Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

La quête d’identité des Franco-Cambodgiens à l’Institut français

Mathieu_PhengMathieu_Pheng
Mathieu Pheng, le réalisateur. Crédits : Hugues Ahnes pour BKE agency
Écrit par Victor Bernard
Publié le 11 septembre 2018, mis à jour le 12 septembre 2018

Ce jeudi soir à 18h30 sera projeté à l’institut français du Cambodge le documentaire de Mathieu Pheng Une minorité visible invisible, qui traite de la situation de la diaspora cambodgienne en France et de la relation de ses membres avec leurs origines khmères.

Une minorité silencieuse

Constitué de différents témoignages de ces enfants dits « de la seconde génération », ceux qui sont nés en France et qui y ont toujours vécu, le film met en lumière la difficulté qu’observe cette communauté pour exister en tant que Français tout en ne reniant pas leurs origines. Mathieu Pheng souligne les remarques les plus récurrentes concernant sa communauté, souvent considérée comme "sans-problèmes, sans revendications", comme il le précise.

Mais malgré cet effort d’intégration, cette minorité reste visible, c’est-à-dire physiquement reconnaissable. Et de là peut instantanément commencer la discrimination. Les caricatures sont tellement récurrentes que plus personne ne les relève. Jean-Baptiste Phou, comédien né en France mais formé au Cambodge et aux Etats-Unis, s’est senti véritablement rejeté à son retour en France : "On ne me proposait littéralement que les rôles dits « du Chinois », c’est-à-dire de l'épicier ou du mafieux, avec un accent à couper au couteau, et une profondeur de jeu souvent très limitée". Malgré une intégration propre dans toutes les strates sociales de la société, les minorités invisibles de l’Asie du Sud-Est souffrent encore et toujours de discrimination physique, et donc raciale.

Le prix de l’intégration

Cet effort massif d’assimilation est principalement dû aux parents, ceux qui ont quitté le Cambodge, souvent lors de ses années noires. Ils ont confronté leurs enfants avec une nouvelle culture, en leur intimant de s’intégrer le plus profondément possible. Comme le décrit Matthieu Pheng, "nous sommes une communauté physiquement parmi les plus visibles et reconnaissables, mais nous avons été éduqués pour oublier ces origines, ou du moins les mettre de côté et promouvoir notre pays, la France, comme si le mélange d’une culture d’origine et une nouvelle culture d’accueil était incompatible. Nous sommes les bons élèves de l’immigration française".

Cependant, selon le réalisateur, il est inutile et irrespectueux de blâmer la génération ayant fui la tyrannie khmère rouge pour ne pas vouloir revivre ses souvenirs extrêmement douloureux en les transmettant auprès de leurs enfants. La douleur de l’exil a construit un mur du silence autour du régime de l’Angkar et de ses atrocités qui rend le dialogue, même au sein d’une même famille, extrêmement difficile. Hélène Robert, qui a filmé sa mère lors de son retour au Cambodge 40 ans après l’avoir quitté, ajoute : "Je pense que pour eux (la première génération), la relation avec leur passé est très intime et ne doit pas être exprimée, ce qui nous étonne nous, même leurs propres enfants, qui avons été élevés dans la culture française d’expression des émotions et de dialogue". S’il a été longtemps reproché aux Cambodgiens de cette génération de ne pas transmettre leur culture et leurs traditions à leurs enfants, il est maintenant temps selon Mathieu Pheng de leur rendre hommage en honorant leur courage durant les heures sombres du royaume.

Un sujet fantôme

Mathieu Pheng et les personnes qui témoignent dans le documentaire notent l’absence de discussions autour de cette problématique de la représentativité de la minorité asiatique dans l’art et même dans le dialogue politique en général. "Il a fallu attendre la deuxième génération, qui s'est emparée de son histoire française et de ses origines asiatiques, pour que l'on voie émerger petit à petit une image de l'asiatique en France qui sorte des représentations et des clichés". Le réalisateur ne porte cependant pas uniquement la faute sur la société française en général : "Il ne tient qu'à nous de faire en sorte que les choses changent et de prendre la parole dans le débat public". C’est ici que se joue, selon lui, la question du visage de la France multiculturelle de demain.

Mais cela reste très difficile de parler d’une seule voix pour une population entière, d’autant plus quand celle-ci n’est pas particulièrement soudée. C’est pour cela que le film est narré à la première personne par Mathieu Pheng. Même s’il entrecoupe son histoire de différents témoignages, le réalisateur raconte en filigrane sa propre histoire, enfant d’une mère française et d’un père khmer, né en France et ayant découvert son identité cambodgienne très tard comme bon nombre de ces enfants aux racines mélangées. Il conclut par cette réflexion : "Les origines ne se perdent pas. Elles s’éloignent parfois mais le chemin se retrace souvent d’une génération à l’autre".

Le documentaire sera projeté à l’institut français du Cambodge jeudi 13 septembre à 18h30, dans le cadre de la saison culturelle organisée par Cambodian Living Arts. A la suite de la projection aura lieu un débat modéré par Jean-Baptiste Phou, qui apparaît à de nombreuses reprises dans le documentaire. Seront présents la chanteuse Laura Mam, le poète Kosal Khiev, la journaliste et réalisatrice Eléonore Sok ainsi que la photographe Serey Siv.


 

victor_bernard
Publié le 11 septembre 2018, mis à jour le 12 septembre 2018

Flash infos