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LEYLA BOUZID - "C'est un film qui résulte de la révolution"

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Écrit par Lepetitjournal Cologne
Publié le 19 septembre 2016, mis à jour le 4 avril 2018

 

La cinéaste tunisienne Leyla Bouzid est venue présenter son premier long-métrage "À peine j'ouvre les yeux" jeudi dernier au public du festival de films africains. Rencontre avec une réalisatrice qui parle avec chaleur et enthousiasme de sa passion pour le cinéma


Leyla Bouzid au Filmforum du musée Ludwig (Photo : Magali Hamon)

Lepetitjournal.com/cologne : Si vous étiez chargée de la promotion de votre film, comment le décririez-vous en quelques mots pour accroitre l'envie du public de le voir ? (* le film sort le 6 octobre en Allemagne)
Leyla Bouzid : Je dirais que c'est un film rock, énergique, qui a une super musique et aussi une histoire forte. Quand vous sortirez du film, vous aurez appris des choses que vous ne saviez pas et ressenti plein d'émotions.

Vous avez intitulé votre film "A peine j’ouvre les yeux". Pourquoi ce titre ?
Le film est passé par plusieurs titres et a beaucoup évolué au scénario. Au départ, c'était davantage autour de la relation mère /fille et au fur et à mesure, l'énergie et les jeunes ont pris plus de place. A peine j’ouvre les yeux, c'est le titre d'une chanson qui revient à quatre reprises. C'était le titre le plus juste pour le film : il parle du personnage principal, Farah, qui ouvre les yeux et prend conscience mais aussi de la prise de conscience de la maman, et celle d’un pays avec un regard nouveau… Le titre parle à la fois des personnages et de la Tunisie.

Vous dressez le portrait de deux femmes : Farah, la fille, et sa mère… vous êtes-vous inspirée de votre propre relation avec votre mère ? Y a-t-il sinon des éléments autobiographiques ?
L'élément principal autobiographique dans le film, c'est la trahison de l'ami qui est un indic. Ma mère n'est pas du tout comme ça. Ce n'est pas mon histoire, même s’il y a quand même des choses que j'ai pu vivre ou des choses que des amis ont vécu.

Vous avez choisi d’ancrer votre histoire en Tunisie, 6 mois avant le Printemps arabe et la chute du régime Ben Ali. Pourquoi ce choix ? Souhaitiez-vous faire un film mémoire en rappelant l’atmosphère oppressante du temps de la dictature ?
Au moment de la révolution, on a souvent entendu "Mais d'où ça vient ?". Je voulais que les gens sentent d’une manière intime d'où cela est venu et qu’ils puissent imaginer ensuite Farah et sa mère au milieu d’une manifestation. A travers cela, je souhaitais parler des dernières années Ben Ali et de l’état policier, de la paranoïa des Tunisiens… Des choses dont on ne pouvait pas parler. La révolution a permis que j’en parle. Ce n’est pas un film sur la révolution mais c'est un film qui résulte de la révolution.

Avez-vous senti que vous preniez des risques pendant le tournage à cause de l'atmosphère tendue ?
Ce n'est pas un sentiment que je ressentais. Quand on est un réalisateur, on mène son équipe et si on a peur, on ne peut pas les embarquer. J'ai pu avoir des craintes pour la sortie du film mais pas pendant le tournage.

Qu’est-ce que la révolution a changé à vos yeux ? La Tunisie a-t-elle fait sa révolution culturelle ?
Non, elle n'a pas fait sa révolution culturelle et elle en a vraiment besoin. La révolution est un processus en cours… Il faut que cela continue. La chose principale que cela a changé, c'est la possibilité de parler donc la liberté d'expression et la société civile. La démocratie est balbutiante et les gens se forment eux-mêmes à cet exercice. C'est un énorme changement qui permet que l'on se batte pour des droits, des libertés individuelles et des causes sociales.

Votre film a été couvert de prix dans des festivals prestigieux comme la Mostra de Venise, les journées cinématographiques de Carthage et le festival de Dubai. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Non. On avait une espèce d’insouciance en faisant le film, avec beaucoup de prises de risques : l’actrice principale qui n’avait jamais joué, la mère qui n’était pas actrice et certaines chansons qui ont été faites une semaine avant le tournage. Nous avions une grande liberté car nous avions un budget mais pas de pressions financières fortes. Si on avait visé des récompenses, nous aurions eu la pression et nous aurions probablement raté le film.

Quand le film est sorti en Tunisie, quelle a été la réaction du public ?
Le film a été un très beau succès en Tunisie. Il est sorti dans les 24 régions, dans des villes qui n’ont même pas de salles de cinéma. Le premier jour, il a fait 9.000 entrées puis ensuite 55. 000 entrées. Avant, il avait reçu cinq prix au festival de Carthage… Il y a eu une très belle unanimité autour du film.

Vous êtes la fille d’un célèbre cinéaste et libre-penseur, Nouri Bouzid : est-ce que cela ouvre les portes et qu’est-ce que votre père vous a apporté ? Vous a-t-il aidé dans la réalisation de votre film par une idée, une suggestion ?
J'ai tenu à l'écarter au maximum car c’est quelqu’un qui a une très forte personnalité et un regard fort. Ce n’était pas envisageable d’être deux cinéastes sur un film.

Aujourd’hui comment voyez-vous l’avenir de la Tunisie ?
C'est un pays avec de nombreuses promesses et beaucoup de menaces de toutes parts. Il y a une crise économique forte donc je ne sais pas du tout comment se passera l'avenir de la Tunisie. On a surtout besoin de faire la révolution culturelle, mais il y a énormément de choses à régler par ailleurs.

Avez-vous déjà une idée de votre prochain film ?
J'écris en ce moment... (Rires)  mais je ne peux pas trop en parler. Je peux juste dire que c'est une histoire d'amour.

Propos recueillis par Magali Hamon (www.lepetitjournal.com/cologne) Mardi 20 septembre 2016
 

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Publié le 19 septembre 2016, mis à jour le 4 avril 2018

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