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LITTERATURE – Lancement du festival ‘’franco irish’’ à l’Alliance Française avec Tromper la mort de Maryse Rivière

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 30 mars 2015, mis à jour le 31 mars 2015

Jeudi dernier s'ouvrait la 16ème édition du festival de littérature franco-irlandaise, sur le thème ?'Crime fiction, le polar'', organisé conjointement par l'Alliance Française du Dublin et l'Ambassade de France.

Tromper la mort

Et pour la première soirée de ce festival, l'Alliance Française accueillait Maryse Rivière, romancière française, venue nous présenter son nouveau roman policier, Tromper la mort, qui se déroule en Irlande. La vingtaine de personnes présentes, principalement des Irlandais francophiles, semblait conquise par cette femme douce mais passionnée, venue en famille : en effet, son mari l'accompagnait, tandis que son fils, qui habite en Irlande, était à ses côtés

pour l'interview. C'est justement son fils, expatrié en Irlande depuis 10ans, qui a permis à Maryse de découvrir l'Irlande et d'en tomber amoureuse, au point de vouloir écrire sur ce pays. ?'Cela a été un long parcours pour moi, le temps de trouver des informations, de comprendre? Essayer de comprendre l'esprit d'un peuple, qui n'est pas si éloigné du c?ur français, que ce soit dans l'histoire, la littérature?''. Mais aussi de comprendre la logique des serials killer, jusqu'à se rendre à la morgue, ?'rencontrer la mort''. ?'Je voulais entrer dans sa peau, et c'était assez effrayant''.

Tromper la mort est la suite de Sous le signe de la Souris, un roman sorti en 2008, à la fin duquel l'assassin s'en sort. ?'J'ai appris par la suite que les lecteurs de romans policiers n'aiment pas que les assassins ne soient pas punis !''. Après plusieurs demandes, Maryse décide donc d'écrire une suite à son histoire, et cette fois ci, ce sera en Irlande. Fascinée par l'histoire irlandaise, elle dispose surtout d'un appui crucial : son fils, qui travaille dans l'hôtellerie, et qui se débrouillera toujours pour lui trouver des contacts, que ce soit dans le milieu de la police, du banditisme ou de l'IRA, pour approcher le plus possible de la réalité.

M. Milloux, directeur de l'Alliance, rappelle d'ailleurs avec fierté que deux des principaux protagonistes du roman sont employées à l'Alliance Française de Dublin. ?'L'Alliance Française était intéressante sur la plan culturel, cela me permettait de faire pénétrer mon personnage dans la petite société française de Dublin. Pendant l'écriture de mon livre, je suis venue en espionne, je suis montée dans les étages et j'ai observé.''

 

L'écriture

En réponse à certaines questions, Maryse Rivière nous parle avec passion de son métier, fait d'observation et de collecte d'information, mais aussi ?'de ce moment de grâce, lorsqu'on ne connaît pas tous les détails à propos d'une situation ou d'une personne qu'on a observé, et qu'on doit alors inventer, essayer de deviner. On tente de capter quelque chose, des ondes. C'est
presque magique, lorsque ça marche et qu'on a deviné juste.
'' (Paroles confirmées par les employées de l'Alliance Française, qui se sont reconnus personnellement dans les personnages).

Et comme pour confirmer la magie de l'écriture, un Irlandais prend la parole dans le public pour expliquer qu'il habite à Belfast, et que Tromper la mort est le premier livre qu'il ait lu en français. Il y a ainsi découvert l'existence de l'Alliance Française, et s'est déplacé à Dublin pour aller voir ce qu'il en était. Resté en contact avec l'Alliance, il a ainsi été mis au courant de la venue de Maryse Rivière, et n'a pas hésité à venir de Belfast pour la rencontrer. Terriblement émue, Maryse explique que c'est ?'une situation extraordinaire pour un auteur ! Ecrire, c'est s'adresser à des personnes dans le noir. C'est un pari, et quand cela fonctionne, c'est merveilleux !''. Elle conclue finalement la présentation de son livre par : ?'J'espère avoir donné envie aux gens de venir en Irlande !''

 

Rencontre avec l'écrivain

Lepetitjournal.com : D'où vient votre rapport avec l'Irlande, qui vous permet d'en parler si bien dans votre livre ?

Maryse Rivière : Nous venons en Irlande depuis 10 ans, parce que notre fils habite à Dublin tout simplement, on a pris l'habitude de venir une ou deux fois par ans, et au fur et à mesure qu'on venait, ça s'est imposé à moi de créer une histoire en Irlande. J'avais écrit un roman il y a quelques années, et le meurtrier ne disparaissait pas à la fin, il resurgissait des carrières de Montmartre. Et puis pendant deux trois ans je l'ai oublié, j'ai écrit autre chose, un roman historique qui se passe pendant la guerre de 14-18 entre autres, mais mes amis m'en parlaient souvent, en réclamant une suite ! Et à force de venir ici, je me suis dit qu'ils avaient raison, que j'allais continuer, et l'Irlande s'est imposée, je me suis dit, ?'il faut que ça se passe ici''. Parce que j'avais très envie de parler de l'Irlande, parce que c'est fascinant. Il y a une relation amoureuse entre la France et l'Irlande depuis des siècles, et j'ai été aussi victime de ce sentiment, je suis tombée amoureuse de ce pays, des Irlandais, de l'état d'esprit? Et j'avais envie d'en parler, mais pas de manière historique et sérieuse, cela avait déjà été fait, mais j'avais envie de planter une histoire imaginaire, qui permettrait aux gens en la lisant de découvrir ce pays que j'aime tant.

Pourquoi avoir choisi une enquête binationale, c'était un sujet qui vous attirait particulièrement ?

Alors ça a été très difficile, mais comme mon meurtrier était français, et j'avais l'idée qu'il viendrait se cacher en Irlande, ce qui me permettait de parler de l'histoire, de la mythologie, de la littérature irlandaise ? et j'y tenais vraiment beaucoup ? automatiquement, je me suis retrouvée sur une enquête binationale. Ce n'était pas un choix, l'histoire elle-même s'est imposée à moi. Et là il a fallu que j'enquête et que je demande aux policiers français comment ils procédaient? Et ça a été une véritable enquête au c?ur de l'enquête !

Vous avez reçu le Prix du Quai des Orfèvres justement pour les connaissances impressionnantes à propos du système policier dans ce livre. En le lisant, on a l'impression que ce livre a été écrit par un policier ou du moins quelqu'un du milieu? Ce n'est pas du tout le cas ?

Non pas du tout, c'est un travail de documentation, avec beaucoup de policiers différents. J'ai rencontré une quinzaine de policiers qui avaient des fonctions différentes, et chacun m'apportait un nouvel élément. Et je me suis rendue compte qu'ils sont tellement spécialisés dans leurs thèmes d'enquête ou de travail qu'il est très difficile d'avoir une vision très large d'une enquête en coopération internationale. J'ai aussi enquêté en Irlande, mon fils m'a mis en relation aussi bien avec les milieux mafieux qu'avec des policiers irlandais. Ma question, c'était tout le temps : ?'si un enquêteur français vient sur le terrain, comment vous allez prendre les choses, comment ça va se passer, etc?''. Et les Irlandais parlaient vraiment très ouvertement, et ils m'avaient avoué carrément que ça ne leur plairaient pas du tout, mais la coopération c'est la coopération !

Il vous a fallu combien de temps pour écrire ce livre ?

3 ans. Normalement en un an et demi on doit pouvoir écrire un livre comme ça, pas si gros, mais je ne venais pas tous les mois, plutôt deux, trois fois par ans. Mais je venais spécialement pour enquêter, à chaque fois je demandais à mon fils de me mettre en relation avec des gens, ça se prépare tout ça, donc il fallait beaucoup de temps. Une année je suis venue à la St Patrick ? puisqu'il y a un chapitre qui se passe à la St Patrick - pour prendre des impressions sur l'événement : j'ai passé la journée dans le cortège, le soir j'allais dans les boites, des endroits un peu louche, où je rencontrais un type qui avait vendu de la drogue et qui sortait de prison, qui m'expliquait comment ça se passait en prison, s'il y avait encore des membres de l'IRA, la reconversion des membres de l'IRA en mafieux, etc? A chaque fois j'apprenais beaucoup de choses, mais il fallait une maturation, ça ne pouvait pas rejaillir comme ça. Il fallait que je dorme dessus, que je repense toutes mes notes, et au fur et à mesure les chapitres s'écrivaient.

Poser des questions à propos de l'IRA, vous expliquez vous-même dans votre livre que c'est encore assez mal vu, voire tabou en Irlande. Cela ne vous a pas attiré des ennuis ?

En fait les gens qui sont encore actifs au sein de l'IRA et potentiellement dangereux refusent complètement de parler. Ceux qui parlent sont ceux qui en ont fait partie ou qui ont côtoyés des membres.

Est-ce que vous vous êtes inspirés de faits réels ?

Evidemment l'affaire Toscan du Plantier m'a inspiré, c'est une trame intéressante. Mais très vite je me suis rendue compte que c'était l'antithèse de mon histoire, puisque c'est une Française qui est tuée en Irlande, potentiellement par un Irlandais. En revanche ce qui était intéressant c'était d'interroger les policiers français pour leur demander comment ils avaient vécu cette enquête. Et en fait ils l'ont très mal vécue, ça a été très difficile, puisque justement il y avait une coopération pas toujours évidente. Mais je n'ai pas voulu appuyer là-dessus dans mon roman, par respect.

Le personnage principal, Damien Escoffier, tombe amoureux de l'Irlande en partant y enquêter. C'est un peu votre regard à travers le sien?

Un petit peu puisque quand je suis venue les premières fois j'ai trouvé que Dublin était triste, gris, que cela manquait de panache. Et puis au fur et à mesure j'ai réalisé qu'il y a une authenticité, que ces couleurs grises justement c'est très beau, et j'ai changé complétement d'avis, tout comme Damien !

Vous pensez à une suite en Irlande, écrire de nouveau à propos de ce pays ou c'est fini ?

Alors non, Damien Escoffier va rentrer en France, et puis je pense qu'il partira pour d'autres aventures, pas tout de suite puisque je suis sure d'autres choses, mais je le ferais revivre c'est certain ! Je ne pense pas réécrire sur l'Irlande, parce que je pense que je me répéterais, j'ai déjà dit pas mal de choses.

Et pour vous, quelle est la suite ?

Je retape une série de nouvelles que j'avais écrite il y a quelques années, que j'ai envie de faire éditer maintenant car j'ai trouvé le fil conducteur entre elles. Et puis je commence un autre travail sur un peintre français !

Audrey Lalli (www.lepetitjournal.com/dublin), mardi 31 mars

Crédit photo: Alice Hubert

 

 

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Publié le 30 mars 2015, mis à jour le 31 mars 2015

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