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RENCONTRE – Le député Philippe Michel-Kleisbauer nous parle de l’OTAN

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Écrit par Grégory Rateau
Publié le 11 octobre 2017, mis à jour le 25 octobre 2017

A l’occasion de l'ouverture de la session plénière de la 63e réunion de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, à laquelle participent une cinquantaine de délégations des Etats membres ou associés de l'OTAN, nous avons rencontré Philippe Michel-Kleisbauer, député de la majorité présidentielle et membre de la commission Défense à l’Assemblée nationale. Il nous a parlé du rôle stratégique de la Roumanie au sein de l’OTAN.

 

Lepetitjournal de Bucarest: La situation en mer Noire se détériore de plus en plus comme l’a déclaré le ministre roumain des AE récemment, entre l’accumulation des forces russes, la crise d’Ukraine mais aussi les menaces transnationales provenant du terrorisme ou de la migration. Laquelle de ces menaces devrait être traitée en priorité ?

Philippe Michel-Kleisbauer: Nous avons à traiter en priorité un équilibre fragile avec la Russie et de ne pas l'inquiéter. C’est ce qu’a expliqué le secrétaire de l’OTAN ce matin. L’OTAN n’est pas là pour déstabiliser, l’OTAN est simplement là pour prévenir de crises éventuelles. Nous devons donc préserver cet équilibre, surtout dans nos relations avec l’Ukraine. J’ai d’ailleurs été désigné ce matin membre du comité OTAN-Ukraine, je vais donc veiller à conserver cette feuille de route, respecter les accords de Minsk II. C’est le plus important pour nous.

 


Beaucoup considèrent que Moscou et l’OTAN entretiennent les plus mauvaises relations depuis la fin de la guerre froide. La Russie a menacé la Roumanie de représailles lors de l’installation en 2016 d’un bouclier antimissile de l’OTAN à Deveselu. L’année prochaine s’annoncent les élections présidentielles en Russie. La Roumanie devrait-elle s’inquiéter d’une Russie de plus en plus agressive ?

Je ne crois pas, je pense que cela fait partie d’une sorte de bluff de la part de la Russie. Que les Roumains s’en prémunissent c’est tout à fait normal et il y a une démarche de la part des Américains car ils sont très associés en ce qui concerne les commandes de missiles afin de se protéger. La France aussi est entrain de traiter avec les Roumains afin d’essayer de remporter un marché de missiles de courtes et de très courtes portées. C’est une façon de se rassurer quant à l’avenir. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il n’y ait jamais d’accrochages.

 

 

Le président Emmanuel Macron plaide pour une Europe de la défense avec la constitution d'une "force commune d'intervention", d'un "budget de Défense commun" et d' "une doctrine commune pour agir". Quel partage des tâches avec l’OTAN ?

C’est ce dont a parlé le président de la République française Emmanuel Macron lorsqu’il est venu ici le 24 août dernier et c’est aussi une façon de rappeler aux Roumains que, s’ils veulent s’intégrer dans l’Europe, il faut qu’ils respectent cette Europe de la défense, ils ne peuvent pas traiter de manière unilatérale et systématique avec les Américains comme ils l’ont fait avec les missiles Patriot. C’est un des messages forts du président Macron lors de sa venue ici. Cette démarche de l’Europe de la défense est irréversible et elle tiendra sa part dans le dispositif de l’OTAN. Le président américain Donald Trump a d’ailleurs fait des déclarations qui vont dans ce sens, il a ouvert une brèche dans laquelle s’est engouffré le président Macron. Notre président tiendra ses positions sur le sujet, il l’a bien répété avec Madame Merkel le 13 juillet à Paris lors du Comité franco-allemand, juste avant les élections allemandes. Des annonces avaient été faites sur la création d’avions de chasse en commun, ou sur le sujet de la défense contre les cyber-attaques. Cela a été réitéré ensuite depuis les élections allemandes donc nous sommes à présent, la France et l’Allemagne, dans cette même position. Nous parlions tout à l’heure du développement de l’Ukraine, nous serons là pour faire en sorte que la filière dite Normandie suive son chemin, nous serons au coude à coude avec l’Allemagne dans le règlement de ce conflit entre l’Ukraine et la Russie, faire en sorte que ce soit notre ligne diplomatique pilote. La relation entre l’Europe et l’OTAN sera inter-dépendante mais l’une ne sera pas présente sans l’autre.

 


Entre la Hongrie de Orban, la Turquie d’Erdogan, la Russie de Poutine et d’autres pays frontaliers divisés entre l’héritage soviétique et la volonté de se rapprocher de l’UE, la Roumanie semble isolée. Quel rôle stratégique joue la Roumanie dans le flanc sud-est de l’OTAN?

La visite du président était là pour rappeler les liens historiques entre la France et la Roumanie, les liens d’amour n’ayant pas peur des mots. J’ai moi-même des origines roumaines, c’est un peu pour cela que je suis là aujourd’hui. Mon grand-père est né en Bucovine, une région qui a subi les affres de l’Histoire, qui est passée successivement d’une domination soviétique, roumaine et maintenant ukrainienne. Pour revenir sur votre question, c’est une longue histoire entre les deux pays, une histoire plus contemporaine de coopération militaire, les problèmes au sujet des hélicoptères d’Airbus sont un mauvais soubresaut en 50 années de coopération intelligente entre nos deux pays. Monsieur Macron est donc venu car il espère que la France sera traitée à l’égard de ce qu’elle a fait pour la Roumanie depuis 50 ans, pour que l’on puisse avoir de la coopération industrielle, et respecter les accords qui ont été signés lors de la venue du président entre des industriels français et roumains. C’est la volonté de créer des unités de recherche et de développement. C’est une façon pour la France de venir épauler la Roumanie, ce qui lui permettra, si elle se positionne bien, et si elle trouve bien sa place avec la France, avec l’Europe au sein de l’OTAN, de pouvoir jouer un rôle sur l’avenir. Mais nous avons besoin d’être rassurés sur ce point avant, que toutes les choses soient fiables.

 

 

Au sein de l’OTAN, il y a des voix qui plaident pour un « Schengen militaire » qui permettrait aux forces de l’OTAN de se déplacer rapidement en cas de conflit. Pourquoi ne pas inclure la Roumanie dans l’espace Schengen si on pense que la Roumanie a un rôle clé à jouer ?

Schengen est un point réitéré régulièrement par la Roumanie qui souhaite intégrer et qui souhaite être intégrée dans le premier cercle, et elle fait des efforts en conséquence pour y appartenir. Nous souhaitons que la Roumanie remplisse son cahier des charges et nous y veillons avec elle. Il semblerait que les Roumains se maintiennent avec des taux d’exigence qui convergent vers ce qui leur permettrait d’être admis. Maintenant, il y a la question militaire et la relation que l’on comprend avec les Américains. Ces derniers offrent beaucoup de stages à l’armée roumaine, et lui offrent aussi une part importante sur des territoires et sur des théâtres d’opération capitaux. L’Irak est un bon exemple, ils ont obtenu l’aéroport de Kandahar, c’est une mission de premier plan. On comprend donc ce lien, cette relation. La Roumanie en est d’ailleurs à son 29ème soldat tombé au combat. Il faut simplement que la Roumanie respecte sa part d’engagement qu’elle a promis à l’Union Européenne. Cet espace Schengen militaire, opérationnellement, à mon avis, se fera mieux avec une coopération comme l'a montré la force française et sa capacité à agir très rapidement. Pour déployer de telles capacités de projection dans un délai extrêmement court, il y en a pas beaucoup, il doit y en avoir 10 pays dans le monde capables de le faire. La France a prouvé qu’elle en était capable, elle est probablement dans les derniers pays européens à être capables de le faire, les Anglais un petit peu, mais de moins en moins et pas vraiment sans notre aide, cela veut donc dire, que si ce ne sont pas les États-Unis, ce sera la France qui ouvrira un théâtre des opérations dans un délai très court. D’où la place primordiale de la France dans ce dispositif de projection rapide, d’où la place de l’Europe puisque la France ne veut rien faire sans créer cette Europe de la défense. Tout s’emboîte, c’est vraiment un puzzle très important et très fin.

 

grégory rateau
Publié le 11 octobre 2017, mis à jour le 25 octobre 2017

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