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ENTRETIEN - Rencontre avec le fondateur de La colifata, la radio "folle dingue"

Écrit par Lepetitjournal Buenos Aires
Publié le 8 janvier 2013, mis à jour le 8 février 2018

Le petitjournal.com de Buenos Aires a rencontré Alfredo Oliveira, fondateur de Radio La Colifata (la  radio "folle dingue"). Maintenant installé à Paris, il y a développé un projet similaire. L´homme livre avec passion l´histoire des Colifatos qui s'expriment sur les ondes depuis  plus de 20 ans déjà.

Reconstruire une part de rencontre
C´est en août 1991 à l'hôpital interdisciplinaire d'assistance psychologique José Tiburco Borda, plus connu sous le nom de "La Borda", au c?ur du quartier de Barracas à Buenos Aires que l´histoire commence.

Alfredo Oliveira, alors étudiant de première année de psychologie et volontaire de l'institution Coperanza, entama une réflexion concernant le manque d'ouverture vers l'extérieur. L'idée principale était d'ouvrir un espace de médiation afin de "reconstruire une part de rencontre entre des personnes confinées, dans la souffrance, et une société qui tend à la ségrégation". Il s'agissait de redonner corps à une relation interrompue pour une population en situation d'abandon sociale.

Une esthétique de discours différente
A l'époque Alfredo Oliveira décide de débuter un enregistrement hebdomadaire du groupe de discussion qu'il avait constitué avec quelques patients volontaires à l'aide d'un petit dictaphone prêté par une amie. Différents thèmes étaient abordés durant deux heures puis l'enregistrement était transformé en un montage de cinq à six minutes reprenant les éléments essentiels de la discussion.

"Heureusement que nous n'avions pas d'argent, ni d'aides institutionnelles à l'époque car cela nous à permit de faire surgir une logique créative par laquelle il s'agissait de transformer le manque en potentialité. C'est ce qui nous a donné l'énergie de développer une telle démarche", explique Alfredo Oliveira.

La chance sourit aux audacieux. Il rencontre l'un des membres de Radio SOS (radio associative de San Andrès) qui lui propose de venir parler de son initiative sur leurs ondes. "Ce jour-là j'ai préféré proposé que ce soit les patients qui interviennent en mettant à disposition les montages que j'effectuais à partir des enregistrements".

Le psychiatre aujourd'hui reconnu parle de "saut qualitatif" lorsqu'il aborde ce jour où a été traité le thème de la femme et que les auditeurs de radio SOS ont appelé en masse pour réagir à l'intervention des patients : "c'était captivant car les gens de l'extérieur se sont rendu compte qu'ils pouvaient dire des choses intéressantes et qu'ils pouvaient le dire avec une esthétique différente et propre. Nous avions créé la rencontre, il y avait enfin de la communication, ce qui a rendu une part d'existence aux patients de la Borda !".

Dès lors, un cap avait été franchi mais la réussite de l'initiative soulevait un autre type de problème, celui de l'éthique : " j'avais une très grosse responsabilité, celle de transformer deux heures de conversation en seulement cinq minutes de montage. Il s'agissait de faire des choix et de respecter cette esthétique si particulière du discours", affirme-t-il. Or, il faut croire que le travail effectué était de qualité puisque à peine un mois et demi après le lancement de l'initiative les auditeurs proposaient de trouver un nom à cette radio d'un nouveau genre. Ainsi a été choisi la désormais célèbre : Radio la Colifata !

Alfredo Oliveira ne comptait pas s'arrêter là et proposa humblement ces montages à la fameuse émission de Lalo Mir sur Rock and Pop radio à la fin de l'année 1991. La diffusion créa immédiatement une vague d'intérêt pour la Colifata et de nombreuses autres sollicitations radiophoniques à travers tout le pays affluèrent. Cependant, quelques mois après le début de l'aventure, l'effet le plus remarquable de ce succès inattendu fut d'abord d'ordre thérapeutique : "j'ai pu constater que les patients se sentaient mieux. Notre travail de déconstruction social portait ces fruits et avait une incidence direct sur le bien être des malades".

La Radio La Colifata s´exporte à Paris et dans le monde entier
En 1994, trois ans après la création de Radio La Colifata, l'agence Reuters proposa une publication reprise par une grande partie des médias européens qui découvraient alors le projet. Au-delà de la presse, les spécialistes se sont eux aussi intéressés à l'idée en invitant Alfredo Oliveira à venir partager son expérience, donnant parfois lieu à la création d'initiatives similaires à Nuremberg à la fin des années 90 et dans de nombreuses villes à travers le monde par la suite.

En 1999, Chloé Ouvrard et Pierre Barougier présentaient un documentaire de 52 minutes intitulé "Radio La Colifata". Pour finir, en 2008 le Service d'Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) Cadet, une institution membre de l'organisation l'Elan Retrouvé, particulièrement active dans le milieu psychiatrique français, proposait une nouvelle aventure au fondateur de Radio La Colifata : participer au développement d'une petite s?ur parisienne. Alfredo Oliveira vit donc dorénavant à Paris et développe Radio Citron pendant que la Colifata continue à émettre sur les ondes argentines. Vous pouvez retrouver les Colifatos en direct sur internet tous les samedis depuis les jardins de La Borda. Enfin, tout récemment ceux-ci ont créé la Colifata Solidaria, une intervention radiophonique annuelle qui a pour but de faire connaître de jeunes projets sociaux. Aujourd'hui, plus de 7 millions d'argentins et plusieurs milliers d'auditeurs à travers le monde écoutent la parole des "fous" !

Les "Colifatos" libérateurs de parole
Il y a plusieurs années Diego, Colifato emblématique affirmait : "Nous sommes les seuls fous à parler à la radio, si vous en entendez d'autres, ce sont des martiens". Dorénavant ils ne sont plus seuls car ils ont ouvert une fenêtre sur l'univers psychiatrique et offert une alternative aux préjugés. Comme le dit avec beaucoup d'espoir la réalisatrice du documentaire Radio la Colifata Chloé Ouvrard : "Dans une réalité aussi dure, une expérience aussi rare est l'occasion de porter un regard différent sur ces patients, qui, l'espace d'un instant, échappent à leur quotidien pour nous livrer leur univers et libérer la parole"
Nikolas Duracka (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) mardi 8 janvier 2013

Pour en savoir plus:

Radio La Colifata : http://lacolifata.openware.biz/index.cgi

Documentaire avec Manu Chao : http://www.youtube.com/watch?v=vyWvmP74f2I

Documentaire de Chloé Ouvrard : http://www.film-documentaire.fr/Radio_La_Colifata.html,film,10304

Radio Citron (Paris) : http://www.radiocitron.com/ 

 

lepetitjournal.com Buenos Aires
Publié le 8 janvier 2013, mis à jour le 8 février 2018

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