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CHRONIQUE CULTURE - Règles (ou ce qu'il en reste)

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Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 31 juillet 2017, mis à jour le 8 février 2018

L'Union théâtrale de Roumanie a récemment annoncé la sélection de spectacles qui composeraient le Festival national de théâtre de cette année. Une affiche qui, au-delà d'un débat de fond, soulève la question du respect de tout règlement ou jeu de règles au sein de la société roumaine.

 

 

Le soir du 4 juillet dernier s'achève sur des applaudissements nourris, qui font oublier aux six comédiennes, sur scène, l'effort, l'air ambiant étouffant et le trac de la première. A part leur prestation, le spectacle lui-même - réalisé par un metteur en scène vedette - ne sort pas forcément du lot; en sortant, le public se dit que cette création a le temps d'améliorer son assiette jusqu'à la rentrée, quand elle aura sa deuxième première. Dans la foule, certains remarquent et d'autres saluent la commissaire du Festival national de théâtre, restée aux manettes de l'évènement pour une année supplémentaire après la fin de son mandat, en 2016, malgré des résultats plutôt mitigés. Et puis les gens vaquent à leurs occupations. Le lendemain, la même commissaire annonce le nom du spectacle de la veille parmi les 53 autres titres à présenter du 20 au 30 octobre prochains, à l'occasion de la 27e grande messe du théâtre roumain. 

 

Et quel est le problème? Passons sur des considérations plus ou moins discutables (mais nullement dépourvues d'intérêt, bien au contraire) liées au temps de réflexion, à la structure de la sélection, à l'analyse du spectacle ou au nom vendeur du metteur en scène. Il y a surtout une question procédurale - selon le règlement du festival, seuls les spectacles ayant été présentés en première avant la fin de la saison, soit le 30 juin, sont éligibles pour la sélection finale. Mais il y a plus que ça. Sur la même liste, on retrouve une autre création dont la première était annoncée par le théâtre producteur lui-même pour le 15 septembre prochain. Soit pour la prochaine saison. Là aussi, le metteur en scène compte parmi les mieux cotés du pays. Le spectacle serait resté quelque part "laissé pour compte", dans une sorte d'entre-deux saisons, avait motivé son geste la commissaire du festival. Néanmoins, d'autres figures tout aussi connues avaient prévu des avant-premières ou des répétitions publiques, en juillet. Elles n'ont eu la même chance que leurs confrères.

 

Que l'on veuille faire évoluer les règles, c'est tout à fait légitime et compréhensible. Tôt ou tard, rien en ce monde n'échappe à l'obsolescence, même - ou surtout - les textes frappés dans le marbre. Croire qu'un kit de règles froides peut faire sortir du jeu toute préférence personnelle - notamment sur le terrain des arts -, c'est également un leurre. Certes, dans le cas qui nous occupe, l'enjeu et le poids de cette entorse au règlement d'un festival, aussi national soit-il, est après tout futile, diriez-vous et vous avez raison. Ce n'est pas la qualité de ces productions qui est en cause; deux spectacles de plus ou de moins ne changent aucunement la situation pour le public non plus - de toute manière, celui-ci ne pourra pas assister à tous les spectacles programmés, soit environ cinq par jour. 

 

Toutefois, les normes et les règlements sont, ont été et le resteront à jamais - même en évolution - une garantie du sérieux et de la bonne foi des organisateurs de tout évènement. Et, en Roumanie - de même qu'un peu partout en Europe Centrale et de l'Est - le respect des règles, surtout à un niveau apparemment sans impact direct sur le devenir social, apparemment sans enjeu, représente un signal plus important que l'on pourrait croire. On dit parfois que le diable se cache dans les détails - observer des règles, c'est le dénicher et le chasser. De plus, dans un pays où la relativité de la norme est à l'ordre du jour, dans cette presque compétition au contournement de ce qui est arrêté, à la meilleure astuce pour se faufiler entre les mailles du filet, il est rassurant de tomber sur des oasis de sérieux et de rigueur.

 

A une seule exception près, les médias culturels roumains n'ont pas réagi à ce qui s'était passé sous leurs yeux. Ils n'ont peut-être rien remarqué... D'ailleurs, un vrai débat sur le sort et le devenir du Festival tarde à être mené depuis des années, on a même l'impression qu'il est carrément évité. Pour qui l'organise-t-on? Quel public cible roumain et étranger? Quel contenu, quelles axes, quels participants, quelle pertinence interne pour les secteurs public et indépendant du théâtre roumain, quelle pertinence externe dans le paysage artistique européen et mondial? Vu l'affiche de cette année, comme le remarquait une journaliste, doit-on comprendre qu'un spectacle sur six produits en Roumanie, au cours de la saison qui vient de se terminer, est réellement représentatif, voire un chef d'oeuvre? Comment peut-on accroître la transparence et le bien-fondé de la sélection? Toutes ces questions et bien d'autres restent en suspens. Et le resteront probablement pour longtemps. Après, à nous de modifier les règles et surtout de les assumer...

 

Andrei Popov, journaliste culturel à la rédaction francophone de Radio roumaine internationale

 www.lepetitjournal.com/Bucarest

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Publié le 31 juillet 2017, mis à jour le 8 février 2018

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