« Au moment où elles ont vu que les revenus des roumains augmentaient, les compagnies étrangères ont majoré les prix» - c’est l’explication du chef du Parti Social-Démocrate (PSD) Liviu Dragnea pour l’augmentation alarmante de l’inflation en Roumanie – 5% au mois de mars. Quelle est la raison pour laquelle la Roumanie a enregistré une inflation si importante alors qu’il y a deux ans à peine, elle traversait pour la première fois une « déflation » ?
Après cette déclaration, Liviu Dragnea, le chef de PSD – un leader politique influent qui, malgré le fait qu'il soit sans fonction dans l’administration, est le chef de la Chambre des Députés et conduit le gouvernement de facto - a été accusé de populisme par la presse roumaine. Ses attaques contre le capital étranger et son admiration publique pour Viktor Orban, le leader autoritaire hongrois qui a gagné pour la troisième fois les élections du pays voisin avec un discours contre la « dictature » de Bruxelles, ont été soulignées et renforcées.
Nous ne savons pas si les partisans du PSD, et implicitement de M. Dragnea, connaissent les causes et les responsables de l’apparition de l’inflation, mais une chose est claire pour tout le monde : « l’inflation c'est mauvais ».
En mars 2018, les salaires ont augmenté en moyenne de 11% par rapport à 2017, grâce au vaste programme gouvernemental d’augmentation des salaires du système public. Mais, compte tenu de l’inflation de 5%, le gain réel des gens a été de seulement 6% ! Par conséquent, il est frustrant de voir que le déficit budgétaire a augmenté – l’état doit emprunter de l’argent pour augmenter les salaires – alors que la moitié des augmentations salariales sont affectées par l’inflation. Et alors on cherche des boucs émissaires.
Quels sont les boucs émissaires à portée de main ?
Ce qui suit n’est pas une leçon sur l’inflation, mais un résumé est nécessaire afin de comprendre, au-delà de l'amusement général, la raison pour laquelle Liviu Dragnea, celui qui tire les ficelles dans l’ombre du gouvernement, accuse les compagnies étrangères de l’augmentation de l’inflation en Roumanie.
Il existe quelques causes majeures de l’inflation :
-1. Une banque centrale émet de la monnaie qui ne couvre pas l’offre ; les gens ont beaucoup d’argent, mais l’offre est réduite. Cette solution est très utilisée par les gouvernements qui contrôlent trop les banques centrales – c’est le cas du Venezuela à présent. Les gouvernements roumains ont procédé de cette façon pendant les premières années après la Révolution de 1989 afin de couvrir l’inefficacité chronique des compagnies d’état. Brièvement : « l’inflation par la monnaie ».
-2. La deuxième cause majeure de l’inflation est l’inadaptation de la demande à l’offre. Les gens ont plus d’argent car le gouvernement/le patron/le dieu de l’argent a majoré leurs revenus, mais l’offre est restée la même tout comme à l’époque où ils avaient moins d’argent. Autrement dit : « l’inflation par la demande ».
- 3. Et, bien entendu, il existe une inflation « importée ». Si les prix augmentent dans les pays d’où l’on importe, le prix du produit importé augmente de manière automatique.
Il existe également d’autres causes de l’inflation, mais celles-là sont les plus importantes.
Où en est la Roumanie ?
La majorité des économistes pense que nous traversons l’étape de « l’inflation par la demande », même s’il s’agit d’une juxtaposition entre un marché super liquide et une augmentation de l’inflation dans l’UE, la principale source d’import de la Roumanie.
Jusqu’à un certain point, M. Dragnea a raison de se sentir mal à l’aise, et stupéfié, et furieux? Il dit, c’est moi qui a décidé la majoration des salaires et maintenant vous m’accusez de l’augmentation de l’inflation ? Je me refuse à y croire !
Malheureusement, c’est l’état des choses. L’inflation en Roumanie est générée par toutes les trois causes principales de l’inflation, mais surtout par celle mentionnée au deuxième point. L’inflation par la demande. Ce n’est pas la faute de M. Dragnea, mais de l’économie. Les salaires ont fortement augmenté, les gens ont eu plus d’argent, par conséquent ils ont acheté plus. Mais le marché n’a pas été préparé pour une majoration à deux chiffres de la demande agrégée, par la suite les prix ont augmenté. A cause de l’augmentation de la demande et l’absence de l’offre interne, les imports ont augmenté de plus de 30% en 2017 par rapport à 2016. Si deux ans auparavant la Roumanie importait « la déflation » de l’UE (baisses des prix), à présent elle importe « l’inflation » car elle a recommencé dans l’UE. Et là M. Dragnea a raison, mais pas dans la manière dont il présente la situation à la télé.
Il dit : « Au moment où elles ont vu que les revenus des roumains augmentent, les compagnies étrangères ont majoré les prix ».
Il est vrai, les compagnies étrangères ont majoré les prix. Il est évident qu’elles ont un grand pouvoir étant donné qu’elles contrôlent la moitié de l’économie en Roumanie. Mais elles ne sont pas les seules, toutes les compagnies ont majoré les prix en suivant la logique du marché – demande et offre.
Le gouvernement a fait la même chose en majorant l’accise sur les combustibles en automne dernier, ce qui a causé la majoration de tous les prix. Ensuite, les prix administrés de l’énergie électrique et du gaz ont fortement augmenté – un plus de 5% - ce qui a alimenté l’inflation. Et le fait de prétendre ne rien savoir sur une situation dans laquelle on a été impliqué, dépasse toute limite admise !
Mais, comme l’inflation a des causes, elle a également des remèdes.
Dans notre cas, le premier remède serait de réduire la demande. Lorsque la demande est réduite, les prix sont automatiquement plus bas.
Il existe deux variantes principales :
- la Banque Nationale augmente les taux des intérêts, limitant ainsi l’octroi des crédits, ce qui conduit à la limitation de la consommation et l’amélioration de l’inflation.
- le gouvernement réduit ses dépenses, y compris la masse salariale, ce qui limitera la consommation et empêchera l’inflation.
Mais la réduction de la demande est positive d’un côté et négative de l’autre côté. Par exemple, celui qui faisait cuire un pain il y a un an ou deux, a commencé par cuire trois pains à cause de la demande. Il a embauché encore une personne, il a loué une halle, etc. A présent, il doit licencier son employé, renoncer à la halle, car il n’y a plus de demande pour son pain.
Sa situation dépend des solutions trouvées par le gouvernement et la Banque Nationale.
Le fait de savoir comment et qui augmente/baisse les prix est moins important pour le boulanger, et complètement insignifiant pour l’employé qui perd son boulot.
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