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BUCAREST CENTENAIRE - Casa Vernescu, entre éclectisme et élitisme

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Écrit par Bucarest/Centenaire
Publié le 2 août 2018, mis à jour le 2 août 2018

Cherchant à offrir une vue d’ensemble sur Calea Victoriei, l’homme de science, Constantin Bălăceanu-Stolnici, affirmait que « c'était une artère résidentielle, avec un parfum aristocratique et une atmosphère romantique, avec des maisons de boyards et de la grande bourgeoisie éparpillées le long des deux trottoirs, des maisons coquettes, sur deux étages maximum, généralement dans le style art nouveau, avec des petits jardinets bordés de clôtures en fer forgé, dans lesquelles il y avait deux ou trois arbres ». Dans cet ensemble raffiné, à proximité de l’intersection avec la rue du General Manu, se trouve l'ancienne résidence Linche-Vernescu ; on pourrait dire que le sort lui a réservé un destin unique, vu que des nobles, des soldats russes, des hommes politiques, des ministres, des écrivains et des joueurs ont franchi son seuil.

 

La pierre angulaire de la maison Vernescu était représentée par une belle histoire d'amour, entre le grand gouverneur, le boyard Filip Lens (ou Philippe Linche car il avait des origines françaises du côté paternel) et Lizaveta Balotescu-Carpinisanu. En 1821, le couple se marie et l'épouse reçoit comme cadeau de la part du boyard valaque, un palais coquet avec un étage.

 

Après 1853, ses successeurs se révèlent être des esprits plus pragmatiques : pendant la guerre de Crimée, la maison devient le siège de l'état-major de l’armée russe. Bălăceanu Stolnici témoigne de cet épisode dans Memoriile unui boier de viță : "Je me souviens qu'elle a été occupée à deux reprises par les armées russes. Tout d'abord au cours de la guerre de Crimée, quand le Prince Gorceacov installa ici son quartier général, où il a eu comme invité le grand écrivain Léon Tolstoï, alors lieutenant, puis en 1944, lorsque les troupes soviétiques l’ont prise et ont endommagé ses intérieurs élégants, peints par le peintre Mirea."

 

Cependant, avant qu’elle soit capturée par l'Armée rouge après la Seconde Guerre mondiale, la villa était en possession du juriste George D. (Guna) Vernescu depuis 1886. On peut dire que c’était l'homme des grandes idées: avocat de succès, comptant parmi les membres fondateurs du Parti Libéral, sa perspective moderniste se projetant également sur la maison. Pendant deux ans, l'architecte Ion Mincu avait pour mission de restaurer et de renforcer l’ancien palais de la famille Lens, en optant cette fois-ci pour un ensemble architectural et décoratif dans le style éclectique. L'extérieur sobre du bâtiment contraste fortement avec la somptuosité de l'intérieur. L’influence baroque est évidente dès l'entrée, un escalier monumental en marbre de couleur menant vers le couloir elliptique de l’étage supérieur. Les colonnes et les pilastres en marbre sont complétés par des chapiteaux richement décorés, et la prédilection pour les nuances dorées peut être retrouvée au niveau des moulures ou des lambris.

 

Le clair-obscur ludique est soutenu par une multitude de candélabres, dont la disposition stratégique met en évidence les peintures murales de l’artiste George Demetrescu Mirea; les plafonds et les hautes voûtes sont couronnés par le dôme du hall central, équipé d'une lucarne en verre, soutenue et décorée par une armature en métal.

 

Selon les notes du mémorial de guerre Jurnal de război (1918), le 1er décembre 1918, la résidence Vernescu faisait partie des maisons qui, dans la vision de la reine Maria, "criaient, applaudissaient, se réjouissaient avec la foule de la marche triomphale des monarques de la Grande Roumanie." Le couple royal entrait à Bucarest, à la tête des troupes militaires roumaines et alliées, en suivant Calea Victoriei, « magnifiquement décorée [...], à travers des acclamations assourdissantes ».

 

Par la suite, ayant un usage administratif, le bâtiment peut être considéré comme un témoin tacite des débuts du Royaume roumain réunifié. Au fil des années, le Ministère de l'Économie nationale, le Ministère de l'Industrie et du Commerce, le Gouvernement de la Roumanie qui était dirigé par Petru Groza et l'Union des écrivains de Roumanie se sont établis ici.

 

Dans la vieille maison Vernescu, le luxe et l'élégance s'entremêlent comme dans les récits d'un conte de fées, car il était une fois un boyard et un avocat qui voulaient avoir la plus belle maison de Bucarest :  le premier, par amour pour sa femme, et le second, par amour de la culture du jeune État roumain.

 

Sources: Radioromaniacultural.ro, Ziarulevenimentul.ro

 

Ana-Maria Roșca

 

Traduction : Lucas Cosset

 

Article réalisé dans le cadre du Programme Culturel București - Centenar avec le soutien de Primăriei Municipiului București à travers Administrația Monumentelor și Patrimoniului Turistic 

 

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