Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

AYMERIC LE PAGE : "La compréhension de la donnée est essentielle"

LePage Aymeric 5733rt8x10LePage Aymeric 5733rt8x10
Écrit par SKEMA Alumni
Publié le 23 octobre 2017, mis à jour le 18 juin 2019

Né à New York, Aymeric Le Page a toujours souhaité revenir vivre aux Etats-Unis. Après ses études au sein de Skema et des années de conseil chez Accenture Strategy, il est aujourd’hui vice-président strategy, data & analytics, et business transformation chez Nestlé Waters North America. Installé à Brooklyn et travaillant à Stamford, CT, il met en pratique son expertise en transformation d’entreprise pour permettre à ReadyRefresh by Nestlé, plateforme de livraison d’eau à domicile, de répondre à la rapide évolution des besoins de ses consommateurs.

 

Skema Alumni
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI

Vous vivez et travaillez à l’étranger, est-ce un choix de votre part ?
Je suis né à New York alors que mes parents y étaient expatriés. J’ai donc le passeport américain. New York était naturellement une destination de choix pour moi. Quand j’ai terminé mes études à Skema en 2004, je suis rentré chez Accenture, une entreprise globale, afin de développer mes compétences en conseil en stratégie et en organisation mais aussi dans l’espoir d’être transféré au bureau de New York le moment venu, ce que j’ai fait après être passé manager. Mon épouse m’a rejoint et a pu, dès qu’elle a obtenu sa carte verte, retrouver un travail. Elle s’occupe actuellement du e-commerce aux Etats-Unis pour Saint James, marque française de vêtements et pulls marins. Nos deux enfants Antoine (4 ans) et Hélène (2 ans) sont totalement bilingues. C’est certainement un grand avantage pour eux à l’avenir et un choix d’éducation.

 

Vous avez travaillé dans la même société de conseil des deux côtés de l’Atlantique, avez-vous vu une différence d’approche ?


Oui, j’ai trouvé ça très intéressant : quand je suis rentré chez Accenture, en France, j’ai travaillé presque exclusivement sur tout ce qui est communication, médias et technologies (fournisseurs d’accès internet, chaines de télévision, etc.) Toutes les missions étaient centralisées à Paris, ce qui fait que je n’ai presque pas voyagé en 6 ans. Les Etats-Unis sont beaucoup plus décentralisés. Je n’ai presque jamais travaillé chez un client à New York ! Je partais toutes les semaines du lundi au jeudi à Chicago, à Detroit, à Washington D.C., en Californie, en Arizona… J’ai par exemple développé la stratégie de développement économique de l’Etat d’Arizona, et ai donc fait des aller-retour New York – Phoenix chaque semaine pendant 4 mois en hiver. De la neige à New York, et des repas en terrasse en Arizona, ça dépayse !
Je trouve aussi que le management est différent entre les deux pays. Les équipes françaises ont un excellent esprit critique et une large connaissance transverse, ce qui permet de travailler avec des équipes plus autonomes. Les équipes US sont en général très spécialisées et requièrent plus de management afin d’apporter la vision transverse a un problème. Dès que j’ai compris cette différence, j’ai non seulement adapté mon approche de management, mais aussi de recrutement.

Pouvez-vous nous présenter votre rôle au sein de Nestlé Waters ?

Nestlé, qui est une entreprise de 100 milliards de CA, a une division Waters, en charge de marques telles que Perrier, San Pellegrino ou Poland Spring. Je suis rentré au sein de ReadyRefresh by Nestlé (CA de 800 millions de dollars) pour les aider à transformer leur modèle économique. Il y a une quinzaine d’années, le business s’est focalisé sur le marché des entreprises, avec la livraison de fontaines à eau et de bonbonnes de 20 litres. Nous sommes actuellement leader sur ce marché. Mais c’est sur le marché résidentiel que nous avons le plus de potentiel de croissance. Porter des caisses d’eau depuis le supermarché est très pénible et les consommateurs s’intéressent donc de plus en plus à la livraison à domicile.

Mais passer de la livraison de bonbonnes de 20 litres à la livraison de tout un portefeuille de produits pour répondre aux besoins des consommateurs résidentiels requiert un changement complet des modèles opérationnels, logistiques, et des infrastructures – y compris technologiques. Nous transformons donc toute l’entreprise pour fournir la meilleure expérience client possible. Il nous faut être capables de livrer une caisse de San Pellegrino pour un dîner, une caisse de bouteilles avec des étiquettes de Halloween pour donner aux enfants, etc. Ces produits qui existaient en supermarché ont complété le portefeuille de produits chez ReadyRefresh. Il faut donc une organisation spécifique dans nos dépôts, changer nos camions qui n’étaient pas adaptés, revoir notre plateforme e-commerce qui était obsolète, et ouvrir des centres de livraison proches des consommateurs pour pouvoir livrer dans les temps…


Etes-vous en pointe pour développer ce business model « Direct to Consumer » chez Nestlé ?


L’autre marché intéressant de Direct to Consumer chez Nestlé est Nespresso. Nespresso et ReadyRefresh sont deux startups – d’une certaine taille - avec beaucoup de similitudes. Nous essayons de travailler sur des plateformes communes pour bénéficier du savoir faire mutuel. Mais on ne peut pas tout mutualiser. Par exemple, on ne peut pas envoyer des bonbonnes de 20 litres par la poste, contrairement aux capsules. Notre infrastructure logistique est un véritable avantage aux USA, et une barrière d’entrée pour de potentiels concurrents. Nous pouvons utiliser cette infrastructure pour nos produits, mais pourquoi pas aussi livrer pour d’autres plateformes eCommerce qui vendent notre eau et qui n’ont pas cette infrastructure.



Nestlé va-t-elle développer ce concept ailleurs dans le monde ?


Le CEO de Nestlé, Ulf Mark Schneider, a récemment présenté ReadyRefresh comme un modèle de succès du « direct to consumer » à l’avenir.
J’ai presque toujours travaillé dans ces problématiques. Il y a 15 ans, les médias et fournisseurs d’accès internet ont fait leur transformation digitale en France. Aujourd’hui, c’est l’industrie de la grande consommation, dont certains défis sont similaires aux défis d’Orange ou de M6 il y a 15 ans. Chaque industrie passe par cette transformation digitale. J’apporte là conseil et expérience.



La transformation digitale de l’économie est donc inéluctable ?


Elle va être systématique. Pourquoi perdre une heure en magasin à faire mes courses et porter des choses lourdes si je peux commander des produits de qualité avec mon téléphone depuis chez moi en moins de 5 minutes et passer le reste du temps avec mes enfants ? On doit pouvoir répondre à ce besoin là. Et répondre aux besoins consommateurs par le digital nécessite d’avoir une vision de ce qui se fait dans l’industrie, mais aussi de ce qui se fait dans les autres industries car les consommateurs comparent notre expérience à l’expérience Amazon, mais aussi à l’expérience qu’ils ont depuis leur application de banque en ligne ou de taxi à la demande. Avec la transformation digitale, il est donc très important d’avoir une vision cross-industrielle.

Apprenez à coder pour comprendre ce que feront vos équipes à l’avenir !

Ready Refresh

Comment captez-vous les consommateurs ?


Les gens choisissent avant tout nos marques. Personne ou presque ne connaît ReadyRefresh, mais nous sommes ceux qui peuvent livrer Perrier ou Poland Spring. Nous sommes un super relai de croissance pour les marques d’eau. Nous sommes le seul service multimarque de Nestlé Waters. Les anciens modèles CPG (Consumer Package Good, biens de consommation emballés ndlr) sont très centrés produit, nous, nous sommes absolument centrés sur le consommateur car nous avons une relation directe avec lui. Nous faisons 17 millions de livraisons par an. Ce qui nous donne accès à énormément de data. Où sont-ils, qui sont-ils ? On a des informations qui nous permettent de comprendre ce que nous pourrions leur suggérer, d’anticiper leurs besoins. On utilise aussi la donnée pour optimiser les routes de nos camions de livraison, pour éviter des accidents de la route...
La transformation de la gestion de la donnée est un point clé pour la croissance profitable de notre modèle. J’ai la responsabilité d’une équipe de « data scientists » qui nous permettent de développer des moteurs de prix, de promotions, de prévisions financières et de maintenance prédictive. Nous voulons utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer nos opérations et l’expérience client. C’est un sujet passionnant.

L’analyse des données est donc la clé du succès ?


La compréhension de la donnée est essentielle. Les analyses prédictives permettront de construire l’entreprise de demain. Une grande partie de nos jobs va changer à l’avenir, il faut savoir s’adapter, nous réinventer. Je suis des formations, des séminaires, je lis beaucoup pour me maintenir à niveau coté technologie et techniques pour continuer à guider nos équipes.

A l’avenir, il faut que les élèves d’école de commerce soient capables d’être des ingénieurs et pas seulement des managers. Mon conseil aux étudiants ? Passionnez-vous pour tout ce qui est Machine learning, intelligence artificielle, analyses avancées, parce que cela va transformer votre manière de travailler. Et surtout, apprenez à coder pour comprendre ce que feront vos équipes à l’avenir !

 


Propos recueillis par Marie-Pierre Parlange