Jacques de Tarragon: « L'Atelier des Lumières veut offrir un autre regard sur l’art » premium

Susciter l’intérêt d’un large public par le biais de l’art constitue un défi de taille de nos jours. L’Atelier des Lumières à Paris, ainsi que toutes ses déclinaisons en France et à travers le monde, a trouvé la parade en rendant ses expositions numériques et immersives afin de transporter les visiteurs dans un autre monde.
A l’heure actuelle se tient l’exposition numérique et immersive dédiée à Paul Cézanne et Vassily Kandinsky à l’Atelier des Lumières, dans le 11ème arrondissement de Paris. A cette occasion, lepetitjournal.com a pu s’entretenir avec Jacques de Tarragon, le directeur du fameux établissement culturel parisien. Il nous a ainsi livré ce qui fait l’essence et le succès de l’Atelier des Lumières, tout en évoquant son expansion à l’étranger sous l’impulsion de Culturespaces.
Après Van Gogh ou encore Dali, pourquoi avoir choisi de présenter Cézanne et Kandinsky sous ce format immersif ?
Cézanne et Kandinsky sont deux grands maîtres de l'histoire de l'art. A l'Atelier des Lumières, nous allons chercher des grands noms parce que nous voulons rassembler ici et proposer un autre regard sur l'art à un maximum de visiteurs. L’oeuvre de Cézanne est très prolifique, il a peint près de 900 toiles et 400 aquarelles. Il y a donc une matière suffisante pour faire quelque chose d'extraordinaire et de retranscrire, à travers une exposition qui dure 35 minutes, toutes les grandes phases créatives de sa vie. Nous essayons de créer une variation pour présenter d'abord les capacités immersives de l'Atelier des lumières avec des artistes qui ont des univers très différents.

Je pense que Cézanne et Kandinsky se complètent car ils ont des points en commun. Cézanne est le père de la peinture moderne, et Kandinsky, d'une certaine manière, est le père de l'art abstrait. Kandinsky admirait Cézanne, il disait de lui qu'il pouvait donner une âme à une tasse de thé et je pense donc qu'il était important de pouvoir les réunir en présentant ces deux univers très différents à nos visiteurs.
Qu'est ce que représente la réouverture de l'Atelier des Lumières pour la scène culturelle parisienne ?
Je pense qu'il y a une vraie attente du public. Nous avons eu deux années difficiles avec le covid. Néanmoins, nous avions pu faire une exposition sur Dali qui a rassemblé 700.000 personnes, ce qui est une belle performance en cette période durant laquelle nous n'avons pu ouvrir que 7 mois de l'année. Il y a donc eu un bel engouement et un retour aux activités culturelles qui nous font très plaisir.
Nous sommes à la fois dans la nouveauté avec Cézanne et dans la continuité de la programmation culturelle
Cette réouverture est un peu la continuité des différentes expositions immersives que Culturespaces propose en France et à travers le monde. Nous allons ouvrir à New York dans quelques mois et également à Amsterdam, après avoir ouvert à Dubaï l'année dernière. Nous sommes à la fois dans la nouveauté avec Cézanne et dans la continuité de la programmation culturelle.
Qu'est ce qui fait la spécificité de l'Atelier de lumière à Paris et à travers le monde?
Le point commun de tous ces sites immersifs réside dans le fait qu’ils ont des identités propres, très marquées. A Carrières des Lumières (Les Baux-de-Provence), vous êtes dans une grotte, une carrière millénaire. Ce site a une âme incroyable. Il en est de même à Bordeaux (Les Bassins des Lumières), que nous avons ouvert l'année dernière. Ce lieu est immense. Tous ont à la fois une surface importante et des murs très hauts sur lesquels nous projetons jusqu'à 10 mètres et qui participent à cette immersion.
Quel public vient à ces expositions et permettent-elles de démocratiser l'art ?
C'est surtout la position géographique du site qui va décider de la nature du public. À Bordeaux, il y a davantage de touristes. Nous nous rendons compte qu'à l'Atelier des Lumières une grande partie de nos visiteurs viennent d'Ile de France (50%). Nous n'avons pas vraiment de saisonnalité ici à Paris, nous sommes ouverts toute l'année. En revanche, il y a une vraie saisonnalité à Carrières des Lumières car en été l'activité touristique profite à la fréquentation du lieu.
Nous plantons une petite graine dans l'esprit des gens qui va amorcer un intérêt marqué pour l'art
A Paris, nous avons un public très jeune, contrairement à un musée traditionnel où l’âge moyen va être un peu plus élevé, ce qui est assez déroutant. Ici, nous avons 35% de moins de 35 ans, beaucoup de visiteurs viennent en famille. Les enfants passent de très bons moments, nous sommes ravis de constater qu'il y a un engouement des jeunes et des familles à l'Atelier des Lumières.
Il faut savoir que 70% des Français ne vont pas dans les musées. Or, beaucoup de nos visiteurs nous font part de leur envie d’aller faire face aux oeuvres originales dans les musées après avoir assisté à notre exposition immersive. Pour nous, c'est un pari gagné. Nous avons planté une petite graine dans l'esprit des gens qui va amorcer un intérêt marqué pour l'art.
L'Atelier des Lumières a été décliné à l'étranger, a-t-il vocation à s'exporter encore davantage ?
La réponse est oui car Culturespaces est en phase d’expansion. Nous avons un concept qui fonctionne bien et dont nous sommes très fiers. Il s'agit d’une prouesse technologique mêlée à des performances de grands noms de l'histoire de l'art. Nous sommes ainsi en train d'ouvrir plusieurs sites.
Nous imaginons très bien, d'ici cinq ans, avoir ouvert cinq à dix nouveaux sites
Comme dit précédemment, nous allons ouvrir à Amsterdam au mois d'avril, et à New-York entre juillet et septembre. Nous avons beaucoup d'autres projets de sites immersifs en Europe qui sont en train de se monter. Nous sommes en phase de prospection, de travaux, de finalisation de projets, etc. Nous imaginons très bien, d'ici cinq ans, avoir ouvert cinq à dix nouveaux sites.
Comment élabore-t-on une exposition immersive de cette ampleur ?
La création d'une exposition est longue et assez complexe. Il y a toute une partie iconographique qui prend beaucoup de temps : nous devons aller récupérer les oeuvres en très haute définition, écrire un script, dérouler l'histoire que nous voulons raconter pour les mettre en scène, produire, et faire des tests. Une fois qu'une exposition est prête, nous la présentons dans un premier site et essayons de la partager dans différents lieux d'une année à l'autre. Cela nécessite évidemment un gros travail d'adaptation assez complexe puisque chaque lieu a son architecture propre mais cela permet de faire voyager les expositions que nous avons pu créer.