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PAROLES D’EXPAT – Kevin Bosc : « L’entreprenariat ? La meilleure expérience que j’ai eue dans la vie ! » (1/2)

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 3 avril 2016, mis à jour le 2 mai 2016

 

Tout jeune trentenaire, Kevin Bosc est arrivé dans la capitale irlandaise depuis trois ans maintenant. D'abord employé chez Google il a créé depuis avril 2015 sa propre startup dénommée Refer Me Please. Découverte d'un jeune expatrié français entreprenant et plein de ressources.  

Originaire de Valence dans la Drôme, Kevin a fait une licence de droit privé à Lyon avant d'intégrer la SKEMA Business School, l'école de commerce basée sur le campus de Sophia Antipolis. Grâce à cela il a pu multiplier des stages dans les services commerciaux de grosses entreprises en France (Dassault, Philips?) mais aussi à l'étranger puisqu'il a passé six mois à Londres dans le service de distribution de la chaîne CNBC. Par la suite il a passé sa dernière année d'école dans l'antenne de la Skema aux Etats-Unis à Raleigh en Caroline du Nord. Diplôme en poche et après plusieurs entretiens, ne trouvant pas de travail chez l'Oncle Sam il est rentré à en France et a été embauché dans le groupe Canal pour organiser des évènements promotionnels autour des chaînes de Canalsat. Avec qu'on ne lui propose en octobre 2012 de rejoindre à Dublin : « Au bout de trois mois chez Canal, j'ai eu un contact avec quelqu'un de chez Google qui m'a « referé », dans le sens de parrainé ou coopté. C'est principalement par cette voie que l'on entre chez Google. Je suis donc arrivé à Dublin en octobre 2012 afin d'être chargé de compte pour les publicités Adwords pour le marché français. J'y suis resté deux ans et demi. Au début, je recevais des demandes techniques des clients (optimisation ou défauts) et je devais leur proposer une solution. Au bout d'un an, j'ai changé je suis devenu chargé de comptes. J'avais un portefeuille de clients que je devais optimiser donc vendre des nouvelles solutions à mes clients. Après un an et demi, j'ai commencé à réfléchir pour changer de travail, parce que je sentais que c'était un peu bloqué pour moi dans l'équipe de ventes. J'ai donc commencé à passer des entretiens chez d'autres firmes technologiques implantées sur Dublin (Dropbox, Facebook?). Mais finalement j'ai une idée pour créer ma propre entreprise. »

Refer Me Please

Comment as-tu trouvé le concept de ta startup ?

Je dois préciser que j'avais depuis longtemps dans un coin de la tête l'envie de monter ma propre boîte sans avoir réellement d'idées. Un jour, je parlais avec une amie, qui était dans la même situation que moi, et je lui ai dit : « Tu sais, cela peut être n'importe quoi, un site internet qui mettrait en relation des gens en recherche d'emplois, avec des salariés dans les boîtes tech, pour qu'ils se fassent coopter. » Et j'ai pris conscience que je l'avais mon concept. Le soir-même j'ai créé un site internet très simple avec juste une page avec présentation du projet et un formulaire de contact pour que les gens s'inscrivent et puissent utiliser le site quand il sera opérationnel. Afin de voir si les gens allaient s'inscrire. Cela a super bien marché et au bout de deux jours, je me suis dit qu'il fallait que je me lance j'ai donc donné ma démission chez Google et deux semaines après c'était le départ. J'ai donc lancé la startup Refer Me Please en avril 2015. C'était ma première expérience dans l'entreprenariat. Je ne savais pas du tout par où et par quoi commencer.

A l'époque je n'avais pas de développeur dans mon équipe, j'étais quasiment tout seul. Je suis passé par une agence basée à Paris, qui m'a créé mon premier site. Il n'était absolument pas optimal, mais au moins il pouvait être utilisé, j'avais des utilisateurs, j'avais une croissance des connexions. Ce qui m'a permis ensuite de trouver mon développeur et d'attirer de nouvelles forces vives. Et d'être mis sur des sites comme Product Hunt mais aussi dans la presse sur le site de l'Independent.ie, mais aussi Rue 89/L'Obs en France. Maintenant avec l'aide de mon nouveau développeur, nous avons créé un site bien plus performant. On est quatre dans l'équipe, le développeur et le directeur financier sont à Paris, et moi je suis à Dublin avec aussi celui qui est chargé du business développement qui travaille en parallèle chez Oracle à Dublin. Le site fonctionne plutôt bien puisque l'on vient de dépasser les 5000 utilisateurs. On connaît une croissance d'environ 11% par semaine sans publicité donc c'est vraiment pas mal. Le site est déjà accessible partout dans le monde, nous avons l'objectif d'une couverture mondiale mais pour l'instant on recense des visites dans soixante-huit pays différents et les plus gros nombres d'utilisateurs sont aux Etats-Unis, en France, et au Royaume-Uni/Irlande.

En ce qui te concerne, en quoi consiste ton travail ?

Je m'occupe de tout sauf du côté technique du site. J'ai essayé d'apprendre mais je n'y arrive pas. Donc je me charge de trouver des nouveaux utilisateurs et de travailler avec mon directeur financier principalement. Mais aussi de faire la promotion du site bien évidemment. Je n'ai pas envie de dépenser d'argent pour de la publicité, donc je fais ce qu'on appelle du « growth hacking » : cela consiste à notamment trouver des plateformes qui parlent de startup, à favoriser le bouche à oreille en allant à la rencontre avec des utilisateurs potentiels qui ont un réseau ensuite susceptible d'être intéressé par le site. Je me rends aussi à des meet-up d'entrepreneurs. J'avais par exemple donné une conférence de 10-15 minutes sur : « Trouver son concept et se faire connaître pour ça ». Ça m'a permis de rencontrer des gens, de faire ma publicité et puis c'est toujours bien de développer son réseau. Donc je suis touche à tout. La première phase consiste à rechercher des utilisateurs des deux côtés, c'est-à-dire des candidats et des employés susceptibles de les parrainer. L'avantage d'être à Dublin c'est que toutes les grosses boîtes tech s'y trouvent aussi. Par ailleurs, ayant été chez Google j'ai encore des connexions dans l'entreprise mais aussi dans les autres entreprises. C'est donc plus facile d'attirer ces personnes-là. La deuxième sera d'aller voir les services de ressources humaines des entreprises, pour qu'ils postent directement des offres d'emploi sur le site.

Le site va-t-il évoluer ?

Absolument, nous allons sortir une nouvelle version du site dans les prochains jours. Cette nouvelle version va vraiment aider à augmenter le nombre d'utilisateurs et la récurrence de leurs visites. Qu'il y ait plus de trafic en même temps sur le site. Il y a quelques semaines mon site a planté quatre fois en 24h à cause d'une trop forte affluence. Ça a été nuit blanche pour répondre personnellement aux gens. Donc là le nouveau site permettra de mieux gérer les pics de connexion. Les candidats vont pouvoir contacter directement des employés dans l'entreprise qui les intéresse. Les employés pourront eux rechercher des candidats à parrainer en appliquant des filtres (expérience, langue?). Dans le futur, l'entreprise publiera des offres d'emploi, et quand un candidat publiera sa candidature, le site le mettra relation avec un employé de cette entreprise qui semble être assez proche du candidat pour qu'il puisse se faire coopter. Par exemple : quelqu'un cherche un travail dans les ventes chez Google, et il est fan de rugby. Un employé de Google cherche un candidat pour les ventes et est fan de rugby aussi. Le site va les « matcher », et le candidat aura à priori plus de chance d'être coopté par cet employé-là. Au lieu de ne poster que leur CV, avec la nouvelle version du site les candidats pourront apporter plus de précisions (centre d'intérêt?) Donc c'est un genre de match.com pour les jobs. Je pense réellement que cela permettra aux candidats de trouver un job plus rapidement, aux employés d'être plus impliqués dans la boîte et d'avoir des récompenses et enfin aux services Ressources Humaines de diminuer le coût de recherche et le temps de travail en évitant le sourcing (ndlr : sous-traitement).

 

Où as-tu trouvé les fonds pour financer ton projet ?

La prochaine grosse étape est justement la levée de fond. On espère faire la levée d'ici fin juin/juillet. Et cela nous permettrait de tenir dix-huit mois ensuite. J'avais pensé recourir au crowdfunding mais cela prend trop de temps et c'est fastidieux sur le plan administratif. Quand on monte sa boîte elle n'a pas de valeur au début. On ne sait pas comment le marché, les gens vont réagir. Au tout début, on va donner aux investisseurs des notes convertibles, cela signifie qu'ils vont me dire qu'ils pensent que ma boîte vaut par exemple un million de dollars, et qu'ils en veulent par exemple  vingt pour cent mais en fait on ne va pas directement leur donner des actions. On leur donnera des actions plus tard, et à un prix préférentiel en fonction du risque qu'ils ont pris auparavant. Donc pour la levée on doit trouver des investisseurs en Irlande et en France ou aux Etats-Unis. Ou peut également intégrer un incubateur aux Etats-Unis. En quoi cela consiste ? Pendant trois mois environ, l'incubateur te forme, te met à disposition des mentors, des bureaux et te finance aussi. Et souvent à la fin de ces trois mois, il y a une journée dédiée ou tu vas te présenter devant un panel d'investisseurs (200 ou 300 investisseurs) et tu espères les convaincre pour faire de la levée de fonds à ce moment-là.

Je ne fais que ça actuellement. Cela commence donc à être difficile financièrement (location bureaux, appart, et frais courants). D'autant que Dublin devient vraiment de plus en plus cher. En 2012, quand je suis arrivé c'était abordable. En trois ans, je crois qu'on a vraiment pu voir le boom du fait de l'implantation des nouvelles entreprises. Je ne me verse aucun salaire. Je suis parti fin mars 2015 de chez Google. Fin mars chez Google, chaque salarié obtient un bonus. J'ai donc eu mon bonus et j'ai revendu toutes mes actions Google qui m'avait été données quand j'ai intégré l'entreprise. Et j'avais fait des économies avant. Donc c'est un peu la débrouille. Les trois personnes qui travaillent avec moi n'ont pas de salaires non plus, ce sont des partenaires. Je leur ai donné des parts dans la boîte. On se divise les parts en quatre, en gardant de la marge avec ce que l'on appelle les option-pool pour les premiers salariés qu'on espère avoir. Ils auront sûrement un salaire inférieur au marché pour l'instant, mais ils auront des parts dans l'entreprise. Ils sont donc impliqués, motivés pour que la boîte réussisse. On garde enfin des parts pour les investisseurs. 

Il est donc vraiment temps que j'arrive à lever des fonds. Car je ne vais pas pouvoir continuer ainsi. Si la levée de fonds s'avère infructueuse, à ce moment-là j'arrêterai ou je laisserai la boîte courir toute seule et je trouverai un boulot en attendant.

« Le plus dur dans l'entreprenariat c'est la solitude »

Cela a-t-il été difficile de créer ta startup, sur le plan administratif notamment ?

Je n'ai pas eu d'expérience de création d'entreprise en France, mais j'ai trouvé cela simple ici sur le plan administratif. Je ne voulais pas le faire moi-même, voulant que ce soit quand même bien fait, donc je suis passé par un expert-comptable. Il a créé la boîte pour moi. Il m'a juste demandé mon nom, mon prénom, mon adresse, mon PPS number et c'est tout. En un jour c'était fait ! Je crois que c'est vraiment plus facile qu'en France sur le plan administratif et je ne vais pas non plus cacher qu'au niveau des taxes, ici c'est bien plus avantageux qu'en France donc c'est pour cela que j'ai décidé de rester à Dublin.

Tu nous as expliqué que tu étais un béotien il y a un an, comment t'informes-tu, t'instruis-tu sur le domaine de l'entreprenariat ?

Je regarde diverses choses pour m'instruire en termes d'entreprenariat comme par exemple la série Silicon Valley. C'est une très bonne série, assez intéressante sur tout le domaine des startups et des investisseurs. C'est un peu le The Big Bang Theory mais version startup (rires). Je regarde aussi les vidéos de Guy Kawasaki, il travaillait chez Apple. C'est une pointure ! Je suis aussi le bloggeur new-yorkais Casey Neistat. Il a notamment une chaîne Youtube et il a créé l'application smartphone Beme. Je conseille tout ça pour celles et ceux qui veulent se lancer dans l'aventure, il y a des bons conseils. J'écoute plein d'entrepreneurs comme ça. Cela me donne la pêche, l'envie d'avancer et j'apprends beaucoup aussi. Tous les matins, j'ai un rituel, avec le café je regarde la vidéo quotidienne de Casey Neistat et je me mets la musique de House of Cards, même si je n'ai jamais regardé j'adore la bande originale, tout ça me motive du tonnerre.  

Et émotionnellement cela n'est-il pas trop compliqué ?

Tu peux monter très haut comme descendre très bas juste après. Et le plus dire dans l'entreprenariat c'est la solitude et quand je travaillais chez moi c'était encore pire. Cependant je parle surtout de solitude dans le fait que même si tu as une petite équipe avec toi, tu es le dernier à qui revient la décision. Celle-ci peut être bonne ou mauvaise. Tu vas peut-être devoir virer des gens. Ça m'est arrivé une fois, de devoir le faire, c'était la première fois, ce n'était vraiment pas facile? Il y a des choix difficiles à faire mais il faut les faire et j'apprends beaucoup. Je crois que je peux dire que c'est la meilleure expérience que j'ai eue dans la vie.

Suite et fin de l'entretien avec Kevin demain.

Si vous voulez poser des questions à Kevin, à propos de Refer Me Please, ou si avez besoin de conseils en termes d'entreprenariat, il vous répondra avec plaisir vous pouvez le contacter sur : Kevin@refer-me-please.com

Mathias Lenzi (www.lepetitjournal.com/dublin) Lundi 4 avril 2016.

Crédit photo : Kevin Bosc.

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Publié le 3 avril 2016, mis à jour le 2 mai 2016

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