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Mekong Soul, un mix entre influences asiatiques et rap français

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Écrit par Thibault Bourru
Publié le 5 novembre 2017, mis à jour le 18 février 2021

Mekong Soul va sortir un projet d'une quinzaine de titres. De quoi vraiment lancer le quatuor qui existe depuis plus de deux ans maintenant. Styles musicaux, influences, rapport au Cambodge, retour sur une équipe qui représente bien ce lien France - Asie du Sud-Est.

"Mekong Soul c'était un rêve d'enfant." Schnew est Franco-Khmer, et membre de ce groupe de rap mêlant la France à l'Asie du Sud-Est. "Dans l'ancienne génération du rap (en France), les asiatiques ne se mélangeaient pas, à la base on est tous des solitaires", éclaire-t-il. Le groupe a été formé en 2015 par le laotien BengBeng, suite à un freestyle organisé en région parisienne. "On a directement accroché, souligne Schnew. C'est très difficile de monter une équipe asiatique durable dans le rap français. On s'est bien trouvé, on est vraiment les seuls à aller aussi loin (dans le temps)." Ils sont quatre dans cette équipe. Schnew et Akony sont tous deux Cambodgiens, Bengbeng est Laotien, et Shao, Vietnamien

Des débuts peuplés

Tous étaient déjà expérimentés avant de se lancer dans l'aventure Mekong Soul (MKS). À l'époque, Schnew et Shao sont déjà réunis à Besançon, et participent à des projets au sein du collectif 25boomker. Ils rappent lors des premières parties de La Rumeur, ou La Fouine, de passage dans le Doubs. "On était une quinzaine, tous black, blancs, beurh, jaunes ! Ça créait de la variété", explique Schnew. Par la suite, les quatre artistes de Mekong Soul participent ensemble à une série de Net Tapes, d'une trentaine de titres chacune, regroupant des artistes asiatiques. Les Net Tapes sont des playlists libres d'accès et disponibles gratuitement sur internet. Ils rappent alors séparément, avant même la création du groupe, sur le premier opus Azy Volume 1. Une fois Mekong Soul créé, ils enchaînent sur Azy Volume 2, et organisent l'enregistrement Azy Volume 3 - Le Souffle du Dragon, après avoir peu à peu bâti leur notoriété.

Une diversité musicale

Depuis, les gars de Mekong Soul ont sorti de nombreux clips sur YouTube, pour partager leur travail, et gagner en visibilité. Et aucun de ces titres ne ressemble au précédent. "J'ai grandi à la base au Canal à Courcouronnes (Essonne - 91), j'ai été très influencé par Ol Kainry. Mais en réalité on sait et on aime tout faire. On veut vraiment montrer notre diversité", ajoute Schnew. Du Cloud Rap sur le titre Naké, de l'Afro Trap sur Oulala, du Funk sur Mekong Funk, etc. Bref, il y en a vraiment pour tous les goûts. Le trentenaire a même réalisé un featuring avec sa propre fille sur le titre Papa tu vas où? , "pour la première fois dans l'Histoire du rap français", aime-t-il à préciser.

"Je ne crois pas qu'il y ait UNE bonne esthétique. Je crois que l'artiste doit trouver à chaque fois une forme différente pour partager ce qu'il veut montrer." Cette phrase prononcée par Christian Caujolle, journaliste et critique d'art émérite, qui organise en ce moment le Photo Phnom Penh, résume plutôt bien la philosophie du Mekong Soul. 

Des racines très représentées

L'estime que porte Schnew pour son pays d'origine est très forte, il est très important pour lui de le retranscrire dans ses sons, et ses clips. "J'en ai vu renier leurs origines. Mais pour savoir où aller, il faut savoir d'où tu viens. Et le bled, c'est là où mes parents sont nés, c'est là d'où vient mon sang, témoigne-t-il. Le jour où je pourrai nourrir le Cambodge, j'aurai réussi ma vie." Le rappeur fait référence à Novak Djokovic, qui a récemment annoncé l'ouverture de son restaurant à Belgrade, accessible et gratuit pour les sans-abris. "L’argent n’est pas un problème pour moi. J’ai gagné assez d’argent pour pouvoir nourrir toute la Serbie", a alors lancé le tennisman. Schnew n'est venu qu'une seule fois au Royaume. Il en a profité pour cliper, en passant par Phnom Penh, Siem Reap, ou encore Battambang. "Il y a des gens qui nous connaissent au pays. J'ai appris que dans des boîtes de Sihanoukville, ils ont passé Oulala et Naké (rires), c'était lourd !", s'amuse le Franco-Khmer. 

Raconter l'Histoire de son pays, il veut le faire mais estime que cela sera plus efficace lorsqu'il aura acquis plus de reconnaissance et de notoriété. Mais cela ne l'empêche pas de s'y exercer sur quelques morceaux. Notamment dans Naké (clipé au Cambodge), où il lâche : "Génération d'après-guerre, d'après génocide, [...] téma le décor (Angkor) c'est autre chose que le parvis. C'est là que mon daron a fait ses premiers pleurs et rires. Avant de fuir entre les mines sous les échanges de tirs. Rien à voir avec les guerres de gangs de ma téci."

Ce clip de Naké a d'ailleurs fait quelque peu polémique au sein de la communauté khmère, car Schnew a tourné dans Tuol Sleng. Bien sûr que cela reste mal vu dans les croyances locales, mais le trentenaire se justifie, "c'était une sorte de sacrifice, à la fois pour témoigner et rendre hommage aux ascendants sur place." À la fin de la visite de S-21, le guide insiste sur le fait que cette histoire qui vient d'être contée doit être transmise aux autres, ceux qui ne pourraient pas venir. Que cela fait partie du patrimoine mondial, et que tout le monde a le droit de savoir. Schnew l'a transmise, lui, différemment, à sa façon. Plus risquée certes, mais plus visuelle et parlante à la fois.

Thibault Bourru
Publié le 5 novembre 2017, mis à jour le 18 février 2021

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