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Jeux Méditerranéens à Tarragone: chronique d’un désastre annoncé

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Écrit par Alexandra Pichard
Publié le 2 juillet 2018, mis à jour le 2 juillet 2018

Du 22 juin au 1er juillet derniers s’est tenue la 18e édition des Jeux Méditerranéens à Tarragone, en Catalogne. Mais rien ne s’est passé comme prévu lors de la semaine, au cours de laquelle se sont accumulés des incidents à tous les niveaux. 

 

Lundi, un membre de l’équipe d’organisation a renversé un enfant de cinq ans à Salou, au volant d’une voiture officielle des Jeux, puis a pris la fuite. Le garçon est toujours hospitalisé dans un état grave et le conducteur a été appréhendé avec un taux d’alcoolémie trois fois supérieur à la limite légale. Le mercredi, un athlète accusé d’agression sexuelle a été arrêté. Parallèlement, les arbitres internationaux des Jeux se sont mis en grève, abandonnés par l’organisation qui ne leur a pas fourni l’hébergement et les repas prévus, ce qui a paralysé la compétition et entraîné beaucoup de retard sur le programme. 

 

Initialement prévus pour l’été 2017, les Jeux avaient déjà été reportés à cette année pour des raisons économiques

 

Mais la liste des incidents a commencé bien avant l’ouverture des Jeux et pour les détracteurs de l’événement, c’était un peu la "chronique d’un fiasco annoncé". Initialement prévus pour l’été 2017, les Jeux avaient déjà été reportés à cette année pour des raisons économiques. En 2011, lorsque la décision a été prise d’organiser la compétition sportive, l’Etat avait prévenu que les fonds financiers ne suivaient pas, et le comité a d’ailleurs cherché des financements jusqu’au dernier moment. L’opposition dénonce également l’opacité du coût réel de l’événement, qui pourrait s’élever à 90 millions d’euros. Cela n’a pourtant pas été suffisant, et la plupart des installations sportives n’étaient pas prêtes, à l’image du Palais des Sports, jugé "non viable" par deux entreprises ou le Camp del Mart, fermé l’année dernière car il ne remplissait pas les normes de sécurité, qui a pourtant été rouvert pour l’occasion alors que les travaux n’ont pas été réalisés. En découlent alors des incidents, comme l’affaissement du terrain de basket 3x3. De plus, le comité d’organisation comptait seulement 35 personnes. Dans ces conditions, les principaux détracteurs, ERC et la CUP, jugent qu’il était "irresponsable" de maintenir les Jeux, même si cela aurait représenté un échec pour le maire de Tarragone, Josep Fèlix Ballesteros, qui a selon eux préféré les intérêts de son parti à ceux de la ville. 

 

L’exaltation nationaliste espagnole, qui a été le fil rouge de la semaine, a provoqué la colère des Catalans

 

Mais en plus des défauts d’organisation, les tensions politiques ont été omniprésentes lors des Jeux. En effet, l’exaltation nationaliste espagnole, qui a été le fil rouge de la semaine, a provoqué la colère des Catalans et notamment de la Generalitat, qui a financé en grande partie l’événement. Tout d’abord, les présentations étaient en anglais et en castillan, la langue catalane étant la grande absente des Jeux. L’armée espagnole a été présente tout au long de la compétition, avec des démonstrations aériennes de la "Patrulla Aguila" accompagnée de drapeaux espagnols lors de la Cérémonie d’inauguration. Mais surtout, le vendredi, le porte-avion Juan Carlos I, symbole de l’armée et de la puissance espagnole est arrivé à Tarragone, sur les ordres du maire comme l’affirme l’officier responsable, ce que Ballesteros a nié par la suite. Tout cela faisait partie du "programme culturel" de la compétition. Le conseiller délégué des Jeux, Javier Villamayor, est également accusé d’avoir offert massivement des entrées aux groupes nationalistes espagnols, comme le parti très conservateur VOX et d’avoir au contraire compliqué la tâche aux fédérations sportives catalanes, ce qui a provoqué selon ces dernières une surreprésentation des unionistes. 

Toujours selon les opposants, la culture catalane a été écartée de l’événement et notamment de la cérémonie d’inauguration, où aucune démonstration du folklore régional n’a eue lieu, pas même les castellers qui étaient prévus. En réaction, un énorme ballon jaune qui indiquait "Free Catalonia" a pu être aperçu pendant de longues minutes à côté de la piscine olympique. 

 

Une occasion ratée, qui a divisé plus qu’elle n’a rassemblé

 

L’autre désastre des Jeux a été l’affluence des visiteurs, avec des images de gradins presque vides, notamment lors de la cérémonie d’ouverture et de clôture, pour laquelle l’organisation a été obligée d’offrir des entrées. A ce propos, le maire a accusé la CUP d’avoir boycotté l’événement et affirme que les visiteurs ont été de plus en plus nombreux au fur et à mesure de la semaine. Mais en général, la population ne s’est pas investie dans les Jeux, et les commerçants n’ont pas constaté le retour économique prévu, car la plupart des célébrations se tenaient hors de la ville.

C’est pourtant un tout autre discours que tiennent l’organisation et Ballesteros, qui affirme que les Jeux ont été un succès. Dans une conférence de presse, il a dit que la faute de l’accueil mitigé des Jeux revenait aux médias qui se concentraient uniquement sur des "anecdotes". Il a également considéré que le comité avait été à la hauteur, compte tenu du contexte politique difficile dans lequel se tenaient les Jeux. Il affirme que malgré les problèmes d’organisation au début, "les choses sont rentrées dans l’ordre grâce à l’adhésion de tous et la compréhension des délégations". Il se dit "fier" d’avoir mené à bien cette compétition et félicite les bénévoles pour leur investissement et les nombreux sportifs présents, même s’il évite de donner des chiffres à propos des visiteurs. 

Si les politiques se rejettent la faute, ce qui est sûr c’est que les Jeux n’auront pas rempli l’objectif de ce genre d’événement, de transformer la ville et unir la population. Une occasion ratée, qui a divisé plus qu’elle n’a rassemblé. 

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