Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 2

COMMUNAUTE - Un Français et une Québécoise tournent en Roumanie

alexandre-fugeesalexandre-fugees
Écrit par Grégory Rateau
Publié le 2 octobre 2017, mis à jour le 2 octobre 2017

La rédaction est allée à la rencontre de deux documentaristes qui sont venus, caméra au poing, en Roumanie: Alexandre Fugees, un Français, secondé par Geneviève Dunn, sa collègue québécoise. Ensemble, ils ont traversé la Roumanie pour y recueillir des témoignages de personnes ayant vécu sous le communisme pour leur parler de la liberté d'expression. L'aventure humaine vécue sur place, les a marqués tous les deux.

 

LePetitJournal.com de Bucarest : Vous êtes venus ici pour tourner un documentaire. Aviez-vous des a priori avant d'arriver en Roumanie ? Et si oui, en quoi votre regard a-t-il évolué ?

Alexandre Fugees : Pour être tout à fait honnête, oui j’en avais au début. Venant de la région parisienne, à chaque fois que j’entendais parler des Roumains c’était à travers les médias qui diabolisaient les Roms en faisant l’assimilation avec les Roumains. Personnellement je n’avais jamais rencontré de Roumains. C’est ma curiosité qui m’a poussé à venir ici pour me rendre compte des choses par moi-même. J’ai eu une immense surprise, un vrai coup de cœur pour les gens, la culture, les paysages, je ne m’y attendais pas, même si j’avais un regard bienveillant dès le départ, ce qui est indispensable quand l’on découvre une nouvelle culture. J’ai rencontré des gens avec une grande ouverture d’esprit, un sens de l’accueil que l’on ne trouve plus forcément de par chez nous. Ce voyage a été très enrichissant. Zéro stress, même les imprévus ont été agréables à vivre. Je me suis senti en sécurité. En dehors de la Roumanie, il n’y a qu’à Cuba que j’ai ressenti cela. Même lors de l’un de mes voyages en train, des enfants tziganes ont pris des photos avec moi, sourires aux lèvres, bon ils ont pris un peu d’argent au passage, mais vraiment sympathiques (rires).

Geneviève Dunn :  Moi je me suis embarquée par hasard dans le projet de mon ami Alexandre, je me suis décidée sans trop réfléchir et je ne l’ai à aucun moment regretté durant l’aventure. Je n’avais donc aucun a priori, juste l’envie de découvrir et de me laisser surprendre. Je n’ai rien lu sur la culture, sur la langue, sur les bons coins, je n’ai pas eu le temps. Je savais juste qu’ici je trouverai une nature, des châteaux, des monastères magnifiques. J’ai pu le voir de mes propres yeux mais le choc a été encore plus grand sur place. Chez nous au Québec les espaces sont plus vastes mais de ce fait, on n'a pas la même diversité de paysages sur des distantes aussi courtes. Ici on voyage très vite pour en profiter un maximum, on en prend plein les yeux en quelques jours seulement. Tout était nouveau, folklorique. On m’avait mis en garde à Paris, attention à toi en Roumanie. J'ai ensuite rejoint Alexandre et je ne me suis jamais sentie autant en sécurité, surtout parce que je suis une femme. A Paris, j’avais peur le soir dans la rue ou dans le métro.

 

paysage
Photo: Geneviève Dunn

 

Pourquoi avoir choisi d’aborder le sujet de la liberté d’expression d’abord et pourquoi en Roumanie en particulier ?

Alexandre : C’est un sujet important selon moi partout en Europe et pas que. Elle me semble un peu en danger dans nos sociétés et je voulais me rendre compte de l’état de cette liberté dans un pays qui a longtemps été sous le joug du communisme. C’est très récent cette sortie du communisme, cette ouverture des frontières, l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. Suite à mes voyages je me suis rendu compte des contraintes que l’on pouvait rencontrer sur ce sujet et des pressions exercées sur la population quant à leurs droits de s’exprimer et de connaître « la vérité ». C’est vital pour communiquer, pour apprendre et se construire en tant qu’individu, mais surtout en tant qu’être humain. L’empreinte de ce passé est palpable ici, la censure a imprégné les mentalités, et je voulais apprendre, interroger les gens pour savoir ce qu’il en était et essayer de projeter avec eux l’avenir de ce pays en plein développement mais encore rongé par les corruptions en tout genre. J’ai donc choisi des personnes qui ont vécu durant cette période et ont pu assister à cette transition.

Geneviève : J’ai connu Alexandre à la fac de documentaire au Québec et j’ai été saisie par sa manière d’envisager le documentaire par rapport à mes autres collègues. On voyait déjà clairement qu’il voulait utiliser cet outil pour s’interroger, pas seulement pour y plaquer des réponses toutes faites à confirmer ensuite lors du tournage ou à détourner et orienter pour coller à son propos de départ. Il mène une enquête, il se documente et n’hésite pas à tout bouleverser ensuite, s’il le faut, pour témoigner d’une certaine réalité. J’envisage le documentaire sous cet angle là et pas autrement. On s’est immédiatement trouvés.

 

Quelle rencontre, quel lieu vous ont le plus marqués ?

Alexandre : Je ne vais pas donner son nom pour éviter de faire des jaloux mais je peux vous dire qu'il s'agit d'une artiste que j’ai rencontrée. C’est une personne qui ne devait pas être dans le documentaire à l’origine, elle était la fille d’une personne que j’ai interrogée et qui a finalement participé car elle avait des choses passionnantes à nous raconter. Cela fait partie des beaux imprévus de notre voyage. Elle nous a accueilli comme si l’on faisait déjà partie de sa famille, c’était agréable et cela nous a permis de faire tomber les barrières, entre le documentariste et l’interviewé et d’obtenir autre chose avec un naturel inattendu. C’est une sorte de cadeau dans ce type d’entreprise. Elle nous a donné une leçon de vie, malgré tous les soucis qu’elle a rencontrés, elle garde l’humour et la joie de vivre, elle conserve une générosité incroyable et ça vaut toutes les rencontres du monde. Tu relativises ensuite en rentrant chez toi, tu gardes son souvenir en mémoire pour essayer d’évoluer à ton tour dans ta vie de tous les jours.

Geneviève : Déjà ce n’est pas évident d’ouvrir sa porte à des inconnus, en plus quand on arrive avec des caméras. Tout le monde ne le ferait pas, et beaucoup refusent, cela ne veut pas dire qu’ils sont méchants ou pas accueillants. Je ne peux vraiment pas choisir, tous m’ont offert, chacun à sa façon, un peu de leur vécu, de leur temps, de leur hospitalité. Je suis immensément reconnaissante pour chaque rencontre. Laurent Jouault, un Français, qui a sa cabane à photos près de Brasov, nous a hébergés alors qu’il n’était pas dans le documentaire, cela m’a beaucoup émue. Il ne s’agit pas seulement de l’entre-aide entre Français ou francophones, on sent un vrai désir d’accueillir. Laurent s'est parfaitement intégré à la culture roumaine. Il est un bel ambassadeur de ce pays généreux.  

photo-Geneviève-Dunn

 

Qu’est-ce qui vous a surpris en bien et en mal lors de votre périple ?

Geneviève : On a été reçus généreusement par les gens avec lesquels il y avait une prise de contact, mais ce qui a été plus difficile en comparaison avec d’autres pays déjà visités, c’est de communiquer avec les gens dans les cafés ou les lieux où l’on se rencontre habituellement. J’ai conscience que la barrière de la langue a joué un grand rôle car l’anglais n’y est pas souvent parlé en sortant de Bucarest.

Alexandre : Je suis d’accord avec Geneviève, la difficulté de communiquer a été parfois rédhibitoire. Lors de mes voyages, lorsque les gens voient un étranger qui ne parle pas la langue, cela est très vite perçu comme une curiosité, ils essayent de l’aborder un peu partout. Ici, la distance était trop marquée. Ce pays est moins touristique, ce côté plus sauvage dans l’approche est aussi séduisant, plus exotique, on se perd plus facilement en Roumanie qu’ailleurs. On ressent que l’on est en terre étrangère ce qui n’est pas forcément le cas dans le reste de l’Europe où tout est aménagé pour le tourisme et où l’on rencontre beaucoup de Français en vacances. Cela m'a séduit car je me suis rendu compte que l'on pouvait encore vivre l'aventure à proximité de chez soi. Paris-Bucarest est à seulement quelques heures d'avion (rires). Je vais y revenir souvent!

grégory rateau
Publié le 2 octobre 2017, mis à jour le 2 octobre 2017

Flash infos