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Un Noël en France... sans bagages !

Écrit par Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 12 décembre 2016, mis à jour le 13 décembre 2016

Après plusieurs tentatives passées ça et là à l'étranger, Marianne, à Shanghai depuis deux ans, a enfin réussi à changer sa vie. Non seulement elle a trouvé un job qui la fait vibrer, elle vient aussi de rencontrer Tao, un entrepreneur Chinois dont elle est follement amoureuse. Avant de démarrer ses nouvelles fonctions en janvier prochain, elle s'envole pour la France, ce seront ses seules vacances de l'année. Bref, tout devrait bien aller dans le meilleur des mondes et pourtant, plus son voyage de Noël approche, plus elle se sent prise d'une panique incontrôlable.

            Alors que l'on était proche de mettre un terme à une relation de coaching dont elle était satisfaite, quatre mois de travail via skype axés sur sa vie professionnelle, Marianne veut me faire partager sa crainte de rentrer en France, « cela ne m'était jamais arrivée auparavant, que m'arrive-t-il ? ». Avant qu'elle ne s'installe dans ce qu'elle appelle avec tendresse, sa vie à la chinoise, retourner à Nice où elle est née était un vrai plaisir, un moment qu'elle attendait avec impatience, « ah, qu'il était bon de revoir la famille et mes amis ! » Elle adorait cet instant où, à peine arrivée à l'aéroport, la douane enfin derrière elle et les bras chargés de cadeaux, elle découvrait qui était là à l'attendre tout sourire. Les jours défilaient à la vitesse grand V, pleins de joie et d'amour, et à la veille de son retour, elle ne pouvait contenir son excitation de rentrer à la maison, où que celle-ci soit. « Mais pourquoi cette fois-ci avez-vous peur de retourner en France ? » Sa réponse ne se fait pas attendre.

            « Ce voyage n'a plus l'insouciance d'avant. En effet, à l'époque, je savais pertinemment que le pays où je résidais n'était qu'une escale vers un rêve pas encore réalisé. Aujourd'hui, alors que j'ai le sentiment d'être arrivée à bon port, retourner en France, ne serait-ce qu'en vacances, ressemble plus à une confrontation avec mes racines qu'à une escapade niçoise ». Même l'idée de repartir ensuite à Shanghai aux côtés de son chéri Tao est vécue comme un déchirement. « Est-ce que ma place ne devrait pas être auprès de mes parents âgés ? Me croire chez moi en Chine, est-ce plus un fantasme qu'une réalité ? Et mes copines d'enfance qui me reprochent de vivre si loin, est-ce que je risque un jour de les perdre pour toujours ? » Toutes ces questions empreintes de culpabilité ont une réponse. Encore faut-il que Marianne calme son esprit. Afin d'y parvenir, elle doit d'abord accepter ses angoisses au lieu de les combattre. Après tout, lorsque l'on est dans une phase de changement, les questions existentielles que l'on se pose ne sont-elles pas naturelles, voire primordiales, afin d'assurer une transition souple et sans embûches ?

            Cela nous a pris un certain temps, mais il n'y a que quand Marianne a réussi à accepter ses angoisses que j'ai pu enfin l'écouter, et l'entendre, à ma façon, c'est-à-dire avec compassion mais sans complaisance, tout en lui renvoyant ce qu'elle ne me disait pas, mais que je lisais entre les lignes. Au bout d'un mois de ce travail-miroir parfois douloureux, et toujours riche, Marianne a été capable de partir en France l'esprit libre, sans surplus de bagages psychologiques. 

            « J'ai peiné à résoudre mon dilemme parce qu'après deux années passées à Shanghai, j'étais convaincue de m'être habituée à mon changement de vie. Je cherchais ainsi une solution à droite, à gauche, alors que celle-ci pendait au bout de mon nez ! » C'est vrai qu'elle s'était plutôt bien habituée à l'aspect physique de sa nouvelle existence, déménagement, job, petit copain, papiers en règle et nouveaux amis. Mais elle n'en avait jamais abordé l'aspect psychologique, ce que l'on appelle la transition, je sais ce que je quitte, mais je ne sais pas ce que je vais gagner en échange. Et sa panique venait surtout de là. À ma demande, elle a dressé une liste de ce qu'elle perdait vraiment, liste beaucoup moins exhaustive que ce qu'elle pensait originellement, pour ensuite apprendre à en faire le deuil. Après des moments de colère et de tristesse, elle a passé ce cap primordial de ne plus vivre avec des regrets. Et lorsque plus tard, elle a lu à haute voix ce que ces dernières années en Chine lui ont apporté et ce que les années suivantes lui promettent, à Shanghai mais aussi en France lors de séjours ponctuels, son sourire, sa fierté et sa sérénité furent les meilleures réponses à toutes ces questions qui auparavant lui encombraient l'esprit.

            Sans se sentir coupable, Marianne a ainsi accepté l'évidence, « mon immigration n'est plus du domaine de l'hypothèse ou du saut de puce. Je suis chez moi à Shanghai car la ville et la culture me correspondent », et s'est fait une raison, « ce job dont je rêvais et la perspective de partager ma vie avec Tao m'ont fait passer du stade d'expatriée un peu bohème à celui d'immigrée pure et dure. C'est comme ça et tant mieux ! » Accepter son statut d'immigrant en transition, c'est aussi savoir renoncer aux choses que la vie a décidé de vous reprendre afin de mieux recevoir ce qu'elle a décidé de vous donner.

Nicolas Serres Cousiné, le life coach des expats français à travers le monde (www.lepetitjournal.com) lundi 12 décembre 2016

En savoir plus: Rendez vous sur Le site de Nicolas Serres Cousiné  

Avertissement: Les chroniques de Nicolas Serres-Cousiné sur lepetitjournal.com s'inspirent de sa pratique professionnelle. Chaque chronique est un mélange romancé de plusieurs témoignages sur le même thème. Ils ont été modifiés de manière à préserver l'anonymat de leurs auteurs.

Nicolas Serres-Cousiné
Publié le 12 décembre 2016, mis à jour le 13 décembre 2016