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THÉATRE - Triomphes et échecs à la française: les auteurs français au répertoire des théâtres hongrois. Première partie

Écrit par Lepetitjournal Budapest
Publié le 25 octobre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

La présence des auteurs français sur les scènes hongroises remonte à une longue tradition qui veut que Molière soit un dramaturge adopté comme auteur national en Hongrie au même titre que Shakespeare. Il est évident que la ?nationalisation? séculaire  de ces deux grands écrivains étrangers s'explique par le côté populaire, très important  de leur théâtre et que la réception d'autres dramaturges, plus attachés (ou exclusivement liés) à des cultures d'élite (royale ou nobiliaire) pose plus de problèmes

Pour illustrer la difficile réception de certains grands classiques, je voudrais évoquer le cas de Corneille qui a connu des échecs cuisants en Hongrie dont je ne citerai ici que le four retentissant au Katona József Színház (Budapest) avec l'Illusion comique. Quand Giorgio Strehler a créé cette pièce baroque (1636) splendide à l'Odéon (en 1984), en faisant courir le monde entier pour voir le spectacle,  il était déjà mondialement connu et avait suscité entre autres une renaissance et une mode de Goldoni (à partir de 1947). Il a réussi le même exploit avec Corneille, mais les conditions de cette réussite (dont les frais démesurés du décor, contestés dès la première et le financement assuré par Jack Lang, ministre de la Culture a l'époque) étaient difficilement exportables dans ce cas. Comme on avait commencé à jouer ses pièces dans le monde entier, l'Illusion de Corneille a également connu un itinéraire international, mais avec bien moins de succès. Deux ans après la création parisienne, en décembre 1986, János Szikora a tenté de transplanter la fameuse pièce sur la scène du Katona József Színház, le texte ayant été traduit pour la première fois par György Somlyó pour l'occasion sous le titre de Színházi varázslat. Malgré de gros efforts (distribution imposante, décors et costumes conçus par El Kazovszkij, etc.), le spectacle a fait un bide, ce qui montre qu'il n'est pas facile d'importer des succès sur la seule base de rumeurs. A l'exception de l'interprétation de Sándor Gáspár ayant joué avec brio Matamore (Móröl? gascogne-i kapitány), tout était raté, et même le bon accueil de l'excellente performance du comédien avait certainement un lien avec la tradition hongroise du militaire fanfaron, du personnage vaniteux et hâbleur de Háry János dans la littérature nationale. Uniquement cette parcelle facétieuse a pu toucher le public, puisque le spectacle n'était pas adapté aux attentes et aux habitudes des spectateurs hongrois et la belle traduction n'a pas résolu non plus le grand dilemme du texte : comment rendre l'alexandrin en hongrois?

Zoltán Bezerédi et Gábor Máté dans "Le triomphe de l'amour" (www.port.hu)

L'échec de Marivaux
Le récent tabac d'un autre auteur tout aussi difficilement adaptable ici (Marivaux) sert de contrepoint à l'exemple cité ci-dessus. Tamás Ascher a créé un spectacle peu fidèle aux traditions françaises, mais très amusant (par conséquent très bien accueilli par le public et les critiques) en faisant jouer Le triomphe de l'amour au Katona en avril de cette année. Au lieu d'essayer de recréer une réussite parisienne sans inspiration locale, a imaginé tout un milieu pseudo-moderne avec l'aide de Zsolt Khell (décor) et Györgyi Szakács (costumes)  et a élaboré un style original oscillant entre la comédie et le drame. En rapprochant le spectacle du style théâtral hongrois des grandes comédies de Molière et en osant utiliser de l'argot moderne (dans l'excellente traduction de Róbert Bognár), il parvient à présenter l'essentiel de la pièce: la philosophie douce-amère des rapports amoureux entre jeu et humiliation, ainsi que le jeu sophistiqué du pouvoir avec les  sentiments personnels.

Ilona Kovács (www.lepetitjournal.com/budapest.html) lundi 25 octobre 2010

Publié le 25 octobre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

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