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PROPRIETE INTELLECTUELLE – Le Cambodge parviendra-t-il à faire appliquer ses lois ?

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 16 avril 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

Copies de films à peine sortis en salle, sacs Louis Vuitton à prix imbattables, livres savamment photocopiés? Le piratage et la contrefaçon font partie intégrante des commerces au Cambodge. En joignant les rangs de l'OMC, en 2004, le Royaume s'est cependant engagé à faire appliquer les lois sur la propriété intellectuelle avant 2013. Un vaste et difficile chantier, comme nous l'explique Victor van Spengler, consultant en droit de la propriété intellectuelle, qui conseille régulièrement les ministères depuis 10 ans.

LePetitJournal.com/Cambodge : Quelles sont les lois sur la propriété intellectuelle en vigueur au Cambodge, et à quels domaines s'appliquent-elles ?

Victor van Spengler : C'est en 2002 et 2003 que les lois sur les brevets, les marques, les droits d'auteurs et la contrefaçon ont été promulguées. Le Cambodge est actuellement en train de les mettre en place mais ce n'est pas une tâche facile. Le marché le plus important est celui de l'audiovisuel, c'est-à-dire tout ce qui est piratage de CD, de DVD, de jeux vidéos. Il est cependant très difficile de connaître le nombre exact de produits piratés.

Le Cambodge a beaucoup de difficultés à faire appliquer ces lois, au point qu'il a obtenu une prorogation de l'application de ces lois jusqu'en 2013 (au lieu de 2006). A quoi sont liées ces difficultés ?

La première difficulté est que le Cambodge produit peu de propriété intellectuelle : aucune grosse entreprise ne gagne suffisamment d'argent grâce à la propriété intellectuelle. Ainsi, quand les entreprises se munissent de brevets, ceux-ci servent davantage à protéger les PI des étrangers. Pour le Cambodge, la PI n'est pas une priorité, mais certaines conditions doivent être remplies dans le cadre de l'adhésion à l'OMC. L'OMC laisse beaucoup de flexibilité pour appliquer les lois sur la propriété intellectuelle. Cependant, le Cambodge a choisi un système très strict. Mais si on protège trop, cela devient plus cher, et les Cambodgiens n'ont pas les moyens de payer les produits originaux. Sur le terrain, plus le système est fort, plus il est difficile de l'appliquer. Je pense que lorsque l'on a un but, il faut y arriver étape par étape.

Pouvez-vous donner quelques exemples qui montrent que l'application des lois est bancale au Cambodge ?

Si on analyse les lois, les Cambodgiens sont constamment en train de les violer. Par exemple, selon les principes de l'ADPIC (Accords Internationaux sur la Protection des Droits Intellectuels au Cambodge), copier une propriété intellectuelle est un crime. Les propriétaires ou auteurs de la propriété intellectuelle qui a été copiée peuvent poursuivre en justice les responsables. Au Cambodge, dès lors que l'on photocopie ne serait-ce qu'une page d'un livre, cela devient un crime puni par des amendes de 5 millions à 25 millions de riels. Or, la plupart des étudiants n'ont pas assez d'argent pour s'acheter les livres originaux, et ne sont pas forcément informés. Les Universités, qui elles ont été informés, ne respectent pas non plus la loi, car elles font des photocopies alors qu'elles n'ont juridiquement pas le droit.

Quels dispositifs le Cambodge pourrait-il mettre en place pour améliorer la situation ?

Il faut d'abord une bonne éducation, une cour de justice qui fonctionne. Ce n'est pas une idée du gouvernement à la base, donc très peu de Cambodgiens travaillent dessus. Il existe quelques centaines d'ingénieurs khmers au Cambodge. Il en faudrait plus qui soient capables de superviser ce système de propriété intellectuelle. C'est tout un ensemble de choses bien ancrées dans la société qu'il faut améliorer : il faudrait déjà commencer par reconstruire le système judiciaire.

Quelle est la situation dans les pays avoisinants ?

A Bangkok par exemple, la plupart des maisons d'édition de CD ont baissé les prix il y a 4 ou 5 ans, cela a plutôt bien marché et a limité la contrefaçon. A Singapour, le système est très strict et pourtant il existe encore beaucoup de copies illégales. Quant au Vietnam, il est surtout très strict par rapport aux médicaments. Tout dépend du pays, mais je reste persuadé que les lois au Cambodge sont trop strictes pour pouvoir être viables pour l'instant.

Le Cambodge a obtenu un délai jusqu'en 2013 pour faire appliquer les lois sur les droits d'auteurs et 2016 pour les lois sur les médicaments et les brevets. Pensez-vous que ces échéances seront respectées ?

Pour 2013, il est pratiquement sûr qu'elle va être repoussée à nouveau. Les accords de l'ADPIC avaient déjà été fixés pour 2006 et peu d'avancées sont notables à ce jour. Je pense qu'il faudra minimum 20 ans pour que le projet de loi s'applique clairement.

Propos recueillis par Anaïs Chatellier (www,lepetitjournal.com/Cambodge) Lundi 16 avril 2012

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Publié le 16 avril 2012, mis à jour le 5 janvier 2018

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