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Jean-Baptiste Phou : "Transformer mon histoire en un objet artistique"

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©Jean-Baptiste PHOU _ SAO Sreymao
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 21 octobre 2022, mis à jour le 21 octobre 2022

Cette fin du mois d’octobre est très riche pour Jean-Baptiste Phou, car ses œuvres vont être présentées dans pas moins de 3 projets artistiques concomitants. 

 

Né en France de parents sino-cambodgiens, Jean-Baptiste est un écrivain et un artiste pluridisciplinaire. En 2008, il décide de démissionner de son travail dans la finance afin de se consacrer pleinement à sa carrière artistique. Après avoir passé sa vie en France, il déménage au Cambodge il y a cinq ans, le pays natal de ses parents.

D'abord comédien, il joue dans des pièces de théâtre, des comédies musicales et des films au Cambodge, aux USA et en France. Il se dirige ensuite vers l’écriture et la mise en scène de pièces, dont Cambodge, me voici et L'Anarchiste, adapté du roman de Soth Polin. Outre le théâtre et l'écriture, il explore d'autres médiums tels que le son, la photographie, les installations et la performance.

Son travail aborde les questions d'identité, d’exil, les conséquences du génocide khmer rouge et l’expérience des groupes minoritaires.

 

LePetitJournal.com l’a rencontré. Il a bien voulu répondre à nos questions :

 

Votre père est le grand absent du film La langue de ma mère. Pourquoi ?

« Actuellement, je suis dans un processus de regarder les choses une par une. Je voulais d’abord m’occuper de ce qui se passe avec ma mère. Il y a aussi beaucoup de choses à dire concernant ma relation avec mon père mais je préfère réserver ça pour un autre focus. Si j’avais mis les deux ensemble j’aurais un peu brouillé, parasité ce que je voulais vraiment mettre en lumière avec ce film.

Mais c’est sûr que dans un de mes prochains projets je vais clairement parler de mon père. »

 

Comment votre œuvre a-t-elle été reçue par votre famille ?

« Je ne sais pas et je ne cherche pas à le savoir. J’ai besoin de m’abstraire des potentielles réactions des uns et des autres sinon ça me limiterait dans ce que j’aimerais pouvoir dire. Ma sœur a été touchée en visionnant le film, mais sinon je n’ai pas beaucoup de contact avec le reste de ma famille. »

 

Pourquoi ce besoin de divulguer au monde ce travail presque psychanalytique ?

« Le but de tout ce travail que je suis en train de faire n’est pas de faire étalage de mes traumas ni de dénoncer ces comportements familiaux, mais de regarder à l’intérieur certaines problématiques et d’en offrir un point de vue à des personnes extérieures et avec des formes différentes.

Pour moi c’est important de le faire.

Tout cela est fait dans une démarche artistique, ce n’est pas du témoignage pur, du cru ou du sensationnel mais une transformation d’un objet -mon histoire- en un objet artistique.»

 

Je me dis que cela peut potentiellement toucher certaines personnes, qu’elles peuvent se reconnaître.

 

Pourquoi avoir appelé votre exposition photo à Sra Art « en morceaux » ? C’est un titre qui fait réagir, loin de la neutralité.

« Pour moi c’est la question de la déconstruction, c’est une démarche que j’essaie de transposer dans différents médiums, la déconstruction et la reconstruction. Essayer de décortiquer presque par focus. Avant la question de la langue c’était celle de la sexualité, avant la sexualité celle de l’ethnie…

En morceaux c’est parce que j’essaie de tout briser pour au moins essayer de comprendre, de me comprendre. »

 

installation exposition photo

 

Vous pourrez découvrir ou redécouvrir l’univers de Jean-Baptiste Phou tout au long du mois de novembre à travers trois différents projets artistiques.

 

"À un fil",  exposition photo & performance en collaboration avec Sao Sreymao

À un fil est une exposition film, photo, installation et performance réunissant les artistes Jean-Baptiste Phou et Sreymao Sao qui explorent les thèmes de la communication et du deuil.

Toute l’exposition est déclinée à partir du film de Jean-Baptiste, La langue de ma mère, qui raconte l’histoire d’une mère et d’un fils qui ne parlent pas la même langue et peinent à communiquer, jusqu’à ce qu’elle tombe gravement malade. Ce parcours émotionnel se déroule à travers une série de vignettes qui invite le spectateur à pénétrer dans l’intimité d’un fils qui cherche à comprendre et à se faire comprendre.

L'œuvre est à la fois personnelle et universelle.

 

installation exposition à un fil

 

Jean-Baptiste s’est confié sur ce qui l’a poussé à élaborer un tel projet :

 Ce que j’avais constaté après avoir projeté le film à l’IFC, c’est qu’il y avait des retours très forts de gens qui avaient vu le film, parce que ça parle des relations parents-enfants, du décès, du deuil, dans le contexte particulier du covid en plus. J’ai eu envie de faire participer le public. C’est là qu’avec Sreymao on a eu l’idée de faire une installation sculpturale.

  

jean-baptiste phou la langue de ma mère
©Jean-Baptiste PHOU _ SAO Sreymao 

 

Les images mêlant photographie et dessin numérique tirées du film seront imprimées et constitueront le cœur de l’exposition. Le public sera invité à participer à un moment de recueillement collectif à travers une sculpture réalisée par Sreymao Sao. Ils pourront écrire et suspendre leur propre message à l’installation. À la fin de l’exposition, les artistes exécuteront une performance qui s’apparente à un rituel de purification pour apporter apaisement et réconfort.

À travers une série d’images figées ou mouvantes et des actions silencieuses, l’œuvre offre un espace de connexion et d’empathie.

 

jean-baptiste phou la langue de ma mère
©Jean-Baptiste PHOU _ SAO Sreymao 

 

Le programme s'ouvrira avec un vernissage le 30 octobre, se poursuivra tout un mois avec une projection quotidienne du film et se conclura avec une performance le 27 novembre.

 

À un fil est présenté dans le cadre de Creative Generation Performance et de Photo Phnom Penh, avec le soutien de Debra Fram, Eric Schwartz et l’Institut français du Cambodge.

 

L’artiste avec laquelle performe Jean Baptiste, Sreymao Sao, est une artiste multidisciplinaire dont la pratique couvre la peinture, la photographie, le dessin numérique, la sculpture et la performance. Ses œuvres évoquent les transformations du paysage cambodgien, tant physiques que psychologiques, ainsi que les problématiques sociales et environnementales. Elle a également collaboré avec de nombreux auteurs en tant qu’illustratrice et a publié plusieurs romans graphiques.

 Pour en savoir plus : https://javacreativecafe.com/

 

"En morceaux", exposition photo à Sra'art

Jean-Baptiste va bientôt exposer une série de 30 autoportraits intitulée “En morceaux” à Sra’art, du 27 octobre au 27 novembre. Cette série est née au sein de l’atelier photo Studio Image organisé par Sovan Philong, photographe contemporain cambodgien, qui organise le Photo Phnom Penh Festival, sous la direction artistique de Christian Caujolle.

Jean-Baptiste nous a fait part de la démarche artistique nécessaire à la réalisation de ce projet :

L’idée que j’ai voulu mettre en œuvre était d’utiliser l’appareil photo pour explorer mon corps, de me prendre comme objet. C’est une démarche que j’ai déjà effectuée dans l’écriture car je parle de moi, je me prends comme matière. La langue de ma mère [son œuvre précédente] c’est très personnel, et j’ai voulu faire la même chose, cette fois avec l’image.

 

Comme le décrit Christian Caujolle, directeur artistique de Photo Phnom Penh Festival, trancher dans un corps, dans un visage, cadrer des bribes de corps et de face que l’on détache symboliquement de l’ensemble – et de la cohérence – de l’individu n’est pas chose facile et peut être perçu comme violent.

 

jean-baptiste Phou exposition
©Jean-Baptiste PHOU

 

En carré et en noir et blanc, Jean-Baptiste déconstruit son corps, tient son appareil à bout de bras, comme un prolongement de lui-même, laisse parfois une part au hasard à ces images tour à tour douces, énigmatiques, sensuelles, graphiques.

Il dépasse ainsi, comme il le dit lui-même, ce qui l’a paralysé pendant des années : la peur et la pudeur. « Mon désir était d'avoir une relation brute et organique avec mon corps en tant que sujet. Moi et moi-même aux yeux du monde. Mais peu importe comment je m'exhibe, il y a toujours un choix de ce que je montre et ce que j’occulte. Ces morceaux de moi peuvent être vus séparément, comme des parties fragmentées de ma personne, ou comme des pièces d'un puzzle qui s'assembleraient pour donner une vision complète de qui je suis. »

 

jean-baptiste Phou exposition
©Jean-Baptiste PHOU 

 

"Echoes from the Stars", installation digitale présentée dans le cadre de "Meeting Points" organisé par Mekong Cultural Hub

Le troisième projet dont nous a parlé Jean-Baptiste Phou concerne lui aussi son film La langue de ma mère. Intitulé "Echoes from the Stars", c’est une installation digitale qui sera présentée au public dans le cadre du programme « Meeting Points » (Point de rencontre) 2022 organisé par le Mekong Cultural Hub, du 20 au 29 octobre. Il a pour point d’ancrage la question suivante : comment la communication pourrait-elle transformer les espaces de collaboration pour qu'ils soient plus inclusifs, dynamiques et mutuellement bénéfiques ?

 

Le programme a été lancé lors d’un événement en ligne le 20 octobre, avec la projection de La langue de ma mère. Jean-Baptiste y a présenté sa nouvelle installation participative, Echoes from the Stars, qui a été créée en réponse aux réactions du public à son film. La projection a été suivie d’un débat sur le thème "Lost in Translation ? La communication interculturelle en Asie". Quatre intervenants ont partagé leurs expériences et leurs réflexions critiques sur la collaboration à partir de leurs perspectives en tant que chercheurs, cinéastes, producteurs et artistes d'Indonésie, du Laos et de Taiwan.  La discussion a abordé la complexité de la traduction, de l'interprétation et de la compréhension dans les différentes facettes de la connexion et de la collaboration à l'intersection des arts et de la société.

 

Echoes from the Stars – ainsi que le film « La langue de ma mère » - sera accessible au public du « Meeting Points » pendant tout le reste du programme, avec un événement spécial le 28 octobre où les spectateurs pourront se joindre aux créateurs de l'œuvre -Jean-Baptiste et Theerawat- pour explorer l'installation digitale.

 

Cet événement est co-organisé par la Taiwan-Asia Exchange Foundation en collaboration avec le Mekong Cultural Hub. Bien qu'ils travaillent de manière différente et se concentrent sur l'Asie du Sud-Est, ils ont tous deux pour objectif d'explorer et de développer les relations et les échanges culturels diversifiés entre Taïwan et l'Asie du Sud-Est.

Pour en savoir plus sur Meeting Points : https://www.mekongculturalhub.org/meeting-point-2022/ 

Pour accéder à l’installation digitale : https://echoesfromthestars.com/

 

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À bientôt.

 

 

 

 

 

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