Les successions internationales représentent aujourd’hui 10% des successions européennes.Un règlement européen à portée universelle a été adopté le 4 juillet 2012 et est entré en application le 17 août 2015.
Nous avons rencontré Maitre Pierre-Alain GUILBERT, Notaire et Cedric Marc, gestionnaire de patrimoine à Paris et à Dubaï, afin de faire le point sur ce sujet complexe qui concerne tous les expatriés .
lepetitjournal.com/dubai : Que doit on retenir de ce règlement européen ?
Maitre GUILBERT : Ce texte instaure principalement deux règles :
- le rattachement de la succession à la loi de la dernière résidence du défunt pour la dévolution de l’ensemble des biens du défunt (mobiliers et immobiliers),
- la possibilité de choisir soi-même, par testament, la loi dont on possède la nationalité comme loi applicable à sa succession.
lepetitjournal.com/dubai: Pouvez vous nous donner un exemple ?
Cédric Marc : Vous êtes de nationalité française, après avoir passé de longues années aux Emirats, vous décidez pour votre retraite de vous installer au Portugal, lieu de votre décès.
Selon le règlement européen, et dans les pays où il est applicable, la loi applicable à votre succession sera la loi portugaise.
Le Portugal étant un Etat membre de l’Union européenne, il appliquera le règlement européen quelque soit l’endroit où se trouve votre patrimoine mobilier et immobilier.
Pierre Alain Guilbert :Si vous décédez dans un pays tiers à l’Union Européenne le règlement doit en principe s’appliquer mais dans le respect des règles de Droit International Privé (DIP) du pays tiers.
En clair, il est possible que la désignation de la loi applicable soit inefficace si elle ne respecte pas les règles et usages locaux.
Ex : vous décédez au Royaume Uni (RU) en laissant un patrimoine en France et au RU. Le règlement européen instaure la loi de la dernière résidence habituelle, soit le RU, qui est un pays tiers au règlement européen.
De ce fait, le droit international privé anglais est interrogé pour vérifier s’il accepte sa compétence.
La loi britannique s’appliquera aux biens meubles en quelque lieu qu’ils se trouvent, ainsi qu’aux immeubles situés en Grande-Bretagne.
La loi française s’appliquera pour les biens immobiliers situés en France car le RU a instauré un système de renvoi vers la loi du pays de situation des immeubles.
Toutefois, un autre Etat non partie au règlement aurait pu conserver sa compétence sur tous les immeubles, même situés en dehors de son territoire.
lepetitjournal.com/dubai : Est ce que c'est le cas pour les Emirats ? Prenons un exemple, Monsieur et Madame DUPONT sont français, expatries aux Emirats, propriétaires d'un bien immobilier, d’un compte titres en France, d’un appartement et d’un compte bancaire aux Emirats.
Monsieur décède. Que se passe t il ? Est ce que les biens situés en France peuvent être soumis au droit local ?
Cédric Marc :Il va y avoir un conflit de loi probable entre les deux pays...
Le lieu de dernière résidence étant les Emirats, pour le juge local, l’application de la Charia sera évidente pour lui sur le compte bancaire et l’appartement aux Emirats et il pourrait légitimement le penser pour le compte titres situé en France.
Cependant, le droit international Privé français, considérera les règles de la Charia contraires à l ‘ordre public français.
Pour le compte titres et le bien immobilier en France, le notaire appliquera les règles de droit interne privé français pour répartir la masse successorale entre les héritiers.
lepetitjournal.com/dubai : pouvez vous nous donner un exemple ou il est impératif d'effectuer une professio juris ?
Maitre GUILBERT :Si un testament a été rédigé et déposé auprès d’un notaire français, en désignant la loi française applicable à la succession ce que l ‘on appelle une professio juris, une seule loi sera applicable à l’ensemble de succession en tout cas du point de vue du notaire français.
En revanche, le règlement européen n’étant pas opposable aux pays tiers, il est possible, à défaut de renvoi vers la loi française, que les notaires émiratis appliquent la Charia aux biens situés dans leur pays.
Cédric Marc : Vous le voyez la situation est compliquée, la solution est de prendre le temps de réfléchir à la problématique du client.
Envisager la rédaction d’une professio juris pour les biens situés en France voire un WILL DIFC pour les biens situés aux Emirats est sans doute une bonne solution.
CONTATC : Cédric MARC / 3AO PATRIMOINE/ cedric.marc@3aopatrimoine.com
Nous informons nos lecteurs que cette interview n'est en aucun cas un résume dudit règlement européen, il convient pour chaque lecteur souhaitant avoir des renseignements plus précis de consulter un professionnel du droit afin que ce dernier puisse lui apporter une solution sur mesure tant au regard de sa situation familiale que patrimoniale
www.lepetitjournal.com/dubai le 24 Novembre 2015