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Chroniques d’une grossesse d’expat en Inde

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Écrit par Capucine Canonne
Publié le 21 juillet 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

Lepetitjournal.com Chennai laisse place à la plume d’une jeune maman expatriée à Chennai depuis quelques mois,  à nouveau enceinte. Elle nous raconte avec ses mots, ses émotions et ses conseils comment elle vit sa grossesse.

 

La découverte

Ca y est, me voilà enceinte de mon 2ème enfant ! Avant de nous engager dans l’expatriation en Inde, nous savions que cela arriverait et bien, ça y est, cela arrive.

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Il va falloir aborder les jeunes mamans, celles qui ont déjà accouché ici pour avoir discrètement toutes les informations car je ne suis qu’au 1er mois. C’est parti pour l’enquête de voisinage : Je découvre rapidement que le nom d’une maternité revient souvent : Cradle Apollo Hospital. Le nom ne parait pas très glamour, mais Cradle veut dire berceau en anglais. Ok, le lieu c’est fait, il faut que je me trouve une gynécologue (obstétricienne). Des noms circulent, chacune à son avis. Je tranche et je prends rendez-vous.

 

Le 1er rendez-vous

La maternité est à 20 minutes de chez moi. Bon point. D’extérieur, le bâtiment est très neutre, il ne fait pas penser à un hôpital. 4 étages composent l’immeuble. Le 1er c’est la pharmacie, le 2nd le point central avec les gynécologues, les pédiatres (car c’est aussi une antenne pour enfants), le département des scanners et le laboratoire. Les 3ème et 4ème étages sont les salles de naissance et les chambres. J’attends mon tour dans un couloir blindé. Il y a beaucoup de femmes indiennes avec leurs maris. Les patientes entrent et sortent des salles de consultation un peu comme dans un moulin. Je sens qu’il va falloir que je m’impose. Je toque timidement à la porte et entre dans le cabinet sommaire du Docteur R. Elle est très souriante, parle un anglais impeccable, prend une feuille et commence à me poser des questions. Elle me met en confiance. Après une discussion toutefois rapide, elle me prescrit ma 1ère échographie, des compléments alimentaires et une prise de sang.

 

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Globalement je me souviens de peu d’explications et surtout, je ne comprends pas bien où faire cette fameuse écho ; ce n’est pas elle qui la fait ? Où dois-je aller ? Puis-je le faire sans rendez-vous ? Dois-je revenir un autre jour ? « Continuez ce couloir et vous tomberez sur le guichet des scans qui vous expliquera tout ». Je tourne, je cherche. Je trouve en effet un guichet « revenez un autre jour, nous sommes plein ». Heu, bon. Je reviens donc le lendemain non sans avoir fait écrire mon nom sur le registre des rendez-vous.

 

La 1ère échographie

Assurément la plus grande surprise de toute ma grossesse en Inde. Je reviens donc à ce guichet dédié. Une femme me tend un document et me dit d’aller payer avant tout. Car oui, il est essentiel de savoir qu’aucun soin ne sera prodigué si nous n’avons pas payé d’avance ! Le scan n’ouvrira ses portes qu’une facture en main. Après avoir affronté une queue inexistante à l’accueil donc (où s’effectuent les paiements), je reviens à mon guichet des scans. « Attendez là, on vous appelle ». Alors non, ils n’appellent pas vraiment, il faut quand même signaler régulièrement notre présence et demander le temps d’attente.

Quand vient mon « tour », je passe dans une petite salle annexe. Les murs sont tapissés de messages en gros et gras signalant qu’il est interdit de déterminer le sexe du fœtus sous peine de prison. En bleu, en verte, en tamoul, en hindi, en anglais, impossible à rater… (Cette règle établie en 1994 a été mise en place pour éviter toute forme de féminicide et d’avortements sélectifs de petites filles). Puis, je rentre dans un petit couloir où l’on me demande d’enfiler une blouse (quid de la propreté de celle-ci…) et de vider ma vessie. Je rentre enfin pour mon échographie : Une minuscule salle, avec un lit, une machine, un rideau et un coin bureau, sans doute pour les comptes rendus.

Je m’allonge et c’est vraiment à cet instant que la surprise commence. PAS UN MOT, à peine un regard avec la technicienne. Elle commence à me passer la sonde sur le ventre. RIEN. On entend un moustique voler. RIEN. TOUJOURS PAS UN MOT. Mais ce silence n’est pas le plus marquant. Je remarque très vite que je ne peux pas voir l’écran et donc mon bébé ; celui-ci est tourné vers l’échographe et, même en me penchant, mes yeux n’y accèdent pas. PAS DE SON, PAS D’IMAGE, ça commence à faire beaucoup non ?! Je m’aventure avec une question « Everything ok ? ». Hochement de tête. Je recommence « Baby looks fine ? ». A nouveau hochement de tête. « Can I see him or her ? ». Hochement de tête, elle tourne très légèrement l’écran, mais toujours pas assez pour que je vois bien. Le temps passe… Je n’arrive pas à comprendre, dois-je me résoudre à me taire et attendre ? Je ne sais pas quoi faire, je regarde le plafond. Finalement, au bout de 20 bonnes minutes, elle me tourne un peu plus l’écran, me montre rapidement des formes blanches et noires en parlant vite, et finit par me dire « It is correct ». Correct ?? Mais ça veut dire quoi « correct » ?? Je pense qu’à la vue de ma tête déconfite, elle a un peu compris et a ajouté « You will see the report with your doctor ». Alors voilà. Voilà comment cela se déroule : une gynécologue prescrit une échographie qu’une simple technicienne va effectuer et pondre un rapport qui sera ensuite lu et décortiqué (je l’espère) par la gynécologue. Une 1ère expérience très déroutante…

 

Les prises de sang

Bon, il faut d’abord savoir que les standards d’analyses ne sont pas forcément les mêmes qu’en France. Par exemple, la toxoplasmose. Si ma gynécologue connait, le reste de l’hôpital non. En me la prescrivant (à ma demande car je sais que je ne n’ai pas encore eue), je ne sais pas qu’elle vient de me précipiter dans un nouveau casse-tête. En effet, au moment de payer  (je rappelle qu’aucun soin n’est effectué dans sortir le portefeuille avant), le réceptionniste est complètement perdu. Coups de fil, grands débats avec ses voisins, pianotage de clavier à n’en plus finir…

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Finalement, on trouve. Je me rends au laboratoire d’analyses sanguines. L’avantage de cet endroit c’est qu’il n’y a jamais la queue (ou alors j’ai eu de la chance). L’inconvénient c’est quand même la froideur de l’analyste et son léger manque de délicatesse. On passera sur ce détail. Analyses en ligne sous 3 jours « on vous envoie un texto Madame ». Mouais. Autant vous dire que sur la dizaine de prises de sang effectuées pour le suivi de ma grossesse, seules 3 m’ont effectivement été envoyées par texto. J’ai dû appeler plusieurs fois l’hôpital (encore un grand moment pour épeler son adresse mail au téléphone) pour obtenir mes résultats…

 

Les 2nd et  3ème échographies

Pour ne pas me répéter, je regroupe mes souvenirs de mes autres échographies : en silence, on attend que ça passe. Pour la 2nd échographie, j’avais quand même prévu que le papa soit avec moi. « Not possible Madam » en me désignant un panneau sur la porte « not allowed for men ». Mais enfin… SI ! L’émotion sans doute, j’éclate en sanglots. Je lui explique je suis expatriée ici, que ma famille n’est pas là, que j’ai besoin que le papa (mon mari) soit avec moi pour ma grossesse. Silence. Et puis, à la fin de l’examen, on va chercher mon mari qui peut ainsi voir notre bébé sur l’écran (largement plus que moi qui n’ait encore une fois eu droit qu’à quelques images furtives et floues). Ça me fait du bien. Everything is possible in India ?

 

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Pour la 3ème échographie, autre péripétie, l’hôpital m’appelle la veille me disant que leur scan est en panne et qu’ils ne savent pas quand il sera réparé. Quelques semaines que j’attends ce rendez-vous, je suis hors de moi (les hormones ou les Indiens ?!). Mais il y a quelque chose de vraiment très agréable en Inde c’est que vous pouvez contacter votre médecin rapidement et sur whatsapp. Ni une ni deux je lui envoie un message, elle réussit à me trouver un autre rendez-vous dans un centre à 1h de chez moi dans quelques jours. Là-bas, je garde surtout le souvenir d’une salle d’examen séparée de la salle d’attente d’un simple rideau. Ainsi, c’est un peu comme si j’avais assisté à l’échographie de la patiente avant moi, comme si j’avais été avec elle, à lui tenir la main et écouter les quelques rares mots de la technicienne. Mais je me souviens aussi d’un moment très impersonnel où cette jeune patiente se fait examiner et, à la fin du scan, un homme (son mari ?) et une dame plus âgée (sa mère ou sa belle-mère ?) vont à côté d’elle, écoutent les quelques mots en tamoul du médecin, et repartent sans dire un mot. Je m’invente le dialogue « Alors le bébé va bien, il est plutôt petit, il bouge un peu, le cœur bat normalement ». Pas un mot échangé avec la future jeune maman, pas d’exclamation de joie et les visiteurs repartent attendre dehors. Par pudeur sans doute…

 

La fin de la grossesse

Arrive la fin de grossesse. Et avec elle la préoccupation du coronavirus qui s’étend dans le monde. On lit tout et son contraire sur les réseaux sociaux et les médias. En tant que femme enceinte, suis-je à risque ? Les écoles ferment, je me retrouve à 8 mois et demi à domicile avec mon ainé de 3 ans. Il faut l’occuper tout en me reposant et me préservant. Nous organisons des goûters entre copines pour ne pas devenir folles. Le confinement n’a pas encore lieu, l’Inde n’est pas encore officiellement touchée par l’épidémie. Mais nous savons que cela va arriver. La chaleur revient aussi ce qui ne facilite pas la vie quotidienne.

 

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Je vais plusieurs fois à l’hôpital pour les derniers examens d’usage. Ma gynécologue me dit de ne pas hésiter à venir dès que je sens des contractions. Elle reste à mon écoute sur whatsapp, c’est très agréable. Je ne me sens pas à l’abandon, je me sens plutôt sereine, s’autant plus que ce virus va « permettre » à mon mari de faire bientôt du télétravail et d’être présent avec moi. Je m’organise un planning de présence avec des copines aux alentours pour s’occuper au pied levé de mon fils ainé. C'est ici que je pose ma plume et attends que mon 2ème garçon arrive…

 

NDLR : T. est né à Chennai, le 23 mars 2020 à 14h20. Une merveille !

 

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