LEGISLATION - 2006, une année juridiquement mouvementée

L'année 2006 aura été particulièrement riche en changements juridiques en Thaïlande. Ces modifications de règles, dont les contours ne sont pas toujours très nets, ont entraîné une certaine confusion parmi les investisseurs étrangers. Alexandre Dupont, conseil juridique et directeur du cabinet Law Solutions, nous apporte ses lumières
1. Acquisition foncière
Le 25 mai 2006 une réglementation issue du ministère de l'intérieur requière de toute société dont l'actionnariat est partiellement détenu par un ou plusieurs investisseurs étrangers, de prouver l'origine des fonds utilisés pour l'acquisition d'un terrain. En pratique, s'il apparaît qu'un étranger détient des actions ou est administrateur d'une entité dont l'activité nécessite l'achat d'un terrain en Thaïlande (excepté les sociétés listées sur le marché boursier ou réalisant une acquisition sous un régime juridique particulier), l'officier du cadastre est alors en droit d'opérer une enquête sur les sources de revenus des actionnaires thaïs (salaire, héritage, prêt, etc.) et en conséquence accepter ou refuser la transaction.
De plus, toujours dans le cadre d'une acquisition foncière, l'administrateur de la société peut également être soumis à une telle enquête et les bilans fiscaux et comptables de la société peuvent être requis par les officiers du cadastre. Si les fonds proviennent d'un investisseur étranger, il faudra alors apporter la preuve d'un transfert depuis l'étranger.
2. Création d'entités juridiques
Le 15 août 2006 le Ministère du Commerce a mis en vigueur une procédure d'inspection sur les sources d'investissement dans le cadre de la souscription du capital d'une société dont l'actionnariat étranger est égal ou supérieur à 40 %, et/ou dans laquelle au moins un administrateur autorisé à signer est un étranger.
Pour toute société répondant à l'un de ces critères, l'ensemble des actionnaires thaïs doivent déclarer la source de leur investissement : copie de leurs relevés bancaires de plus de 6 mois à l'avance, document émis par la banque certifiant leur statut financier ou tout autre moyen de preuve dans le capital de la société avant enregistrement.
3. Transactions bancaires transnationales
Le 18 décembre 2006 la banque de Thaïlande a adopté en vue de maintenir la stabilité du baht une mesure mettant en place une obligation de réserve sur les investissements transnationaux de court terme vers la Thaïlande. En raison des perturbations causées par la réglementation sur le marché boursier thaïlandais et l'environnement économique et financier, celle-ci dernière a fait l'objet d'amendements à deux reprises.
En vertu de cette nouvelle réglementation, toute devise étrangère échangée en baht pour un montant de plus de 20,000 USD doit faire l'objet d'une retenue de 30 % pour une durée minimum d'un an à l'exception des transactions suivantes :
- Transactions de devises étrangères liées aux activités de compte « current », y compris les transactions en échange de biens, services, revenus, transferts et aide,
- Flux financiers en vue d'investissement dans le capital de sociétés listées sur le marché boursier thaïlandais,
- Investissement étranger direct définis en tant qu'investissement de non-résidents dans des entités locales dans lesquelles l'investisseur détient au moins 10 % du capital et détient un pouvoir de management,
- Investissement dans l'immobilier (terrains ou condominiums, excepté fonds d'investissement immobiliers),
- Emprunt de devises étrangères conclu avant le 19 décembre 2006,
- Transactions d'échange de devises associées à des contrats de clôture de change avec les mêmes institutions financières,
- Devises étrangères échangées en baht pour un montant inférieur ou égal à 20,000 USD,
- Devises étrangères échangées en baht par des clients ou des échangeurs agrées de traveller's cheque ou billets de banque,
- Devises étrangères échangées en baht par les ambassades et consulats étrangers, agences des nations unies, organisations internationales enregistrées en Thaïlande, ambassades et consulats thaïs et autres autorités gouvernementales situées hors Thaïlande. Emprunts de devises étrangères par des entités gouvernementales.
4. Projet d'amendement du Foreign Business Act
Les autorités thaïlandaises ont récemment soumis au cabinet ministériel un projet d'amendement de la loi sur les investissements étranger (Foreign Business Act). Cet amendement aura pour objet de modifier et préciser la définition de l'investisseur étranger afin de prendre en compte dorénavant non seulement la proportion entre thaïlandais et étrangers dans le capital d'entités juridiques enregistrées localement mais aussi le contrôle de l'actionnariat par l'effet des droits de vote au sein des mêmes entités.
Autrement dit, selon ce projet de loi, une société sera considérée étrangère (et donc interdite des activités listées par le Ministre du Commerce) si :
-La participation au capital par des étrangers (entités juridiques ou personnes physiques) est supérieure à 50%
-Le cumul des droits de vote détenu par des étrangers (entités juridiques ou personnes physiques) est supérieure à 50%
Cet amendement prévoit également l'augmentation des sanctions pénales en cas d'infraction au Foreign Business Act (actuellement de 3 ans d'emprisonnement et de 100,000 à 1 million de Baht d'amende) ainsi que l'amendement de la liste des activités prohibées aux investissements étrangers.
L'objectif de ces réglementations, outre celle concernant les transactions bancaires internationales, fut explicitement d'éviter l'utilisation illégale de prête-noms thaïs dans l'actionnariat des sociétés quelque soit l'activité menée. Ces changements ont notamment entraîné une confusion générale parmi les investisseurs étrangers. Dans ce contexte, il est recommande de prévoir à l'avance le montage juridique permettant de concrétiser son implantation en Thaïlande et de considérer la création de joint-ventures avec des partenaires thaïs stratégiques.
Alexandre Dupont 18 janvier 2007