13 juillet 2022, les conclusions du rapport portant sur les incidents survenus au Stade de France à l’occasion de la finale de la Ligue des Champions le 28 mai dernier. Menée conjointement par les commissions de la culture et des lois et leurs présidents respectifs, les sénateurs François-Noël Buffet et Laurent Lafon, l’enquête a cherché à identifier les responsables, ainsi que les tenants et les aboutissants qui ont pu mener au chaos du 28 mai. S’il faut lire le rapport avec attention, le titre qui lui a été attribué est on ne peut plus explicite quant à la façon dont les opérations ont été gérées : « Finale de la Ligue des Champions au Stade de France : un fiasco inévitable ».
Une chose est néanmoins certaine : les supporters de Liverpool n’en sont pas tenus responsables malgré le nombre important de faux billets recensés dans le secteur qui leur était dédié. Le préfet de police Didier Lallement, qui se retirera de ses fonctions le 21 juillet, et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sont quant à eux directement mis en cause pour l’organisation défaillante de l’événement et la mauvaise analyse faite de la situation qui en a découlée. Les inquiétudes s’élèvent également en France et à l’international concernant la capacité du pays à accueillir des événements sportifs d’envergure tels que la Coupe du Monde de rugby 2023 et les Jeux Olympiques 2024.
Fiasco du #stadedeFrance :@fnb_officiel présente les conclusions des travaux menés par les commissions des lois et de la culture du sénat sur les incidents en marge de la finale de la ligue des champions. pic.twitter.com/APysGlBLbS
— Républicains Sénat (@lesRep_Senat) July 19, 2022
Gestion de la billetterie, organisation de la sécurité, usage de la force et manque de reconnaissance des fautes : les dysfonctionnements à corriger d’ici 2023 et 2024
Saisies dès le mercredi suivant la finale de la Ligue des Champions, les commissions des lois et de la culture se sont emparées du dossier et force est de constater que ce qui s’est passé est la résultante de nombreux dysfonctionnements dans la gestion et l’organisation de l’événement.
Dans la première section du rapport, elles mettent en exergue la mauvaise gestion de la billetterie et des litiges. L’utilisation de billets au format papier et la gestion insuffisante des personnes éconduites ont causé l’engorgement des points de filtrage.
L’organisation de la sécurité qui a conduit à négliger les supporters est également pointée du doigt. Une résultante causée par une stratégie trop orientée sur le maintien de l’ordre, et pas assez sur des moyens sociaux permettant d’acheminer les supporters, puis par le manque d’anticipation des actes de délinquance malgré une effervescence inhabituelle aux abords du stade dans les jours précédents le match.
Les défaillances du pré-filtrage et le recours à la force, qui a été rendu nécessaire par l’accumulation de tous les facteurs précédemment évoqués, se retrouvent aussi sous le feu des projecteurs. Le pré-filtrage mis en place, couplé au contrôle des billets par les stadiers (pas suffisamment formés), a provoqué la saturation du nombre de supporters, là où la préfecture de police a de son côté rejeté la faute sur l’affluence de supporters de Liverpool sans billets.
Le rapport souligne finalement la reconnaissance et l’analyse insuffisantes ou tardives de leurs erreurs par les pouvoirs publics. Laurent Lafon souligne notamment que « ce qui a été dit dans les premières heures ne correspond pas à la réalité de ce qui s’est passé ». Le gros point noir de la procédure demeure le manque d’images filmées au plus près des débordements qui ont été supprimées automatiquement au bout de sept jours car aucune réquisition judiciaire n’a été prononcée par la préfecture de police ou le parquet.
Vu de l’étranger : la presse internationale fustige la gestion de la finale de la Ligue des Champions
La presse internationale s’est montrée particulièrement acerbe envers la gestion de l’événement par les pouvoirs publics français. Les reproches ont plu ça et là en provenance du monde entier, mais ce sont bien sûr les presses anglaise et espagnole qui ont tiré à boulet rouge sur l’organisation de la finale qui a opposé l’équipe de Liverpool à celle du Real Madrid. Si les seconds ont tout de même salué la victoire des joueurs de Carlo Ancelotti, les premiers ont totalement occulté la défaite des joueurs liverpuldiens.
Les britanniques y sont allés de bon coeur pour critiquer la gestion désastreuse des supporters, le tabloïd The Sun intitulant notamment son article le « Stade de Farce ». Pendant ce temps, le quotidien sportif espagnol As tape de son côté sur les supporters de Liverpool, n’hésitant pas à les qualifier de « hordes de barbares ». As fait cependant figure d’exception parmi les plus grands médias sportifs espagnols, les autres jugeant que la faute revient à l’organisation de l’événement par les pouvoirs publics français, de même que toute la presse italienne.
? L'une des principales associations de supporters de Liverpool, Spirit of Shankly, a saluéle rapport de sénateurs français exonérant les fans anglais d'être à l'origine des incidents lors de la finale de la Ligue des champions au SDF https://t.co/0LMSubHqrH
— RMC Sport (@RMCsport) July 13, 2022
La sortie du rapport, largement en défaveur des instances françaises, donne raison à la plupart des médias ayant écrit sur les événements du Stade de France. Les supporters anglais n’ont de leur côté pas manqué d’en saluer les conclusions qui les ont exonérés de toute faute.
Quelles conséquences concernant la tenue des JO 2024 et celle de la Coupe du Monde de rugby 2023 ?
C’est bel et bien la responsabilité des pouvoirs publics français qui a été dénoncée dans le rapport. Malgré tout, les sénateurs François-Noël Buffet et Laurent Lafon en retirent que les événements survenus au Stade de France ne sont qu’un « coup de semonce qui ne devrait pas remettre en cause la capacité de la France à organiser de grands événements sportifs ». Pour rectifier le tir d’ici la tenue des deux grands événements sportifs que sont la Coupe du Monde de rugby 2023 et les Jeux Olympiques 2024, le rapport a proposé une liste de recommandations qui auraient pu permettre d’éviter le « fiasco » et permettra de prévenir une telle débâcle à l’avenir.
François-Noël Buffet se veut d’ailleurs rassurant sur ce point, en assurant que les recommandations émises dans le rapport ne nécessitent aucune législation, sauf une, et sont donc facilement applicables. « Les changements à opérer ne relèvent que de l’organisation et du management », a-t-il ainsi appuyé.
Laurent Lafon tient également à rappeler que les débordements du 28 mai font figure d’exception, le concert d’Indochine n’ayant posé aucun problème une semaine plus tôt malgré la présence de près de 100.000 spectateurs.