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RDV ECO - La Roumanie ne veut plus de l’égalité dans la pauvreté

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(Photo: Umbrela Anticoruptie Cluj Facebook Page)
Écrit par Anghel Iulian
Publié le 3 juillet 2018, mis à jour le 4 juillet 2018

En Roumanie, la société est en pleine crise, les gens fulminent. Les manifestations antigouvernementales ont repris et leur intensité augmente considérablement. La classe éduquée de la Roumanie se mobilise et descend dans la rue, tandis que la classe la plus pauvre est transportée dans des bus pour se rendre aux manifestations, cette campagne étant bien sûr organisée par le tout-puissant parti du gouvernement au pouvoir, le PSD, auto-proclamé « parti de gauche ».

 


Eurostat, l’office de statistique de l’UE, a publié l’autre jour les données pour 2017 concernant le Produit Interne Brut (PIB) per capita, rapporté au pouvoir d’achat (PPA). A la base de ces données, la Roumanie est arrivée, grâce à la croissance économique de 6,9% de l’année dernière, à 63% de la moyenne européenne du PIB/capita, rapporté au pouvoir d’achat, dépassant même la Croatie. Ainsi, la Roumanie n’est plus « le second pays le plus pauvre de l’UE », après la Bulgarie, place à laquelle elle s’est retrouvé depuis l’adhésion au bloc communautaire, mais « le troisième pays  le plus pauvre de l’UE ». L’indice PPA est la méthode qui harmonise le niveau des prix de différentes économies, cela permet la comparaison du niveau de vie dans différents pays. Parce que, même si, par exemple, la différence entre les salaires en Roumanie et les salaires en France est de 1/5, la Roumanie récupère un peu du pouvoir d’achat car les prix sur le marché local sont plus bas qu’en France. L’année passée, le prix des biens de large consommation et des utilités représentait en Roumanie 52% de la moyenne UE.

 

Par conséquent, un salaire net de 1.000 euros en Roumanie est presque équivalent à un salaire de 2.000 euros en France, au regard du pouvoir d’achat. Le problème est que, en Roumanie, presque 300.000 salariés sur 4,6 millions ont des salaires nets de 1.000 euros par mois, à savoir 5-6% du total des salariés. En même temps, un tiers des salariés en Roumanie (1,5 millions de salariés) sont payés au salaire minimum de 1.162 lei net (1.900 lei brut), à savoir 250 euros par mois. Les différences sont énormes en fonction de la région. Si, globalement, la Roumanie est à 63% de la moyenne UE du PIB/capita en PPA, Bucarest représente 140% de cette moyenne, et la Moldavie ou l’Olténie sont en dessous de 50%.

 

Il est évident que le pauvre comme  le riche se réjouissent de la victoire remportée par Simona Halep à Roland Garros ou du succès de l’équipe nationale de football alors qu’elle parvient enfin à gagner après de nombreux échecs. Mais cette joie est tout ce qu’ils partagent malheureusement. Et les différences sont accentuées par une classe politique complètement irresponsable. Ces dernières semaines, le PSD, le parti du gouvernement au pouvoir, a organisé une ample contre-manifestation à Bucarest, avec 200.000 personnes apportés par des bus, des ouvriers, des paysans venant de tous les coins du pays et payés pour faire un voyage exténuant afin de démontrer la vitalité « du pouvoir et du parti ». On peut facilement le voir comme une réplique des manifestations passées, manifestations à l’appui d’une justice libre et d’un état de droit fort, mis à présent en danger par les décisions du gouvernement et du parlement qui modifient entièrement la législation pénale. Ils ont réussi, mais ils sont également parvenus à consolider le mépris de « l’élite » envers eux, une élite qui sort dans la rue sans être payée, elle.

 

La Roumanie n’a jamais été autant divisée qu’à présent et cela depuis les années qui ont suivi la chute du régime communiste. Jamais le précipice n’a été aussi visible entre la Roumanie rurale et pauvre, conduite par les leaders les plus riches, et les villes légèrement plus développées qui, même si elles ne sont pas au niveau des villes occidentales, partagent pourtant leurs aspirations  pour un monde libre et des valeurs libérales.

 

Le fait est que la plupart des contestataires du gouvernement sont embauchés par des multinationales qui donnent aux leaders politiques le pouvoir de les accuser en retour de vouloir nuire au pays, et beaucoup y croit car le mal doit toujours avoir un visage. Et ce « mal » a beaucoup de visages : « les multinationales », « George Soros », « l’état parallèle ».
Ce discours, dans lequel le pouvoir veut identifier un ennemi et le rendre responsable pour les présents ou futurs échecs, est réapparu en Roumanie après plus de 20 ans. Tout cela est clairement lié aux problèmes pénaux mis en place par les leaders sociaux-démocrates.  

 

Il démontre à quel point la société est encore vulnérable. Mais cela a aussi un côté positif : un autre type de conscience émerge actuellement en Roumanie : la conscience que la liberté et la justice libre sont le fondement des sociétés prospères. La meilleure chose qu'il puisse arriver à un pays est le fait que des dizaines de milliers de gens ne demandent pas dans la rue des augmentations salariales, des pensions plus élevées non plus, mais une liberté pour la justice. Un vent de solidarité s'élève malgré tout.

iulian-anghel-economiste
Publié le 3 juillet 2018, mis à jour le 4 juillet 2018

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