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PONI HOAX - Un retour aux sources émouvant

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 11 octobre 2013, mis à jour le 6 janvier 2018

A mon arrivée sur le lieu du concert, les membres du groupe électro Poni Hoax sont dispatchés de-ci de-là. Deux d'entre eux sont en train de dormir. Ils arrivent de Saigon où ils ont donné un concert la veille et se sont couchés à l'aube. Demain ils repartiront pour Hanoï où leur concert a été annulé mais prendront sur place un vol pour Bangkok, leur dernière date en Asie. A peine le temps de souffler donc, leur retour à Paris étant prévu pour le lundi matin.

Nicolas Ker, l'interprète d'origine Khmer, se réveille et nous rejoignons les autres dans le resto d'à côté. L'atmosphère est détendue. Ça parle joyeusement de musique. Vincent, le batteur et boute-en-train du groupe, m'explique très sérieusement qu'il est certain que la barbe ? comme celle qu'il arbore fièrement -  va revenir à la mode incessamment sous peu : « Aux States, par exemple, les mecs s'épilent car ils trouvent ça crade de ne pas le faire. Ils travaillent leur poils quoi ! ».

Je ne résiste pas à l'envie de lui demander s'il travaille sa barbe lui aussi : « D'ailleurs je trouve que tu as l'air d'un hipster ? »

Il est outré : « Ah bon ? Sérieux ? Merde?mais pourtant j'habite en banlieue?Mais non regarde, ma barbe n'est pas travaillée!...je pensais que j'avais plutôt la tête d'un baroudeur?tu vois genre, je me prends pas la tête? »

[?]Je décide de sortir mon dictaphone discrètement alors que la conversation vient de dévier sur les grandes légendes qui ont marqué l'histoire du rock.

Vincent défend bec et ongle les Pink Floyd : « C'est LE groupe de rock qui a vraiment apporté quelque chose à la musique ! - Il s'adresse à Abib, leur manager ? Toi tu me parles de Dire Straits, mais c'est de la soupe Dire Straits. Ça a super mal vieilli. C'est comme Shorter (Wayne Shorter, ndrl), moi ça me file le gourdin, ça me fout les poils ! Il aperçoit le dictaphone, se tourne vers moi très à l'aise et enchaîne : « Tu connais Weather Report ? »

Je lui réponds que non. Il m'explique que c'est un groupe de jazz/rock des années 70 : « Bon, déjà faut aimer le jazz/rock, c'est spécial. Le bassiste Jaco Pastorius s'est fait descendre à Miami à la sortie d'une boîte, il trainait dans la drogue? »

Abib, intervient alors et me demande en riant si je souhaite interviewer Vincent uniquement. Je lui explique que Le Petit Journal voudrait axer l'interview sur les origines Khmer de Nicolas par rapport au contexte politique actuel et le changement qui s'opère en ce moment au Cambodge. Autrement dit, Vincent sert seulement de distraction le temps que Nicolas reprenne des forces.

 

Entre 2 bouchées de riz, Nicolas m'explique très simplement qu'il a quitté le Cambodge en 1975 lorsqu'il avait 5 ans et que c'est la première fois qu'il y remet les pieds, après 37 ans.

Lepetitjournal.com/Cambodge : As-tu encore des souvenirs de cette époque ?

Je ne me souviens plus de rien. Ma famille a été tuée et j'ai été rapatrié in extremis avec ma mère et ma s?ur en France. Mon Grand-père, qui était le bras droit du Roi Sihanouk, a été l'un des premiers à se faire assassiner par Pol Pot.  En l'espace d'une nuit, j'ai oublié ma langue maternelle. J'ai fait un black out total de mes 5 premières années. Ma mère pensait que j'étais devenu fou. Elle est Khmer et en a beaucoup souffert. Mais pour être honnête je n'ai pas vraiment eu le temps de réaliser que j'étais de retour. Pendant des années j'ai évité de revenir pensant que ce serait un choc, et finalement me voilà?en concert c'est un autre contexte évidemment.

Tu serais prêt à travailler ici, de façon permanente ?

Oui, pourquoi pas. Je reviendrai bien une semaine, voire plus longtemps. Mais pour ne faire que de la musique. Je ne sais faire que ça d'ailleurs. D'ailleurs, la diaspora m'a contacté. Je dois les voir après le concert. Ils souhaitent créer un projet avec moi, en tant qu'interprète d'origine Khmer, mais je n'en sais pas plus. Il ne faut pas que je boive trop, ça fait désordre sinon, surtout au Cambodge.

Qu'est ce que tu as envie de dire à la nouvelle génération Khmer qui va assister au concert ?

En fait y'a la génération de ma mère qui a encaissé et qui ne veut absolument pas en reparler et y'a ma génération qui ne possède qu'une image manquante, autrement dit rien. On nous a enlevé les choses et nos aînés ne voulaient pas en parler. Le Cambodge a été mort pendant 30 ans à cause de ça. Et aujourd'hui t'as la jeune génération, dont les gamins du groupe qu'on vient de voir font partie (Underdogs, ndrl), qui n'ont pas connu cette souffrance. Et ça fait du bien de voir que le temps commence à effacer les traces.

 

Leur nouvel album : A state of War ? (Pan European Recording) // Facebook

Anne Tandonnet

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Publié le 11 octobre 2013, mis à jour le 6 janvier 2018

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