Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

INTERVIEW – Attentat à Nice, deux expatriés niçois nous livrent leurs émotions

Écrit par Lepetitjournal Dublin
Publié le 28 juillet 2016, mis à jour le 28 juillet 2016

 

Grégory a 27 ans. Jean-Charles en a 25. Tous deux sont Niçois et meilleurs amis. Ils se sont connus sur les bancs de la fac à Nice. Depuis, ils sont devenus inséparables au point de venir s'installer ensemble à Dublin et de travailler dans la même boîte. Ils sont comptables client chez Accenture, la plus grande entreprise mondiale de conseil. Voilà maintenant près d'un an et demi qu'ils ont posé leurs valises dans la capitale irlandaise et ils ne sont pas prêts d'en partir?

Racontez-nous un peu votre parcours, pourquoi vous êtes venus vous installer en Irlande ?

Grégory : Après avoir décroché notre diplôme, malheureusement, on s'est vite rendu compte qu'il n'y avait aucun débouché en France pour trouver un travail. Personnellement, j'étais au chômage.

Jean-Charles : De mon côté, pendant un an, j'ai enchaîné les petits boulots pour pouvoir vivre. Mais au bout d'un moment ça ne pouvait plus durer, j'aspirais à autre chose. Du coup on s'est tourné vers l'étranger. On avait des amis qui vivaient à Dublin et qui nous ont conseillé de tenter l'expérience là-bas. J'ai trouvé un travail en trois semaines, Grégory en même pas deux mois, car il devait se remettre à l'anglais avant.

Comment décririez-vous votre vie d'expatriés français à Dublin ?

G. : Je dirais relativement simple. En général, les Irlandais adorent les Français, donc on s'intègre très rapidement et on se fond facilement dans le décor. Ici, j'ai l'impression d'être moi-même. Les gens ne se prennent pas du tout la tête, c'est une toute autre mentalité, comparée à celle des Français. Les Irlandais sont très ouverts, souriants et ils te viennent en aide naturellement.

J.-C. : La vie en Irlande, que tu travailles ou pas, c'est comme une vie d'étudiants. Ici, quand tu sors du boulot, tu rentres très rarement chez toi. Les Irlandais se retrouvent souvent dans un pub autour d'une pinte de bière. C'est très convivial et surtout culturel. Dublin est une ville très vivante, elle a beaucoup à offrir tant du point de vue du divertissement que de la culture.

Parlons maintenant d'un sujet plus sensible, l'attentat à Nice, quelle a été votre réaction en apprenant la nouvelle ?

J.-C. : De nous deux, j'ai été le premier à apprendre la nouvelle. C'est mon père qui m'a envoyé un message, même pas 10 minutes après l'attaque. J'ai vraiment paniqué. Du coup, mon premier réflexe a été d'aller sur Facebook pour m'assurer que tous mes proches et ami(e)s étaient en vie. Je crois que je suis resté connecté jusqu'à 1h du matin pour être sûr que tout le monde allait bien.

G. : Sur le moment je n'avais pas trop compris ce qui était en train de se passer à Nice. J'étais crevé, j'ai quand même envoyé quelques messages à mes proches et je me suis endormi. C'est uniquement le lendemain matin au réveil en appelant ma mère, pour avoir plus de détails, que j'ai réalisé l'ampleur des dégâts? Je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer. Me dire que ma ville a été touchée, ça m'a complètement chamboulé? Et connaître les lieux ça choque encore plus ! La Promenade des Anglais est un endroit tellement paisible et touristique habituellement? C'est comme si il y avait eu un attentat ici dans le quartier de Temple Bar?

Est-ce que vous avez ressenti de la frustration en étant aussi loin de Nice à ce moment-là ?

J.-C. : On a surtout été choqués en tant que Niçois pour notre ville. Je ne me suis pas senti frustré. Au contraire, j'étais plutôt rassuré d'être à Dublin. Car, qui sait, si on avait été à Nice à ce moment-là, on serait peut-être déjà morts?

G. : C'est vrai qu'on avait l'habitude de côtoyer ce secteur pour sortir, du coup on y serait sûrement allé avec des amis? Mais, personnellement, j'aurais aimé être à Nice pour apporter tout mon soutien sur place.

Est-ce que vous pensiez vraiment qu'un jour Nice allait être frappée par un attentat ?

J.-C. : Oui, honnêtement on y a pensé. Il ne faut pas se leurrer. Nice est une ville qui brasse de nombreux jeunes qui veulent se radicaliser et partir faire le djihad. Dans la boîte où je bossais à Nice, un des gars a été interpellé, soit disant c'était un recruteur de djihadistes.

Quand vous allez retourner à Nice, est-ce que vous allez changer vos habitudes?  

G. : C'est clair que ça va changer mes habitudes. Du moins, si je peux je vais éviter tous les rassemblements ou les mouvements de foule.

J.-C. : Je suis du même avis, si on peut éviter le pire? J'ai du mal à me dire que mourir dans un attentat est une question de destin.

Envisagez-vous de revenir vivre en France ?

G. : J'aimerais rentrer en France. Mais, ce genre d'événements ça rebute... Tu te poses toutes sortes de questions : est-ce que ça vaut vraiment la peine de construire une famille, un avenir en France ? J'en arrive à un stade où je veux éviter mon propre pays? Déjà avant tous ces attentats, j'en suis parti à cause du boulot, alors maintenant si le terrorisme devient omniprésent, je ne suis pas sûr de vouloir rentrer, surtout quand un pays comme l'Irlande t'accueille à bras ouverts.

J.-C. : Je ne veux pas renier tout ce que m'a apporté la France. Mais j'ai passé des dizaines d'entretiens et la plupart ont refusé ma candidature car j'étais « trop jeune ». Je n'ai pas abandonné mon pays. Pour moi, on nous a juste poussés à quitter le navire? Et le mieux, c'était de changer d'équipage.

François Hollande était en visite jeudi à Dublin. Si vous l'aviez rencontré, qu'est-ce que vous auriez aimé lui dire?

J.-C. : Les Français ont l'image d'un gouvernement qui est aussi démuni que nous. On a l'impression qu'il est dépassé par les événements et qu'il ne sait plus comment réagir. Il a beau prolonger l'état d'urgence, mais la preuve en est, ça ne change strictement rien. J'aimerais que le gouvernement tente de nous rassurer correctement en nous prouvant qu'il existe bien des mesures efficaces pour protéger notre pays et lutter contre le terrorisme, qui parvient à détruire petit à petit notre nation.

Pouvez-vous adresser quelques mots et pensées aux Niçois en cette période de deuil ?

Peu importe où on se trouve, même si on vit à l'étranger, on est avant tout Niçois et on reste soudé avec tous les Niçois du pays. Sieu Nissart !

 

Eloïse Robert (lepetitjournal.com/dublin) Jeudi 28 juillet 2016

Crédit photo: Eloïse Robert

logofbdublin
Publié le 28 juillet 2016, mis à jour le 28 juillet 2016

Flash infos