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PORTRAIT - Patrick Vander Linden, un fromager belge en Roumanie

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Écrit par Adrien Le Noel
Publié le 10 septembre 2017, mis à jour le 11 septembre 2017

Pour tous les amoureux du fromage français, notre rédaction est allée à la rencontre de Patrick Vander Linden, installé en Roumanie depuis 2005, dans la petite commune de Bradetu. Amoureux de la nature et des espaces sauvages, Patrick est d'abord venu pour créer une étable communautaire, mais finalement, c'est sa passion du fromage qui l'a emporté, un métier exigent qu'il a appris dans les alpages Suisses.

 

 

 

LePetitJournal.com Bucarest : Pouvez-vous vous présenter brièvement ainsi que votre ferme ?

 

Patrick Vander Linden: Je suis né au début des années 60 dans une famille belge. J'ai eu la chance de vivre près de la nature et à mes 15 ans, lors d'une balade en montagne avec mes parents, j'ai découvert le milieu de la fromagerie. Je me suis alors dit que ça pouvait être un chouette métier. Après avoir travaillé dans ce milieu en Suisse, j'ai décidé de venir m'installer à Bradetu, en Roumanie. Mon objectif était de créer une étable communautaire. J'ai eu quelques difficultés au début à cause de l'administration roumaine, mais aujourd'hui, tout ou presque est rentré dans l'ordre. Je fais du fromage « à la française » que je vends aux particuliers.

 

Pourquoi avoir choisi la Roumanie ?


Pour avoir la possibilité d'être plus libre. J'ai auparavant beaucoup travaillé dans les alpages suisses dans le secteur de la fromagerie et, avec le temps, j'ai voulu me mettre à mon compte en créant, ici en Roumanie, une ferme communautaire où j'utilise le lait du village afin de produire du fromage. Le bémol que j'ai rencontré en arrivant, c'est que, depuis l'entrée de la Roumanie dans la zone UE, des normes sanitaires ont été mises en place et elles ne sont pas respectées dans le village où je suis. Un tel lait ne me permet pas de fabriquer du fromage de qualité. J'ai donc dû contacter des producteurs plus gros et c'est à eux que je commande le lait qui me sert à faire mon fromage.

 

Croyez-vous que la demande de fromages français est importante, et si oui, vous adressez-vous à la communauté française uniquement ou aux Roumains également?

 

Le fromage français, ou occidental plus généralement, a toujours eu une bonne image à l'étranger. Le seul « problème », c'est son odorat et son goût. Les Roumains n'ayant pas été habitués à voyager ou à découvrir des fromages plus forts, ont du mal à l'apprécier. Il est trop fort. Pour nous occidentaux, le fromage roumain est particulier. Il se rapproche beaucoup de la Feta. Ce sont des fromages dits « fumés ». Le plus connu d'entre eux est le Cascaval. Les Roumains et les occidentaux ont deux techniques et philosophies différentes. En occident, les fromages ont une maturation et un raffinage qui peuvent durer plusieurs mois, alors qu'ici, en 2-3 jours, le fromage atteint sa forme finale. Pour apprécier le fromage français, il faut donc avoir développé son palais au préalable. D'ailleurs, cela se voit avec ma clientèle qui est majoritairement composée de Roumains ayant voyagé ou d'étrangers.

 

Pouvez-vous nous parler du savoir-faire à la française dans la conception des fromages ?

 

On débute avec du lait auquel on y ajoute de la présure et ensuite la technique diffère selon le type de fromages que l'on souhaite faire. A la différence des fromages roumains, les fromages occidentaux doivent avoir une période de maturation. On doit donc les tourner et les frotter tous les jours. Le reblochon ou la tomme par exemple, ont au minimum un mois d'affinage. Pendant la fabrication du fromage, il faut également changer les sucres qui sont dans le liquide afin de conserver la teneur en acide. Cette acidification est nécessaire pour avoir un goût différent. C'est un long et méticuleux processus.

 

A votre avis, d'ou viennent ces différences dans la fabrication entre le fromage roumain et le fromage français ?

 

Je pense que c'est avant tout une question de tradition. En arrivant en Roumanie, on me disait que si le fromage n'était pas affiné, on ne pouvait pas le conserver. Alors qu'en France on ne l'affine pas toujours pour le conserver. Ils n'ont pas cette connaissance. Pour le fromage roumain, il y a beaucoup plus de travail au début mais c'est rapidement fini. Alors que pour les fromages occidentaux, il y a moins de travail en cuve mais il faut le frotter tous les jours pendant un certain temps ensuite. Le comté par exemple, c'est 9 mois de travail. Le travail en cuve n'est également pas fait ici.

 

Comment s'est passée votre intégration ici en Roumanie ?

 

Elle a été très facile, j'ai été accepté très rapidement. Cependant, je reste persuadé que cela dépend de la manière dont on se comporte. Dans mon village, je suis légèrement en retrait et les routes pour accéder à mon terrain sont d'époque. Je me suis impliqué auprès des responsables pour l'amélioration des routes du village. Ca a grandement facilité mon intégration. Les habitants du village se sont rendu compte que je ne faisais pas ça que pour moi, mais pour faciliter le quotidien de tous les habitants. Ne serait-ce que pour aller à la mairie, c'était tout sauf évident.

 

Quelles sont vos attentes pour l'avenir ?

 

Depuis mon arrivée, je ne m'étais pas équipé de cuves me permettant de produire du fromage de manière continue toute l'année. Il était donc peu évident pour moi de travailler pour des restaurants ou des petites échoppes bio en Roumanie car je ne pouvais pas assurer une production constante. J'ai donc aménagé ces cuves et elles sont désormais enterrées dans le sol. Ainsi, je vais pouvoir produire du fromage en hiver et en été lors des températures extrêmes alors qu'avant je ne pouvais le faire qu'au printemps et à l'automne. Avec cette stabilité, j'espère pouvoir fournir les personnes intéressées par mon fromage de manière stable et constante durant toute l'année, et ainsi, développer le fromage « français » en Roumanie.

 

Pensez-vous que la Roumanie est un marché intéressant pour un entrepreneur français à son compte ?

 

Oui, sans aucun doute, c'est un marché intéressant. Mais c'est également un marché extrêmement difficile. Tous les étrangers avec qui j'ai pu discuter m'ont tous dit la même chose. Les rendez-vous avec les membres de l'administration sont toujours décalés à la dernière minute, rien ne se fait dans les temps et il faut s'armer de patience pour réussir à aller au bout des choses. Et cette lenteur dans la procédure n'est pas uniquement valable dans les campagnes. Quand j'ai demandé une autorisation pour vendre mon fromage dans les grandes villes roumaines, il fallait que j'apporte quelque chose au personnel et ceci n'est rien d'autre que de la corruption. Je n'ai pas voulu rentrer dans cette manière de faire et cela m'a pris un an de plus pour avoir cette autorisation.

 

Quel est l'endroit qui vous a le plus marqué à votre arrivée en Roumanie ?

 

J'ai beaucoup travaillé dans les montagnes donc mon choix va être relativement simple. Les montagnes au nord de Bradetu vers Brasov ou Sibiu me rappellent les Alpes. J'ai également eu un gros coup de c?ur pour les anciennes usines qui existaient sous Ceausescu et que l'on aperçoit sur le bord de certaines routes. Elles sont restées ici comme des reliques, des monuments historiques qui rappellent ce qu'était le pays sous la collectivisation et le communisme. 

 

Grégory Rateau et Adrien le Noël (www.lepetitjournal.com/Bucarest) - Lundi 11 septembre 2017
 

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Publié le 10 septembre 2017, mis à jour le 11 septembre 2017

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