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INTERVIEW – Rencontre avec Thierry Mariani, député de la 11ème circonscription des français établis hors de France

Écrit par Lepetitjournal Brisbane
Publié le 30 août 2016, mis à jour le 31 août 2016

Lepetitjournal.com a interviewé lors de son passage à Brisbane Thierry Mariani, un député à la parole controversée. Les sujets abordés : l'expatriation, les échéances électorales et la lutte contre le terrorisme

Au jeu de la géographie, le député de la 11ème circonscription des Français établis hors de France, Thierry Mariani n'a pas son pareil. Il étale sa zone de responsabilité par une suite de chiffres vertigineux : « 40% de la planète, 49 pays et 11 fuseaux horaires. De l'Europe de l'Est à l'Asie, en passant par l'Océanie » (voir carte).

A l'intérieur de cette zone gigantesque, moins de 150.000 Français inscrits sur les registres consulaires dont 26.000 établis en Australie. Le pays d'Oz truste ainsi la deuxième place en terme de population, derrière la Chine et ses 35.000 compatriotes.

Bien que plus de la moitié du temps en déplacement dans sa circonscription, le député « Les Républicains » et ancien ministre des Transports de Nicolas Sarkozy tient à préciser qu'il fait partie des cent cinquante parlementaires les plus actifs à l'Assemblée Nationale, en indiquant le site internet NosDeputes.fr comme moyen de vérification.

« La communauté française ne pose aucun problème en Australie et en Nouvelle-Zélande »

Depuis son élection en 2012, il consacre la deuxième quinzaine d'août à son périple Pacifique entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Lepetitjournal.com a eu la chance de l'interviewer lors de son passage à Brisbane à l'occasion du pique-nique des associations.

Interrogé sur les demandes des administrés de sa circonscription, Thierry Mariani constate que « La communauté française ne pose aucun problème en Australie et en Nouvelle-Zélande ». Il précise que les expatriés y sont « remarquablement bien intégrés » à tel point qu'en terre kiwi, les associations françaises ont fini par disparaître.

Selon lui, cet état de fait dénote clairement avec la situation des Français en Asie, plus précisément en « Thaïlande, au Laos ou au Pakistan où il n'y a presque pas de contact avec les locaux ».

Ce qui explique cette différence, c'est la proximité civilisationnelle avec l'Océanie pour le député de la 11ème circonscription : « un système éducatif en anglais, un système de santé qui fonctionne, un Etat de droit et un mode de vie occidental? ».

Il reste bien sûr quelques sujets qui inquiètent les expatriés français en Australie comme « l'équivalence des diplômes ». Monsieur Mariani nous confie l'histoire d'une jeune Française diplômée en médecine devenue serveuse car ses qualifications n'étaient pas reconnues en terre Oz.

Cette problématique est en partie due à l'organisation professionnelle française précise le député. Toutes ces entités telles que « l'Ordre des Médecins, l'Ordre des Avocats, l'Ordre des Experts-Comptables? » font bloc pour empêcher la reconnaissance des diplômes australiens en France. Tout est une question de réciprocité et « il est donc normal qu'ils fassent de même » constate le député.

C'est une véritable ineptie pour lui : « Personnellement je ne crois pas que des bateaux australiens vont venir se jeter sur les côtes françaises une fois les diplômes reconnus », ironise-t-il.

11ème

« La tendance actuelle, c'est qu'on expatrie des diplômés et qu'on reçoit des assistés sociaux »

En quatre ans de mandat, l'élu des français expatriés a constaté un rajeunissement de la population immigrée à l'étranger. Une évolution qui n'a rien de surprenant pour plusieurs raisons ; tout d'abord l'évolution des technologies : « Mon grand-père montait à Paris du sud de la France en 10 heures de train, maintenant en 10 heures d'avion tu peux être en Asie ». Et ensuite, une situation économique terrible de l'opinion du député : « Si la France était dans une situation économique idéale, ils resteraient (les expatriés) ».

Ces deux constats amènent cet habitué des ?phrases coup de poing' à un jugement au vitriol : « La tendance actuelle, c'est qu'on expatrie des diplômés et qu'on reçoit des assistés sociaux ». Une critique qui aurait mérité une mise en perspective avec la situation géopolitique. Situation que ce diplômé de l'Institut d'Études des Relations Internationale connait parfaitement. 

Toujours est-il que l'élu des Républicains ne souhaite pas céder à l'alarmisme ambiant de la classe politique : « il faut arrêter le ?c'est pas bien de partir !' ». Il faut au contraire « garder les liens avec les expatriés pour les accompagner et s'en servir comme des relais avec les autres pays ».

Pendant ses pérégrinations, le député originaire du Vaucluse a été impressionné par ses rencontres : « j'ai vu des jeunes Français avec des histoires hallucinantes qui avaient fait plus de choses dans leurs vies que d'autres bien plus âgés restés en France ».

La mondialisation est en marche et on ne la stoppera pas : « ma génération n'avait pas de stage à l'étranger à faire ; maintenant toutes les écoles ou presque les rendent obligatoires », explique le député. « Plutôt que de chercher à s'opposer à ce mouvement, il faut essayer d'en tirer profit, tout en permettant à ceux qui souhaitent revenir, de le faire dans les meilleures conditions ».

« Je ne suis pas enthousiaste vis-à-vis des primaires à droites mais c'est une évolution nécessaire »

Thierry Mariani ne perd pas de vue les échéances électorales de l'année prochaine. En tête bien sûr, les élections présidentielles et les élections parlementaires auxquelles il sera candidat à sa propre succession.

Reste pourtant une étape à franchir, celle des primaires à droite qui auront lieu les 20 et 27 novembre prochain afin de sélectionner le candidat au poste de Président de la République (la primaire socialiste aura lieu les 22 et 29 janvier). Bien qu'il ne soit pas enthousiasmé par l'idée de primaire, c'est « une évolution nécessaire » explique-t-il.

« On est en train de passer à un système à trois partis avec seulement deux candidats qui arriveront au second tour ». La Primaire permet d'éviter une concurrence au moment de l'élection qui ferait perdre des voix aux partis de gouvernement (Parti Socialiste et Les Républicains).

L'autre avantage pour le représentant des Français établis hors de France, c'est qu'elle permet au peuple de « choisir directement son candidat plutôt que de laisser le mécanisme du parti décider. Et ce n'est pas un mal ». 

Il n'y aura guère que cinq candidats qui réussiront à passer le stade des parrainages confie Thierry Mariani. En effet, la barre des 20 soutiens parlementaires constitue le principal obstacle aux plus petites candidatures.

Adieu donc les Geoffroy Didier, les Nathalie Kosciusko-Morizet ou autres Hervé Mariton et Henri Guano et place aux cadres du parti : « Nicolas Sarkozy, François Fillion, Alain Juppé, Jean-François Copé et Bruno Le Maire ».

Ce qui devait être une « primaire ouverte de la droite et du centre » symbole de toutes les nuances idéologiques de cette famille politique, tournera à la discussion entre cadors - ce qui n'est pas pour déplaire à un Thierry Mariani tranchant : « cinq c'est bien ! ». C'est à son avis le meilleur moyen pour éviter des candidatures « qui ne servent qu'à faire parler dans les médias ».

Dans ce combat plein de testostérone il a fait son choix : François Fillion, celui qui incarne « la détermination et l'apaisement », la « force tranquille » selon lui.

Bien qu'il ne soit pas « favori », Thierry Mariani précise que rien n'est joué pour l'instant à trois mois du premier tour.

Pour les Français résidant à l'étranger il sera possible de voter par internet contrairement à ce que désirait l'ex-Président Nicolas Sarkozy, dont les sondages outre-frontières n'étaient pas des plus encourageants.

Au-delà de ces considérations, c'était une obligation pour Thierry Mariani dont le principal vivier de votant se trouve en Chine, pays qui « interdit l'organisation d'élection hors des ambassades tout comme le Canada ou l'Allemagne par exemple ». En tant qu'élection privée, les primaires ne peuvent pas profiter des locaux diplomatiques ce qui aurait empêché les expatriés de voter en grande majorité.

« Je préfère un dictateur laïque plutôt qu'un extrémiste religieux qui menace la France (?) quand on n'a pas le choix de la démocratie »

En 2002, Thierry Mariani voyage à Baghdâd pour rencontrer Saddam Hussein alors président de l'Irak ? il est nommé représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan en 2009 pendant le mandat de Nicolas Sarkozy - en juillet 2015 il est à la tête d'une délégation d'une dizaine de députés en Crimée après l'annexion Russe ? il arrive en Syrie à Damas pour rencontrer le plus que controversé Bashar el-Assad en novembre de la même année ? en mars 2016, il retourne en Syrie avec SOS Chrétien d'Orient pour la messe de Pâques, moment où il s'entretiendra encore avec le président syrien ? et enfin en juillet dernier il se rendait à Moscou puis à Sébastopol (Crimée) et plaidait devant le dirigeant russe pour la levée des sanctions européennes à l'encontre de son pays.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que celui que le journal Le Monde surnommait « l'ami des dictateurs » est un habitué des polémiques. Mais que l'on apprécie ou non ; Monsieur Mariani représente un courant de pensée de la politique étrangère que l'on pourrait faire remonter à Machiavel : la Realpolitik.

Cette expression tirée de l'allemand a été appliquée pour la première fois à la politique du Chancelier Otto von Bismarck. Loin d'y établir une parenté, il n'en reste pas moins que cette politique étrangère fondée sur le calcul des forces et de l'intérêt national, parait tout à fait à propos pour le député français.

Il refuse de se priver d'interlocuteurs pour quelques raisons que ce soit de peur de nuire à la France : « je préfère un dictateur laïque plutôt qu'un extrémiste religieux qui menace la France » explique-t-il avant de compléter quelques instants plus tard « quand on n'a pas le choix de la démocratie ».

Bashar el-Assad comme Vladimir Poutine semblent rentrer dans ce cas de figure (l'un soutenant l'autre d'ailleurs).

Thierry Mariani refuse de se laisser entrainer dans une « nouvelle Guerre Froide » surtout face à la menace terroriste de Daech.

La morale ne s'applique pas dans le cas de la politique étrangère de l'avis du député de la 11ème circonscription « le monde ce n'est pas le bon, la brute et le truand, il en manque un dans le lot ». « Je préfère penser en terme de bénéfice pour mon pays comme le font les Russes ».

Bien qu'il ne soit pas invraisemblable que « Bashar el-Assad ait utilisé des armes chimiques contre son peuple », il reste un « rempart contre l'Etat Islamique qui menace la France ». Qu'importe l'horreur de ces actions alors ? C'est en tout cas ce qu'il pense. 

Le même raisonnement peut s'appliquer au régime autocratique de Vladimir Poutine qui garde « à la différence de la France une politique étrangère claire ».

En effet, le député met en avant une expression utilisée par Laurent Fabius alors ministre des Affaires étrangères en décembre 2012 : « al Nostra fait du bon boulot sur le terrain » (en Syrie et en Irak), alors que cette organisation se transformera en avril 2013 en Etat Islamique en Irak et au Levant, aujourd'hui le grand ennemi.

« On assiste à une Ubérisation du Terrorisme »

Thierry Mariani encourage à clarifier la position de la France dans la région, notamment vis-à-vis « du Qatar et de l'Arabie Saoudite qui soutiennent notoirement Daech », il avoue à demi-mots que c'est sa majorité menée par Nicolas Sarkozy qui entamait le rapprochement avec ces Etats, aujourd'hui membres de la coalition contre le terrorisme.

Face à cette « schizophrénie » il faut revenir à l'essentiel pour l'élu des Républicains : avons-nous des intérêts dans la région ? Et la réponse est : « de moins en moins ». Même si les « élites de ces pays parlent tous français, comme Bashar el-Assad », les intérêts sont des vestiges du passé « comme le quartier français de Damas ».

De l'avis du député, « on assiste à une Ubérisation du Terrorisme », il n'y a plus de lien véritable entre auteurs des attentats et Daech, « on appose juste le nom une fois l'acte commis ».

« J'ai bien peur que le terrorisme soit à la fois intraçable, indétectable et durable et qu'il y ait d'autres attentats » s'inquiète-t-il. Pourtant « il ne faut pas tout transformer en affaire de terrorisme » met en garde Thierry Mariani.

Les exemples du burkini et des assassinats des voyageurs britanniques Mia Ayliffe-Chung et Tom Jackson par un Français sont symptomatiques de cette peur nouvelle dont les conséquences ont été terribles pour le tourisme en France « moins 20, moins 30, moins 40% en fonction des pays ».

A la question de son avenir, le député de la 11ème circonscription des Français établis hors de France ironise sur les créateurs de fictions qui lui prêtent des ministères, de la Politique étrangère pour François Durpaire (bande dessinée), ou de la Ville, du Logement et des Territoires pour Michel Wieviorka (roman), sous la houlette à chaque fois d'un « gouvernement d'ouverture » de Marine Le Pen.

Pourtant Thierry Mariani préfère sa « liberté de parole en tant que député » assure-t-il. Surtout maintenant qu'il « connait parfaitement les rouages du Parlement depuis plus de vingt ans », quitte à passer pour la voix de la Russie à laquelle il pardonne tous les excès.

MP (www.lepetitjournal.com/brisbane) mardi 30 août 2016

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Publié le 30 août 2016, mis à jour le 31 août 2016

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