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ECO - La croissance économique ne va pas durer, que faire?

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Écrit par Anghel Iulian
Publié le 6 février 2018, mis à jour le 6 février 2018

Une interview de la semaine dernière du gouverneur de la Banque Nationale de la Pologne, Adam Glapinsk, accordée à la publication polonaise Gazeta Prawna, a fait beaucoup de vagues dans la presse roumaine.

 

 

Dans l’interview citée, M. Glapinsk affirme : « Il serait mieux pour la Pologne d’avoir un taux de croissance économique de 3% pour une période de longue durée, au lieu de se développer comme la Roumanie dont l’économie a enregistré une croissance de 8% l’année dernière. A un moment donné, la croissance peut fortement ralentir et, en moyenne, la croissance sera plus basse dans quelques années ».


Les affirmations du gouverneur de la Banque Nationale de Pologne ne sont ni nouvelles, ni originales. Il s’agit d’un scénario largement rabatu par les économistes roumains, depuis que la croissance économique de la Roumanie est devenue l’une de plus élevées de l’UE : 4% en 2015, 4,8% en 2016 et environ 7-8% cette année.
Avec la mention qu’Eurostat n’a pas publié les données macro relatives aux pays de l’UE pour 2017, nous faisons le point sur l’évolution économique de la Pologne et de la Roumanie pendant les 10 dernières années (2007-2016) et pour lesquelles l’office européen de statistique offre des données. Est-ce que M. Glapinsk a raison ou pas ?


Avant la grande crise d’il y a dix ans, la Roumanie a enregistré un record de croissance économique, supérieure à celle de la Pologne. La moyenne annuelle de la croissance économique des trois dernières années avant la crise (2006-2008) a été de 5,8% en Pologne et de 7,8% en Roumanie. Tout comme maintenant, la Roumanie était « la plus forte » : une croissance économique de 8,3% en 2008, par rapport à 4,2% en Pologne et 0,4% la moyenne de l’UE.
Qu’est-il arrivé après ?


Au cours des trois années suivantes, le taux réel de la croissance économique de la Pologne a été, en moyenne, de plus 3,5% et celui de la Roumanie de moins 2,2%.
Pourquoi ?


Parce que la Roumanie n’a pas eu les armes de la Pologne contre la crise : premièrement, une stabilité réelle des finances publiques et, deuxièmement, un meilleur équilibre entre les composants principaux du PIB : la consommation et les investissements.


A présent, les économistes roumains considèrent que la décision du gouvernement de stimuler la croissance économique exclusivement par la consommation (par des réductions des taxes et des augmentations salariales) est un modèle des années 2007-2008, même s’ils admettent que les déséquilibres (le déficit budgétaire, le déficit commercial et celui des comptes courants) ne sont pas à présent aussi élevés. Et ils affirment également, tout comme l’économiste polonais susmentionné qu’il serait mieux d’avoir une croissance plus basse, mais de longue durée, au lieu d’en avoir une fulminante, mais qui découlera sur une chute.

 
Si l’on fait un calcul sur la base des données de l’Eurostat, nous voyons que, entre 2007 et 2016, l’économie de la Pologne a enregistré une croissance de 3,5%, en tant que moyenne réelle annuelle, tandis que l’économie de la Roumanie a augmenté de seulement 2,5%. Et cela, en dépit du fait que l’avance économique de la Roumanie semble maintenant plus spectaculaire : 3,8% la croissance économique de la Pologne en 2015 et 4% en Roumanie ; 2,9% la croissance économique de la Pologne en 2016 et 4,8% en Romanie; et, très probablement, 4-5% la croissance de la Pologne en 2017 et 7-8% en Roumanie.
Comme indiqué, en moyenne, les choses vont mieux pour les Polonais ces dix dernières années.


Cette croissance par étapes de la Roumanie se reflète également dans d’autres données – par exemple, le pouvoir d’achat des citoyens.
La Pologne a enregistré une hausse de sa moyenne du PIB per capita rapporté à la Parité du Pouvoir d’Achat (Purchasing Power Standards – une unité monétaire fictive qui élimine les différences des niveaux de prix entre les pays) de 53% de la moyenne UE en 2007 à 68% de la moyenne de l’Union en 2016. La Roumanie a a vu une hausse de 43% du PIB per capita en PPS, en 2007, à 58% en 2016.


Ainsi, les deux pays ont gagné 15 points chacun, mais à partir d’une base différente, le pouvoir d’achat des Polonais a augmenté plus que celui des Roumains.
En termes nominaux, le PIB/capita a augmenté en Pologne de 8.500 euros en 2007 à 11.200 euros en 2016. Autrement dit, la richesse du pays a été plus grande en 2016 par rapport à 2007, avec 2.700 euros par habitant.


En Roumanie, le PIB/capita a augmenté de 6.100 euros en 2007 à 7.700 euros en 2016, à savoir 1.600 euros – 1.100 euros de moins que la Pologne
Dans la même période de référence, le PIB/capita de l’Allemagne a avancé de 2.600 euros, à savoir 3,8% de moins que la Pologne, mais 62% de plus que la Roumanie! Par rapport à l’Allemagne seulement, la Pologne n’a pas beaucoup gagné, mais elle a gagné, et la Roumanie a perdu avec une différence de 1.000 euros !
Dans cette situation, comment faire pour récupérer les «décalages» ? Comment faire pour s’en approcher ?


Le destin de la Roumanie, en tant que pays, dépend de cette situation: 3 millions de personnes ont quitté la Roumanie pour des salaires meilleurs en Allemagne, France, Italie et Espagne. Et à présent, en plein boom économique, les entreprises locales ont réalisé qu’elles n’ont plus de force de travail. Elles ont des commandes, mais pas d’ouvriers.


D’où le besoin d’une croissance forte: s’il n’y a plus d’espoir pour que ceux partis à l’étranger rentrent, au moins faut-il garder ceux qui viennent de terminer leurs études.
La majoration des salaires semble être une solution. Mais ces majorations, décidées seulement de manière administrative et particulièrement dans le secteur public, causent de grands problèmes.   


L’année dernière, le gouvernement a dépensé 70 milliards de lei pour les salaires des fonctionnaires (15 milliards euros) – 22% de plus par rapport à 2016. Et pour les investissements (du budget et des fonds UE), il a alloué seulement 26 milliards lei (5.6 milliards euros), 11% de moins par rapport à l’année précédente et 33% de moins par rapport aux dispositions de la loi du budget pour 2017. Il s’agit du niveau le plus bas des investissements de l’Etat au cours des 15 dernières années, compte tenu d’une croissance économique record de 7% après la crise.


Il faut ajouter que les 25 milliards de lei (5,5 milliards euros) que le gouvernement a dépensé l’année dernière proviennent de prêts, ce qui représente 10% du total des revenus budgétaires de 252 milliards lei. En même temps, en 2016 et en 2017, la Roumanie n’a mis en service aucun kilomètre d’autoroute !
Où arrive un budget, qu’il soit celui d’une famille ou d’un Etat, quand, chaque année, 10% des dépenses proviennent de prêts ? Tôt ou tard, il arrivera à zéro.
Avec un tel modèle, où la consommation est reine, on n’arrive pas bien loin. On peut se vanter avec la plus haute croissance de l’UE, qui est double par rapport à la Pologne, mais pour combien de temps ?


 « Il serait mieux pour la Pologne d’avoir un taux de croissance économique de 3% pour une période sur le long terme, au lieu de se développer comme la Roumanie dont l’économie a enregistré une croissance de 8% l’année dernière. A un moment donné, la croissance peut fortement ralentir et, en moyenne, la croissance sera plus basse dans quelques années », affirme le gouverneur de la Banque Nationale de la Pologne, tel qu’on l’a cité au tout début. Est-ce qu’il faut attendre la chute pour voir qu’il a raison?


La convergence avec le niveau de vie de l’Ouest est nécessaire comme l’est l’air qu’on respire. Mais quel est le modèle de croissance optimal pour arriver à cela?
 «La Roumanie doit adopter un modèle de développement différent, si elle veut éviter une crise provoquée par l’actuel boom économique basé sur la consommation. (…) Le décalage d’infrastructure en Roumanie est devenu un obstacle fort dans le processus de convergence et il est nécessaire de prendre des mesures » affirmait il y a quelques jours Matteo Patrone, le directeur régional de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), cité par Bloomberg.
Par conséquent, si nous croyons Patrone, le plan de réduction des décalages que le gouvernement essaye de diminuer par la majoration des salaires, mais en sacrifiant les projets d’investissements, est saboté par l’absence des investissements.


Oui, il faut prendre des mesures comme le dit le directeur de la BERD, mais qui doit les prendre? Tant que la Roumanie change de gouvernement comme de chemise d’après le calendrier de la présidence semestrielle de l’UE, une fois tous les six mois, comment y parvenir?

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Publié le 6 février 2018, mis à jour le 6 février 2018

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