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CYRILLE ROGEAU - "La France continue à faire rêver"

Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 22 octobre 2013, mis à jour le 22 octobre 2013

Succédant à Jean-Claude Nolla, nommé ambassadeur, observateur permanent auprès de l'Organisation des États américains à Washington, le nouveau ministre-conseiller à l'Ambassade de France en Espagne a pris ses fonctions à Madrid début août. Il revient sur son rôle à Madrid et sur l'articulation de son travail avec celui de l'Ambassadeur, au sein d'un binôme où le numéro 2 est à la fois la face cachée de l'institution, mais aussi le chef d'orchestre qui coordonne la bonne marche des équipes. Questions - réponses.

Lepetitjournal.com : Ministre-conseiller, numéro deux de l'Ambassade... C'est un poste assez mystérieux. Quel est exactement votre rôle ?
Cyrille Rogeau (Photo repro) : C'est vrai que le numéro deux, c'est en quelque sorte le travailleur de l'ombre. Dans une grande ambassade comme celle-ci, où toutes les administrations sont représentées, le ministre-conseiller fait surtout de la coordination entre les services. Il s'assure que tout le monde travaille dans le même sens. Le ministre-conseiller est plus souvent à l'intérieur qu'à l'extérieur : sachant que l'Ambassadeur incarne la France et qu'il est souvent appelé à se déplacer, notamment dans un pays décentralisé comme l'Espagne, le numéro deux assure la permanence. C'est en quelques sortes celui qui garde la maison quand l'Ambassadeur est sur le terrain. Dans une ambassade, le numéro 1 et le numéro 2 travaillent en binôme : chacun est au courant de ce que fait l'autre et doit être en mesure de le remplacer si nécessaire.

Dans ce contexte de travail, à quoi ressemble votre quotidien ?
Ce qui est frappant en Espagne, c'est que c'est un pays avec lequel nous avons des relations particulièrement denses, dans tous les domaines. Il n'y a pas un jour sans que l'on ait la visite d'un ministre, d'un artiste ou d'un entrepreneur français. S'occuper de la venue des délégations françaises sur le territoire fait partie de notre vocation. C'est un travail de l'ombre, qui suppose une grande partie logistique, pas toujours très spectaculaire, et qui implique beaucoup de petites mains, beaucoup d'organisation. La difficulté est de garder le cap, de ne pas se laisser rattraper par le quotidien et son lot d'urgences, et réussir à faire avancer les dossiers de fond. On essaye de se fixer sur le principal et de laisser de côté l'accessoire.

Justement, qu'est ce que c'est le principal, en ce moment ?
Les priorités, ce sont le gouvernement et l'Ambassadeur qui les fixent. Actuellement, il est primordial de réussir le sommet bilatéral franco-espagnol, qui aura lieu avant la fin de l'année. C'est une échéance très importante. Le sommet a lieu une fois par an, il marque la régularité des relations bilatérales dans le temps et permet d'avancer sur les dossiers en cours. Cette année, la question qui sera très largement débattue est celle des interconnexions, dans les domaines maritimes, ferroviaires et énergétiques. L'objectif est de faire progresser le plus vite possible ces dossiers. Plusieurs ministres français vont se déplacer pour s'entretenir avec leurs homologues espagnols, accompagnés de leurs équipes, et cela représente un gros travail d'organisation pour que tout se déroule au mieux, pour que les rencontres se déroulent en accord avec le protocole.

Et comment gère-t-on le protocole ?
On gère tout à la minute près. Même le retard.

Vous êtes en poste en Espagne depuis un peu plus de deux mois seulement. L'Ambassadeur, arrive au terme de sa première année dans le pays. Vous êtes donc une équipe jeune. Ce n'est pas un handicap pour gérer de tels dossiers ?
C'est ce qu'on appelle la continuité de l'Etat : nous nous appuyons sur des équipes permanentes, qui nous informent constamment, nous épaulent et nous facilitent le travail. Pour ma part, j'ai officiellement pris mes fonctions le 1er août, mais je suis venu dès fin juillet prendre le pouls afin de faire connaissance avec les différents chefs de service et de faire le point avec eux sur les affaires en cours. Notez que les diplomates sont habituellement en poste 3 ou 4 ans, ce qui est relativement court, mais nous sommes organisés en conséquence. On a l'avantage d'arriver avec un ?il neuf, un regard externe, ce qui est toujours intéressant même s'il reste primordial de doser les mouvements de personnel au sein des services afin que l'expérience soit correctement transmise.

L'Espagne, c'était un premier choix, pour vous ?
Oui, c'était un rêve, ex-æquo avec l'Italie, qui est ma seconde passion. Je suis originaire de la Sarthe, j'ai surtout vécu à Paris, mais je suis un latin dans l'âme.

MEMO
ROGEAU Cyrille, né le 5 juillet 1967. Diplôme de l'Institut d'études politiques, maîtrise de droit public. Ancien élève de l'École nationale d'administration, promotion "Léon Gambetta", 1993. Conseiller des affaires étrangères hors classe.
Etats de service :
Nommé administrateur civil et affecté au ministère de la coopération, 1er mars 1993; à l'administration centrale (Développement), 1993 - 1996; mis à la disposition du secrétariat général du comité interministériel pour les question de coopération économique européenne, 1er mars 1997; détaché à l'inspection générale des finances, 1998 - 2000; (Afrique du Nord et Moyen Orient), 2000 - 2002; mis à disposition du sénat (conseiller diplomatique du président), 2002 - 2005; deuxième conseiller à Buenos-Aires, 2005 - 2008; auditeur à l'Institut diplomatique, avril - juin 2007; à l'administration centrale, sous-directeur d'Afrique du nord (Afrique du nord et Moyen-Orient), 2008 - 2012; (Inspection générale), 2012 - 2013; numéro deux à Madrid, août 2013

Vos premières impressions ?
Mes premières impressions c'est que Madrid n'est pas l'Espagne et que le quartier de Salamanca n'est pas Madrid. Il faut se méfier des idées toutes faites et c'est encore un peu tôt pour donner mon point de vue, même si je connais bien le pays pour y être venu à de nombreuses reprises. Certaines choses m'étonnent, certaines passions, concernant par exemple Gibraltar, que je n'aurais pas imaginées, vu depuis la France. Je note que l'Espagne est un pays éminement politique, avec des antagonismes marqués, de longue date. J'aime beaucoup la politique et j'aime beaucoup l'histoire, donc c'est tant mieux, je peux me plonger dans ces spécificités avec d'autant plus d'intérêt.

Estimez-vous que vous même, en tant que diplomate, vous exercez une fonction politique ?
C'est un travail assez mystérieux, le travail de diplomate. En fait, oui, nous faisons un métier extrêmement politique, sans pourtant être élu. La politique, c'est notre matière première. On peut dire que l'on fait de la politique pour les politiques, sans être nous mêmes politiques.
De fait, le diplomate n'a pas pour seul rôle d'expliquer à son gouvernement comment fonctionne le pays où il est nommé, c'est aussi celui qui doit expliquer aux gouvernements étrangers ce que fait et ce qu'est la France.

Il y a certaines choses de la France qu'ils ont du mal à comprendre, les gouvernements étrangers ?
La laïcité, c'est typiquement une spécificité française que l'on a du mal à comprendre à l'étranger, par exemple. D'après ce que j'ai pu voir au cours de mes différentes expériences, notre centralisme, notre jacobinisme sont parfois surprenants vus de l'extérieur. Cela dit, les diplomates français sont plutôt gâtés, il n'y a pas beaucoup de pays où la France est mal vue. Pour beaucoup, la France cela reste Paris, la Ville Lumière, l'art de vivre, le luxe, la gastronomie, la culture... La France continue à faire rêver. Dans la mesure où la France, même si elle agace parfois un peu, jouit d'un fort capital sympathie dans le monde -et à cet égard l'Espagne est un pays particulièrement francophile- il est important d'expliquer ce que nous sommes et qui nous sommes. C'est aussi le rôle du diplomate.

Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mercredi 23 octobre 2013
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