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Les films interdits et le festival Memory!

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Écrit par Sébastien Lafont-Frugier
Publié le 9 novembre 2017, mis à jour le 9 novembre 2017

Le festival Memory! est de retour à Yangon pour sa cinquième édition, la troisième à Yangon. Etalé sur 10 jours, il projettera en tout 60 films, entrecoupés de conférences, de rencontres, de discussions et ce dans deux endroits, le cinéma Waziya et le parc Mahabandoola. Le thème de cette année, la censure, peut paraître osé. Surtout ici, en Birmanie, où la démocratie est encore jeune et les vieilles habitudes peinent à disparaître. lepetitjournal.com Birmanie a donc voulu en savoir plus et est parti à la rencontre de Séverine Wemaere, co-fondatrice du festival.
 

Avant de nous parler de cette édition, pourriez-vous nous expliquer la genèse du festival ?
Au début nous sommes deux, Gilles Duval et moi. Je travaillais depuis 20 ans dans le patrimoine. Et j'étais au Cambodge dans ce cadre là. C'est là qu'a eu lieu la première édition du festival, en 2013. Donc il y avait un projet de préservation du patrimoine du cinéma, en Asie, notamment en Thaïlande et au Cambodge. Il y avait une urgence à prendre en charge ces restes de collections, et il n'y avait pas d'accès à ce patrimoine, très peu d'accès aux films du pays et étrangers. 

Or le patrimoine pour le conserver, ça n'a aucun intérêt ; pour le partager, c'est mieux, mais ce qui est important c'est que ce soit une source d'enrichissement. Regarder un film, c'est un voyage au travers du temps, des sociétés, des cultures, des religions des traditions, la politique, l'histoire, enfin tout ce qu'on veut... et on doit faire une sorte de dialogue entre les films d'hier et d'aujourd'hui. Et donc nous nous sommes dits que ce serait intéressant de créer un festival en Asie dont la programmation serait autour du patrimoine et dans un pays avec peu d'accès à ce patrimoine. Une autre condition importante pour nous était que le pays devait avoir une histoire du cinéma. Beaucoup de pays l'ont, comme le Cambodge. Une autre condition était de travailler avec le gouvernement pour la simple raison que c'est en général le gouvernement qui détient ce patrimoine. Et il était hors de question de participer à ce projet sans que la population puisse accéder à ce patrimoine. Et donc ça n'a pas marché au Cambodge pour cette raison. Mais en 2014, nous avions invité 5 réalisateurs birmans, de la Yangon Films School et ensuite, le Myanmar nous a invité à faire une reprise du festival pendant 5 jours, c'était en Octobre 2014. On a présenté une douzaine de films, pas toute la sélection.C'était ma première visite au Myanmar et il y a eu une vraie découverte. D'abord on découvre que c'est un pays de cinéma. Et les structures officielles sont partantes pour nous ouvrir les archives... Bon, tout ne s'est pas fait d'un coup mais ça s'est fait quand même comme ça. On avait bien sûr posé nos conditions, des conditions de liberté de programmation, de limiter la censure... Et d'ailleurs ce n'est pas vraiment une censure... C'est par exemple la question de la nudité... que l'on  aborde dans cette édition... Et ensuite on a découvert un public absolument curieux, sans doute parce que privé de cet accès aux films étrangers mais aussi leurs films. Et voilà, 3 ème édition principale en Birmanie !
 

Parlez-nous de cette 5ème édition et notamment de son thème. Est-ce compliqué d'imposer la censure comme thème principale?
Bon, nous on travaille dans la culture, on organise un festival de patrimoine et on travaille avec le gouvernement. On leur parle de tout. La thématique, qui a été décidée depuis longtemps, on la voit plutôt comme une démarche intéressante pour faire bouger les lignes et faire réfléchir sur la censure dans les différents pays dont la Birmanie. Et nous l'avons fait de manière très ouverte et transparente. Le but n'est pas de choquer, 20 films interdits à des époques différentes, dans des pays différents, par des gens différents. Ca veut dire qu'il y a une palette incroyable de censure mais aussi que le cinéma est en avance sur les mentalités, sur les sociétés. Nous montrons le premier film homosexuel, fait en 1919 ! Il y a aussi 'Le Dictateur' qui a été interdit par tous les pays amis de l'Allemagne Nazie. Mais ce thème c'est aussi pour se poser des questions sur la lourdeur de la censure, le plus souvent sur la nudité et la religion mais parfois d'autres thèmes, comme l'histoire par exemple... Il y a ainsi dans le festival deux jours de conférences avec des historiens, des juristes, des réalisateurs, des chercheurs d'ici et d'ailleurs. Ce sera un lieu de débat et pour preuve que tout a été fait en transparence et sans pression, c'est que le directeur de la censure va y venir. On est un lieu de débat. On est un festival de culture et d'accès à la culture. Maintenant, c'est vrai qu'il manque un film birman, et ce pour différentes raisons, dont techniques, on n'a pas pu l'avoir... un film de 65, 'General Cartoon' mais c'était compliqué.


Pouvez-vous nous parler de votre président du jury ?
Midi Z s'est imposé naturellement... Il était là l'année dernière. On a diffusé 'Road to Mandalay'. A 3h de l'après-midi, la salle était pleine et la diffusion était... électrique, dans le bon sens du terme. Quelque chose s'est passé. Il y avait beaucoup d'émotion... On l'avait aussi rencontré en France, il présentait ses films, c'est comme ça qu'on la découvert. Et il est extrêmement talentueux, il a déjà été primé... et je pense que pour son premier film diffusé en Birmanie, le festival était le parfait écrin. Et du coup on recommence cette année avec un film encore plus engagé 'Ice Poison'. Un film magnifique... Et donc c'était logique, Midi Z c'était une évidence. Il a du talent il a été ans les grands festivals.  Pour le président de l'année prochaine, on verra...  Ce sera cette année la deuxième édition du 'Myanmar Script Fund'.


Pouvez-vous tirer un bilan de la première année et nous parler de l'évolution du projet ?
Oui, l'année dernière on a commencé le 'Myanmar Script Fund', pour qu'il y ait une plateforme pour exposer des jeunes talents à tous les dispositifs des autres festivals internationaux. C'est à dire que les scénaristes postulent, bien sûr, mais doivent remplir les critères qu'ils vont retrouver dans les autres festivals internationaux comme Busan (NDLR : En Corée du Sud), Singapour, Cannes... Et puis grâce à ça, on les expose médiatiquement. We Ra (NDLR : Participant de l'année dernière) a déjà gagné trois prix. Le Myanmar Script Fund, c'est le début d'un long processus pour monter un film... Nwaye Zar Che Soe, le deuxième prix, est partie au festival de Locarno. Elle a pu participé à  un festival international avec des coachs. 

On n'est pas une film school, on n'est pas juste un workshop d'écriture, on est une sorte de hub aux standards internationaux. On regarde le contenu des scénarios avec des coaches et des script doctors, et après 4 jours, ils présentent comme dans les autres festivals, devant un jury, leur projet. Le pitch session, était le 7 novembre. Il y avait plus de 25 projets cette année, contre 16 l'année dernière, avec des sujets très intéressants, y compris dans ceux qui n'ont pas été retenus.
L'idée c'est qu'il y ait une transmission entre ceux de l'année dernière et ceux de cette année... On était très heureux des résultats de 2016 et on espère bien sûr que cela va continuer ainsi. Dans tous les projets que l'on a reçu, c'était un voyage dans la Birmanie d'aujourd'hui par les yeux de jeunes auteurs.
 

Catherine Deneuve est à nouveau marraine du festival, fait-elle partie de cette 'transmission' dont vous parlez ?
Catherine Deneuve, c'est une grande chance, elle est marraine depuis 2014. C'est une cinéphile incroyable. Elle a un parcours avec les plus grands, elle apporte cette aura qui n'a rien à voir avec le tapis rouge et le glamour, c'est une aura intellectuelle. Elle est extrêmement exigeante avec les films d'hier et d'aujourd'hui et elle a une ouverture extraordinaire et d'ailleurs elle le prouve avec les gens avec qui elle tourne. Nous sommes un festival familial dans le sens que l'on est une petite structure et l'idée, c'est qu'elle raconte au fil du festival son parcours, quel l'accompagne et qu'elle donne une sorte de caution, c'est un ambassadeur de bonne volonté la meilleure qui soit. C'est la troisième fois qu'elle vient en Birmanie et la quatrième fois qu'elle nous soutien. On a beaucoup de chance.
 

A part de la chance, que peut-on souhaiter au festival ?
Pour le festival, qu'on arrive a ouvrir des portes, à donner des idées à tous les spectateurs, birmans et étrangers et que le cinéma soit une fête, c'est toujours une fête de regarder un film ensemble, le partage ! Ce n'est pas la même chose de regarder sur son petit écran... Ce n'est pas le même film. Donc l'idée, si a un moment, on arrive à créer... quelque chose, on aura réussi. Pour nous, l'idée est de rester et de créer quelque chose de durable. Que la Birmanie devienne chaque année une capitale du patrimoine. Un festival international du cinéma patrimoine. 10 jours, soixante films, c'est une grosse machine. On draine des gens qui viennent d'Indonésie, de Tokyo, de New York... Donc, si on peut faire de la Birmanie Le rendez-vous asiatique du patrimoine chaque année on aura réussi. Maintenant le festival est une chose mais il y a énormément de projets autour, dès la fin du festival, par exemple, nous allons commencer une restauration... Et en 2020, ce sera le centenaire du cinéma birman. Voilà un rendez-vous qu'il ne faudrait pas manquer !

 

 

 

 

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Publié le 9 novembre 2017, mis à jour le 9 novembre 2017

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