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Les "dog riots", les premières émeutes à Bombay contre les Anglais

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Un groupe de Parsis en 1910 - Wiki commons
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 5 mars 2019, mis à jour le 19 décembre 2023

Les premières révoltes des Mumbaikars contre les Anglais furent lancées par les Parsis. Ceux-ci, d’ordinaire pourtant calmes, incitèrent les habitants à sortir dans les rues et à prendre les armes afin de lutter pour les chiens errants ! Suite à cette rébellion des Indiens menée par la communauté Parsi, majoritaire dans la ville, les Britanniques entreprirent de mettre en place un contrepouvoir à Bombay en attirant d’autres groupes sociaux. 
 

Appelées les “Dog Riots of 1832” (“les émeutes du chien”), ces révoltes, semblables à nulle autre, incarnaient, pour ceux qui manifestaient, des idéaux qui valaient la peine d’être défendus.

 

En mai 1832, la police de Bombay décida de prolonger une législation datant de 1813, mandatant que les chiens “Indian pariah” qui vagabondaient dans le périmètre des propriétés publiques ou gouvernementales soient tués chaque année, d’avril à mai, puis de septembre à octobre. Tout cela dans le but de contrôler la menace croissante des chiens errants et enragés dans une ville portuaire, elle aussi en rapide croissance.

La prolongation de la loi fut approuvée et des tueurs de chiens spéciaux, payés huit annas (à l’époque 1 roupie était divisée en 16 annas), furent nommés. Exaltés par cette incitation financière, de nombreux "attrapeurs de chiens" commencèrent à viser des chiens qui n'étaient ni abandonnés ni dangereux. La fureur de la population locale s’ensuivit.

 

Police de Bombay vers 1850
Un groupe de policiers de Bombay vers 1850 -  Wiki Commons SMU Central University Libraries



La situation s’intensifia le 6 juin 1932, jour sacré pour les Parsis. L’enseignement du “Ehtirám-I sag” ou “profond respect pour les chiens” est une valeur ancrée dans les écrits saints du Zoroastrisme. Les chiens y sont décrits comme les gardiens des cieux et leur regard serait capable de conjurer le mal. Les textes religieux parsis du Avesta contiennent eux aussi des commentaires détaillés sur les vertus des chiens ainsi que du devoir de l'homme d’en prendre soin. Malgré de nombreuses mises-en-garde, les officiers de police du quartier de Fort à Bombay poursuivirent les rafles de chiens, ce qui ne fit qu’accroître la colère des Parsis.

 


Les Anglais, par contre, n'étaient au courant de rien. Durant l'après-midi du 6 juin, alors que la police commençait à rassembler des chiens dans le quartier de Fort, ils furent avertis que les résidents parsis devenaient agités. Bientôt, une foule de 200 Parsis (un chiffre considérable pour l'époque) descendit dans la rue en guise de protestation. Dans la frénésie, deux gendarmes furent blessés. La police riposta avec force et, tandis que la tension montait, le quartier des affaires ainsi que la zone commerciale du quartier de Fort s'immobilisèrent. Les magasins durent fermer et les travaux sur les quais cessèrent. Dès le lendemain, c’était une véritable grève qui mijotait. Les palanquins transportant des Britanniques furent arrêtés et bombardés de pierres. Très vite, les Parsis furent rejoints par d'autres communautés tels que les Hindous, les Jaïns et les Musulmans ; le nombre des manifestants se rapprochait dès lors des 500.

 


Malgré les émeutes et les manifestations, il n’y eut presque pas de blessés, mis à part deux Britanniques qui périrent à cause de la chaleur extrême. Les Anglais, humiliés par les évènements, révoquèrent la législation en question. Une délégation dirigée par Sir Jamsetjee Jeejeebhoy, un marchand Parsi anobli ensuite par les Anglais sous le titre de Baronet de Bombay, exigea que les chiens soient capturés plutôt que tués, ce qui fut accepté.

 

Sir Jamsetjee Jejeebhoy, le 1er baron de Bombay, un marchand Parsi
Sir Jamsetjee Jeejeeboy - Credit Amit20081980 Wiki Commons


Aujourd’hui, peu se souviennent encore du “dog riot”, cependant sa portée n’est pas négligeable. C’est à l’issue de cet incident que les Anglais prirent la décision d’introduire des communautés plus diverses au sein de Bombay. Jusqu’alors, la ville de Bombay était majoritairement parsi, mais dans leur paranoïa, les Anglais interprétèrent les émeutes comme une ‘conspiration parsi’. Ils encouragèrent donc d’autres communautés à migrer vers Bombay et à s’y installer.

 

Ce ne fut pas la dernière fois que les autorités de Mumbai tentèrent d'enrayer la croissance de la population canine en tuant les chiens errants. A la fin des années 1990, de nombreuses campagnes furent organisées pour tenter de diminuer leur nombre, mais cette fois-ci, les Parsis n'étaient plus assez nombreux pour entrainer toute la population à leur suite. Plusieurs activistes se sont mobilisés pour prouver à la mairie de Bombay que la solution optimale était la stérilisation. Aujourd'hui, la mairie de Bombay ne pratique plus l'euthanasie des chiens errants.

 

 

lepetitjournal.com bombay
Publié le 5 mars 2019, mis à jour le 19 décembre 2023

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