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HELENE CONWAY MOURET – « Je n'ai eu de cesse de valoriser le travail des Français de l'étranger »

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 20 mai 2015, mis à jour le 21 mai 2015

C'est après un repas avec les différents acteurs de la communauté française de Berlin que la Sénatrice des Français de l'étranger et ancienne ministre déléguée auprès des affaires étrangères a accordé une interview au Petit Journal de Berlin. Dans le cadre d'une tournée consulaire en Allemagne, Hélène Conway Mouret s'est rendue dans la capitale allemande afin de rencontrer aussi bien l' Ambassadeur que les membres de l'Institut Français ou encore des associations, élus locaux ou encore membres actifs de la communauté francophone de Berlin. Des entretiens qu'elles considèrent comme incontournables afin de réellement comprendre les soucis rencontrés par la communauté française de chaque ville et pouvoir ensuite proposer à qui de droit des améliorations dans différents domaines tels que la santé, la formation scolaire ou encore les voyages professionnels des expatriés.

Le Petit Journal de Berlin - Qu'est-il ressorti de votre repas avec les différents représentants de la communauté française de Berlin et quelles sont les priorités selon vous ?
Hélène Conway-Couret - En tant que Sénateur des Français de l'étranger, notre circonscription est la planète. Les différents déplacements, comme celui-ci à Berlin, nous permettent d'aborder les différents sujets de façon transversale. Tout ce que je peux apprendre ici des représentants locaux, je le regroupe avec ce qui est ressorti dans d'autres villes ou pays. Cela me permet ainsi d'avoir une vision mesurée, équilibrée par rapport à des décisions qui doivent être prises à un niveau international et de mieux m'insérer dans la stratégie de la diplomatie française en prodiguant par exemple mes conseils ou mon aiguillage dans les décisions qui sont prises. Concernant les Français d'Allemagne et de Berlin, puisque c'est dans cette ville que nous nous trouvons, de nombreuses acteurs locaux ont une analyse des problèmes qui se recoupent, c'est donc sur ces points qu'il faut discuter et travailler.

En quoi consiste exactement votre mission en tant sénatrice des Français de l'étranger ?
J'effectue un très grand travail de proximité avec toutes les personnes qui me sollicitent et je suis très souvent sollicitée. A un niveau collectif, je fais régulièrement des déplacements et ai une liste d'interventions auprès des ministres qui me donnent l'occasion de leur poser des questions écrites ou orales. Je fais ensuite suivre les réponses aux personnes qui ont soulevé le problème. Pour donner un exemple concret ; j'ai été amenée à rencontrer régulièrement des hommes d'affaires qui m'ont expliqué devoir renouveler très régulièrement leurs passeports, du fait de leurs activités professionnelles les amenant à se déplacer très souvent.
J'ai donc fait une proposition simple et ai suggéré que des pages soient rajoutées afin que ces personnes ne perdent plus autant de temps auprès des administrations. Cela ne s'est pas mis en place en un jour mais aujourd'hui, ceux, qui en bénéficient, se disent très satisfaits de cette mesure. Ce sont des mesures pratiques et simples mais qui rendent la mobilité plus facile. Mon rôle consiste donc à la fois à faire remonter les problèmes soulignés lors de mes déplacements mais aussi à proposer des solutions. Certaines étant plus faciles à mettre en place que d'autres.

La sénatrice Hélène Conway-Mouret à la résidence de l'ambassadeur à Berlin, crédits photo : A.G.

 

Quel est votre pouvoir d'action exactement ?
En tant que parlementaire, nous pouvons poser des questions, rencontrer les ministres. Nous avons avant tout cette force de conseils.

Vous avez évoqué une analyse commune des différents acteurs locaux de Berlin, quelle est-elle ?
J'ai pu en effet constater qu'il y avait un besoin criant pour les Français souhaitant venir s'installer en Allemagne de préparer leur départ et de ce fait de maîtriser un minimum l'allemand. Il faut donc renforcer l'idée en France que si une personne a le projet s'installer à Berlin, il faut qu'elle apprenne la langue car même si les Allemands parlent bien anglais, pour trouver un travail à long terme et s'intégrer socialement, parler la langue locale est primordiale. La seconde analyse frappante, ressortie de mes entretiens, est le changement fulgurant de la capitale allemande. Les loyers augmentent constamment et le marché du travail est de plus en plus concurrentiel avec les autres européens, comme par exemple les Espagnols, qui arrivent en grand nombre à Berlin. Comme la vie berlinoise n'est plus aussi facile qu'auparavant, il faut que la France prépare mieux les candidats au départ vers l'Allemagne et particulièrement Berlin.

Comment cela peut-il se mettre en place ?
C'est une question en effet importante et lorsque l'on se rend sur le site de l'ambassade de France en Allemagne, puisque c'est un des premiers réflexes lorsque l'on souhaite s'installer dans un pays ou ville, on constate qu'il n'y a pas de section conseils. Il faudrait donc mettre cela en place afin d'informer les futurs expatriés sur les conditions à avoir pour réussir son installation en Allemagne et surtout les renseigner sur les structures locales déjà existantes qui peuvent les aider à mieux réussir leur installation. Par exemple, il est important de savoir comment on présente un Curriculum Vitae en Allemagne, puisque cela est assez différent de la France. Nous vivons au sein d'une époque numérisée, de ce fait il faut que les autorités locales s'adaptent et proposent des services en ligne. Et, ce serait également une façon de responsabiliser les personnes venant s'installer à Berlin .

La préparation à l'emploi à l'étranger est donc le point le plus important, voire prioritaire selon vous ?
Oui mais pas seulement. Ce point concerne surtout les jeunes, sans enfants qui souhaitent tenter l'aventure de l'étranger. Mais nous devons aussi penser aux familles qui font le choix de la mobilité et qui ont des demandes autres que celles précédemment citées. La plus importante reste la possibilité de scolariser leurs enfants dans un établissement français afin qu'il n'y ait pas de rupture dans leurs parcours scolaire si jamais ils rentrent en France un jour. Pour cela, la France possède des établissements un peu partout dans le monde mais pas en nombre suffisant. C'est pour cela que, au moment où j'étais rattachée au ministère des affaires étrangères, j'ai proposé la mise en place du Label France Education. Grâce à celui-ci, il est possible de diversifier l'offre de scolarisation pour les familles françaises expatriées en délivrant ce label à des établissements locaux en fonction de critères très précis.

Comment considérez-vous l'engouement croissant des Français pour un départ à l'étranger ?
Je n'ai eu de cesse, depuis que je me suis engagée pour les Français vivant à l'étranger, de tenter de mettre en valeur les différents parcours, parfois très impressionnants, des expatriés. L'impulsion et le soutien apportés aux trophées de l'étranger organisés par votre média, le Petit Journal ou la encore création d'un Tumblr consacré aux femmes expatriées vont dans ce sens. Je réfute complètement l'idée véhiculée par les médias que les Français fuient leur pays. J'ai vécu moi-même longtemps à l'étranger et n'ai jamais eu cette sensation. La mobilité est une réalité et il ne faut pas la dénigrer. De plus, avec la suppression des frontières au sein de l'Union Européenne est née la « génération Schengen » et il faut encourager cela. Ce n'est pas parce que l'on vit à l'étranger que l'on est plus français.

Et pourtant...certains Français de Berlin parlent « d'exil », que répondre à cette catégorie ?
Il est vrai qu'en France, on ne fait pas assez confiance aux jeunes. Je prends l'exemple des prêts par les banques ou des responsabilités que l'on refuse systématiquement à la jeune génération en France, ce qui n'est pas le cas d'autres pays. C'est très certainement culturel, j'avoue qu'il est difficile pour moi d'expliquer ce constat.

Vous avez été pendant deux ans ministre déléguée auprès du ministère des affaires étrangères, qu'est-ce que la création de ce poste a-t-il permis d'entreprendre ?
Pour l'ensemble des réformes entreprises, la proximité et la simplicité étaient mes deux mots d'ordre. Le premier point se situe à un niveau politique au travers de la réforme de l'AFE consistant, entre autres, à la création du poste de conseiller consulaire élu directement par les Français de l'étranger. Une proximité également à un niveau administratif puisqu'au travers de mesures concrètes, nous avons permis aux Français les plus éloignés des grandes villes de pouvoir télécharger en ligne les documents mais aussi que d'autres, comme les passeports par exemple, puissent être transportés dans l'ensemble de la circonscription au moyen de la valise diplomatique. L'ensemble de ces réformes ont ainsi simplifié les procédures administratives. Cela vaut aussi pour les mesures mises en place en terme d'éducation avec notamment le Label Education France dont on a déjà parlé auparavant ou encore pour la sécurité des Français de l'étranger grâce à Ariane, permettant ainsi de prévenir les personnes enregistrées sur le site des dangers éventuels qu'ils encourent dans les pays où ils se trouvent mais également de signaler des catastrophes ou de rechercher des personnes comme ce fût le cas lors du séisme au Népal.

Que pensez-vous de la polémique autour de la suppression des cours d'allemand en 1ere langue en France ?
Je pense que c'est très dommageable et surtout regrettable. Cette proposition est, selon moi, une réflexion hexagonale et essentiellement comptable afin de déployer d'autres langues ou matières et qui a été formulée sans penser aux dommages collatéraux sur un plan diplomatique. La France et l'Allemagne ont un accord basé sur la réciprocité entre les deux pays, notamment au niveau de l'apprentissage des langues et de ce fait je comprends tout à fait les réactions négatives outre-Rhin. Cela va à l'encontre de ce que nous tentons de mettre en place pour le français et la culture française et je compte donc rédiger une lettre ouverte sur le sujet. La connaissance des différentes cultures est essentielle pour réduire les différentes formes de racisme et développer l'ouverture d'esprit.

Propos recueillis par Anaïs Gontier (www.lepetitjournal.com/Berlin) jeudi 21 mai 2015

Savoir plus :

http://www.helene-conway.com/

Ariane : https://pastel.diplomatie.gouv.fr/fildariane/dyn/public/login.html

lepetitjournal.com Berlin
Publié le 20 mai 2015, mis à jour le 21 mai 2015

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